Journée OZP 2012. Intervention, avec diaporama, de Patrick Picard, directeur du Centre Alain Savary : "Comment repérer, accompagner et évaluer l’innovation en éducation prioritaire ? L’expérience de l’IFé"

11 juin 2012

Texte issu de la prise de notes durant l’intervention. Le diaporama de l’intervenant est visible en en bas de page

Journée nationale OZP : 2 juin 2012

"Comment repérer, accompagner et évaluer l’innovation en éducation prioritaire ? L’expérience de l’IFé"

par Patrick Picard , directeur du centre Alain Savary (IFE)

 

"S’empailler sur le métier c’est déjà faire du travail collectif" (cf Yves Clot)

Qu’est-ce qu’un enseignant innovant ? Je ne sais pas.
Le Centre Alain Savary s’intéresse au travail réel : « Travailler implique de sortir du discours pour se confronter avec le monde. Le mot n’est pas la chose, et il va falloir que quelqu’un “se la farcisse” la chose. C’est bien structurellement que le travail réel est différent du travail théorique »
(Davezies, 1993)

Pourquoi les gens font-ils ce qu’ils font ? Il faut se poser cette question, avant de vouloir leur faire faire ce qu’on voudrait qu’ils fassent.

Le prescrit, ce qu’on devrait faire, est multiple dans l’institution, mais il y a toujours un écart avec ce qu’on fait vraiment, et c’est normal ! Il ne faut pas en faire quelque chose de refoulé !

Question de mots... et de normes professionnelles

 Innovation : définition du CNRTL : en 1297, "innovacion" signifie "transformation d’une ancienne obligation par substitution d’un nouveau débiteur à l’ancien".

 Question des mots dans les discours publics. Le mot innovation a été récupéré par le discours libéral dans les textes d’ECLAIR.
L’innovation serait le fer de lance du changement dans le pédagogique, la vie scolaire, la GRH.

Ce discours est fondé sur le manuel d’Oslo de l’OCDE pour l’innovation dans l’éducation :
 l’innovation produit
 l’innovation de procédé
 l’innovation marketing
 l’innovation organisationnelle

Dans l’étude EuroPEP, derrière 30 ans de politiques d’Education Prioritaire, il y a plusieurs modèles qui se sont succédé. On passe d’un modèle de compensation, de lutte contre l’exclusion, à un modèle d’individualisation, de diversité des talents et de besoins des publics spécifiques.

Faut-il avoir des méthodes différentes en Education Prioritaire qu’ailleurs ? Si on s’intéresse à la nature des difficultés et non à leur origine, les élèves de l’Education Prioritaire n’ont pas de « besoins spécifiques »

Ces nouvelles prescriptions s’inscrivent dans la logique des politiques publiques qui disent ce qu’il faut faire sans dire comment il faut faire. Elles disent de s’intéresser aux individus et non plus au groupe classe. Logiques des projets locaux contre logique des statuts ? (cf Van Zanten)

Il faut lire les rapports de l’Inspection Générale notamment celui sur la maternelle et celui sur ECLAIR
 Confusion entre innovation et casse des statuts
 Pas de nouveau souffle pédagogique impulsé par cette réforme
 Si innover c’est chercher des solutions, oui mais à quoi ? Question des rythmes, des organisations ?
 L’innovation n’est le fait que de quelques collègues et non un projet partagé par tout l’établissement
 Problème de l’articulation avec les nouveaux CARDIE…

Regard historique :

Antoine Prost, au Forum des enseignants innovants à Orléans, intègre dans l’histoire des innovations dans l’éducation des innovations réussies : l’ardoise et le tableau noir ; l’apprentissage en simultané de la lecture et de l’écriture ; l’imprimerie ; les classes promenades ; l’innovation locale dans un cadre national prescrit quand l’état veut donner une nouvelle ambition démocratique de l’école (1830 ; 1880 ; 1936 ; 1945 ; 1981)

La démocratisation est le produit des innovations qui ont réussi. Le plus dur est de transformer l’innovation en routine ! C’est la routinisation qui amène la transformation. Le travail a sans cesse besoin de se re-normaliser après une réorganistion du travail scolaire.

Innover pour changer quoi ?

 difficultés récurrentes des élèves de l’EP : en compréhension de texte, en analyse de données, en automatisation du calcul ;
 difficulté à passer d’une conception binaire de l’apprentissage (tout ou rien) à une conception de l’apprentissage comme un processus qui s’appuie sur les tâches mais ne s’y arrête pas ;
 on a compris récemment qu’il ne suffit pas de scolariser les élèves plus longtemps pour qu’ils réussissent, même si les exigence de l’école se sont complexifiées (littéracie étendue) ;
 l’école a tendance à se centrer sur les exigences des classes moyennes sans enseigner à tous ce que requierent ces exigences (cf Sylvie Cèbe et Cuisinier) ;
 les enseignants dans leurs pratiques quotidiennes sont confrontés à des dilemmes (cf ERGAPE et F. Saujat) : par exemple, mâcher le travail ou laisser chercher :
 le travail ne peut pas se transformer rapidement. Ceux qui ignorent les dilemmes professionnels des enseignants en prescrivant le changement ne peuvent s’attendre qu’à du repli de la part de la majorité des enseignants.

Le Centre Alain Savary avec Néopass essaie de prendre ce point de vue ergonomique dans l’accompagnement de la transformation des pratiques des néo-titulaires.

Quand on interviewe des enseignants innovants, on voit que c’est d’abord le contexte local qui les met dans une situation de confiance, qui leur permet d’oser essayer autre chose...

Réponse de Patrick Picard à plusieurs questions

Sur le partenariat : "Chacun à sa place" (avec accent) et "Chacun a sa place" (sans accent).
Il faut surtout ne pas faire la même chose que chez le partenaire.

En matière de politique éducative de la Ville, il faut se projeter sur plusieurs années - parfois vingt ans - pour juger des résultats. Le temps de l’éducation n’est pas le temps des politiques et il faut beaucoup de courage aux élus pour vraiment s’attaquer sur le long terme à des questions comme celle de la mixité scolaire.

Le modèle libéral en éducation n’a pas encore fait la preuve de son efficacité. L’OCDE est d’ailleurs un peu contradictoire, qui prône la libéralisation tout en déplorant dans un rapport l’explosion du système éducatif au Chili qu’elle a entraînée.
Véronique Decker, directrice de maternelle à Bobigny, pour protester contre le vocabulaire de l’injonction libérale en France, avait rédigé sur un blog une lettre ouverte "A tous ceux qui nous prennent nos mots".

Méfions-nous de l’idée de transfert de l’innovation pédagogique. Plutôt que de présenter en stage des actions modèles, suggérons discrètement d’"essayer ce truc-là qui ne demande pas trop de travail".
Le journal scolaire ne devient une réussite que lorsqu’il est intégré dans le travail scolaire quotidien.

Compte-rendu rédigé par Stéphane Kus, coordonnateur RRS à Saint-Priest(69)

Diaporama

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