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Discriminations à l’école : le rapport du jury de la conférence de consensus de l’académie de Créteil

28 juin 2016

Prendre le regard de l’élève et celui de l’enseignant pour combattre les discriminations, c’est ce que propose le rapport de la Conférence de consensus sur les discriminations réunie par l’académie de Créteil. Dans une académie marquée par de très fortes inégalités, le jury met le doigt là où ça fait mal. Il évoque les discriminations ethnique et systémique. Il fait le lien avec les pratiques pédagogiques ou l’orientation et invite au rééquilibrage des rapports avec les entreprises.

La suite de la conférence de consensus
Réunie à Créteil le 3 février 2016, la conférence de consensus sur les discriminations à l’école a réuni une vingtaine d’experts, sous la direction de Monique Sassier, parmi lesquels F Dhume, C Ben Ayed, E Prairat, G Zoia, S Chauvel, F Lorcerie. "C’est un sujet qui me tient à coeur", avait dit la rectrice de Créteil, B. Gille, estimant que "l’apport de la recherche est indispensable". Quatre mois plus tard, un composé de cadres de l’éducation nationale, rend un rapport où on retrouve les apports des différents chercheurs.

Pour le jury, "les préconisations ainsi élaborées pourront être mises en oeuvre dans le cadre du projet académique. Il ne s’agit pas d’ajouter des dispositifs particuliers se superposant à d’autres, mais de faire de la prévention et de la réduction des discriminations un acte majeur de la politique académique".

Une discrimination ethnique et systémique
Ce que relève ne premier le jury, c’est "un poids accru du facteur de l’origine ethnique (élèves issus de l’immigration de première et deuxième génération) à catégorie socioprofessionnelle et niveau de diplôme équivalents des parents. Cela ne peut s’expliquer que par l’aggravation d’une discrimination systémique, c’est à dire une détérioration globale de leurs conditions de scolarisation, et non par la seule dégradation des conditions socio-économiques de vie des familles". Ainsi sont mis e avant deux dimensions souvent niées ou occultées par l’institution, mais que la conférence du Cnesco avait également bien mis en valeur.

Le rapport identifie deux "zones à risque" de discrimination : les stages des élèves et l’orientation. Le premier sujet a fait l’objet des recherches de F Dhume. Le second a été travaillé par C Ben Ayed.

Limiter les stages pour lutter contre les discriminations
"Dans un contexte où les établissements sont sous pression pour “placer” leurs élèves en stage, les enjeux de formation tendent à s’effacer devant les enjeux de placement des élèves et la préservation de la bonne entente avec les entreprises", écrit le rapport. Il juge la relation école - entreprise "inégalitaire" et souligne les pratiques discriminatoires d’entreprises.

Pour éviter une expérience précoce de la discrimination, le rapport préconise de substituer aux stages en entreprises de 3ème des démarches de découverte d’entreprise organisées par les élèves.

Le rapport s’attaque ensuite aux stages en lycée professionnel. Il propose de "limiter les temps consacrés aux stages au minimum prescrit par les textes" et de former les enseignants à l’écoute de ce que vivent les élèves. Il propose un rééquilibrage de la relation avec l’entreprise passant par une codification et des procédures de régulation.

Lutter contre la discrimination à l’orientation
S’agissant de l’orientation, le rapport dénonce des ségrégations liées à la carte scolaire. Mais il va au delà des recommandations sur la révision de la sectorisation. Le rapport dénonce aussi Affelnet, la procédure d’orientation post collège. " Toutes les familles ne sont pas outillées de manière égale pour accompagner leur enfant dans ce palier d’orientation. Dans le travail mené avec elles, les catégorisations ethniques jouent à l’insu des enseignants et l’offre de formation est différenciée selon les origines sociale, ethnique, culturelle et cultuelle, le genre, la situation familiale, réels ou supposés, de l’élève".

Il propose de s’attaquer aux ségrégations à l’intérieur des établissements en observant ce qui se passe avec les options, les filières. " À partir du CP, l’orientation des élèves vers les classes d’enseignement spécialisé (SEGPA, CLIS, ULIS) entraîne une séparation selon l’origine sociale et ethno-raciale", note par exemple le rapport. Il préconise de "clarifier les critères de constitution des classes... et de s’outiller d’indicateurs".

Il recommande aussi de "s’efforcer d’intégrer dans les critères d’évaluation et de sélection des élèves, à l’échelle de l’établissement, dans la classe, dans les instances institutionnelles comme les conseils de classe, des compétences souvent travaillées de manière implicite dans le cadre scolaire, mais peu reconnues".

Des implicites pédagogiques qui trient
Enfin le rapport attire l’attention sur "les implicites pédagogiques". " Par exemple, proposer un dispositif de différenciation pédagogique à un groupe d’élèves peut relever, à l’insu des acteurs, de la discrimination active : diminution des exigences, absence d’enjeu etc. Inversement, proposer la même situation pédagogique à tous, alors que tous ne s’en emparent pas de manière équivalente, peut relever de la discrimination passive." Sur ces points il recommande de la formation.

Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire sur les discriminations et spécialement dans une académie où l’offre pédagogique est si inégale. Le jury n’est pas allé jusque là. Les préconisations, le tableau de discriminations ethniques et systémiques ne sont pas nouveaux. Beaucoup a été déjà décrit dans la conférence Cnesco ou par l’Observatoire francilien.

Ce qui fait le grand intérêt de ce rapport c’est de voir que ces démarches pionnières ont, pour la première fois, une traduction locale par une structure mise na place par un rectorat et qu’elles sont portées par un jury de cadres de l’éducation nationale. Reste maintenant à voir quel usage en sera fait par le rectorat de Créteil.
François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 28.06.16 : Créteil face aux discriminations ethniques et systémiques à l’école

 

Conférence de consensus sur les discriminations à l’école : le jury rend son rapport

 

Pendant plus d’un an, un groupe de travail constitué de dix-sept chercheurs, d’un jury regroupant onze professionnels de l’académie de Créteil et une représentante d’une association de parents d’élèves, et d’un comité de pilotage, a élaboré un questionnement sur la manière d’aborder, de prévenir et de réduire les faits discriminatoires à l’école.

Une Conférence de Consensus s’est tenue le 3 février 2016 à l’UPEC de Créteil, en présence de 170 personnes. Les chercheurs y ont été invités à répondre aux questions élaborées par le jury. De cette rencontre, sont issues des préconisations élaborées de manière partagée par le jury et le comité de pilotage lors d’une réunion qui s’est tenue le 10 février au rectorat de Créteil et lors des échanges qui ont suivi avec le comité de pilotage. Ce sont ces préconisations qui sont présentées dans ce rapport que vous êtes invités à consulter.

L’ensemble de ces travaux conduits dans l’académie de Créteil résulte d’une volonté de Béatrice Gille, rectrice de l’académie de Créteil, de « regarder en face » le sujet de la discrimination à l’école pour agir concrètement sur ses causes et ses conséquences. Il s’agit dès lors d’imaginer des réponses inscrites dans le cadre général du respect du droit, mais de les doter d’une valeur opérationnelle, utile, avec des outils qui pourront être largement déployés et faire l’objet d’une évaluation. Tous les niveaux du fonctionnement académique sont ainsi invités à agir, à l’échelle de l’institution, des établissements, et des acteurs individuels.

AVANT-PROPOS, MONIQUE SASSIER

LE TEMPS DE LA RÉFLEXION ET DE LA CONCERTATION

Pendant plus d’un an, un groupe de travail constitué de dix-sept chercheurs, d’un jury, présidé par Monique Sassier, regroupant onze professionnels de l’académie de Créteil et une représentante d’une association de parents d’élèves, et d’un comité de pilotage, a élaboré un questionnement sur la manière d’aborder, de prévenir et de réduire les faits discriminatoires à l’école. Une Conférence de Consensus s’est tenue le 3 février 2016 à l’UPEC de Créteil, en présence de 170 personnes. Les chercheurs ont été invités à répondre aux questions élaborées par le jury.

LE TEMPS DE L’ÉLABORATION DES PRÉCONISATIONS

De cette rencontre, sont issues des préconisations élaborées de manière partagée par le jury et le comité de pilotage, lors d’une réunion qui s’est tenue le 10 février au rectorat de Créteil et lors des échanges qui ont suivi avec le comité de pilotage.
Les préconisations ont été organisées autour de trois axes qui nous sont apparus de nature à structurer la réflexion et surtout l’action. Ces trois axes, qui prennent en compte les dimensions théoriques et professionnelles, se déclinent ainsi

LE TEMPS DE L’ACTION INVENTIVE

L’ensemble de ces travaux conduits dans l’académie de Créteil résulte d’une volonté de Madame la rectrice de « regarder en face » le sujet de la discrimination à l’école pour agir concrètement contre ses causes et ses conséquences. Il s’agit dès lors d’imaginer des réponses inscrites dans le cadre général du respect du droit, mais de les doter d’une valeur opérationnelle, utile, avec des outils qui pourront être largement déployés et faire l’objet d’une évaluation.
Les préconisations ainsi élaborées pourront être mises en œuvre dans le cadre du projet académique. Il ne s’agit donc pas d’ajouter des dispositifs particuliers se superposant à d’autres, mais de faire de la prévention et de la réduction des discriminations un acte majeur de la politique académique dont chacun se saisira pour le mettre en oeuvre concrètement. Tous les niveaux du fonctionnement académique sont ainsi concernés, à l’échelle de l’institution, des établissements, et des acteurs individuels.

LE TEMPS DE LA CLARTÉ DES MOTS ET DE LA LIBERTÉ DE JUGEMENT

Les débats ont porté un éclairage très pertinent sur une dimension du phénomène discriminatoire : chercheurs et professionnels ont montré comment le sentiment d’injustice scolaire renforce le sentiment de discrimination ou le colore différemment. Les inégalités d’accès à l’école, les inégalités sociales, spatiales, les inégalités d’accès au logement, à la culture engendrent un sentiment d’injustice qui s’exprime en sentiment de discrimination. C’est à l’école que tous vont exprimer ce ressentiment, en interrogeant sa légitimité. Qu’est-ce qu’une école juste, qu’est-ce qu’ « un maître juste » ? Cette dynamique injustice-discrimination est d’une grande richesse et elle permet de renouveler la réflexion et les modalités d’action des professionnels. Sur ce point précis, des rencontres avec les familles et des débats avec les élèves seront essentiels.
De même, cette conférence de consensus aura eu pour premier effet de permettre de se parler, entre professionnels, de nos gestes, de nos actions, conscientes ou non, des effets de nos actions, de nos inquiétudes, parfois de nos certitudes au risque de leur mise en question ! Les uns et les autres ont osé cette liberté de parole qui permet de prendre en compte, de manière pragmatique, la réalité. Il ne s’agit pas pour autant d’abandonner l’horizon d’une école idéale, ou un idéal de l’école, mais de regarder la réalité en face et d’articuler l’idéal avec les aléas du réel et de la vie quotidienne.
Ces interrogations, et bien d’autres encore, apparues au cours des travaux, traduisent le mécanisme démocratique à l’œuvre, garanti par l’engagement de Mme la rectrice. Ces interrogations nous engagent aussi à rompre avec une lecture « culpabilisante » de nos gestes, pour développer une éthique lucide de la responsabilité, dans le cadre des contraintes qui sont les nôtres, à quelque poste que nous occupions

CONSTATS ET PRÉCONISATIONS

Penser les discriminations dans le système scolaire amène à observer la manière dont sont traités effectivement les élèves, mais aussi les professionnels, au regard du principe d’égalité et cela dans toutes les dimensions de l’organisation de l’institution scolaire :

> DU POINT DE VUE DES ÉLÈVES
Accès à l’école, conditions de scolarisation, modalités de l’apprentissage, évaluation et certification, mise en place des aides, vie scolaire et sanctions, relation des professionnels avec les familles, accès aux stages, orientation ;

> DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS
Recrutement, affectation, évaluation, évolution de carrière, formations initiale et continue, travail collectif, relation avec la hiérarchie.
Chacun de ces aspects, potentiellement discriminatoire, demande à être interrogé. Il s’agit de voir si les pratiques et les organisations du travail ne donnent pas prise à l’activation de stéréotypes liés à des catégories illégitimes (profession et catégories socioprofessionnelles) voire illégales (origine réelle ou supposée, sexe, religion, handicaps, apparence physique, situation familiale, santé, résidence, etc.) qui peuvent conduire à des traitements différenciateurs des personnes

Conférence de consensus / 3 février 2016. Penser les discriminations à l’école pour les combattre : du déni à la lucidité, de la lucidité à l’action. Rapport du jury (25 pages)

Extrait du site de l’académie de Créteil de juin 2016 : Conférence de consensus sur les discriminations à l’école : le jury rend son rapport

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