Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
SOCIÉTÉ
ATTENTAT DE CONFLANS
Les difficultés des professeurs face à l’enseignement de la laïcité
Des fractures perdurent dans le monde enseignant, qui n’a jamais réellement fait corps sur le sujet.
[...] Laïcité omniprésente
Les historiens confirment : jusqu’aux années 1980 et au « virage » que constitue l’affaire des foulards de Creil (1989), la laïcité est un cadre réglementaire et non un objet d’enseignement. « Depuis Creil, l’école considère qu’il faut expliquer pourquoi les signes religieux y sont interdits, mais le corps enseignant n’a jamais été homogène sur ce sujet, rappelle l’historien Ismail Ferhat. Dès cette époque, une minorité d’enseignants, situés très à gauche, dénonce cette laïcité transmise en classe. Elle est pour eux l’œuvre d’une institution bourgeoise et élitiste, hostile aux minorités. »
Ceux qui ont connu l’école d’avant 1989 s’en étonnent encore. « C’est un mot que j’entends partout aujourd’hui, mais, quand j’étais élève, je ne l’entendais nulle part », a résumé Christine Guimonnet, porte-parole de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie, lors d’une table ronde en hommage à Samuel Paty, le 9 octobre, aux Rendez-Vous de l’histoire de Blois. Entre ces deux périodes s’est aussi opéré ce que les spécialistes du système éducatif appellent la « massification scolaire ». Les professeurs de plus de 50 ans ont vécu cette mutation, quand ceux qui ont 30 ans aujourd’hui ont toujours connu y compris dans leur vie d’élève « un lycée déjà transformé, avec des camarades de toutes origines, de toutes cultures et de toutes les religions », rappelle Jean-Louis Auduc, membre du conseil des sages de la laïcité – instance créée par Jean-Michel Blanquer au début du quinquennat. L’ancien directeur de l’IUFM de Créteil y voit une des différences « structurelles » entre enseignants jeunes et moins jeunes. [...]
Extrait de lemonde.fr/société du 16.10.21
Discussions
Iannis Roder, professeur d’histoire en Seine-Saint-Denis, rend hommage à ses collègues enseignants qui ont « remis l’ouvrage sur le métier » après l’assassinat de Samuel Paty pour, malgré le drame, refonder la « maison commune » qu’est l’école. Ismaïl Ferhat, historien spécialiste de l’école, revient sur la transformation progressive de la laïcité en un « contenu » d’enseignement et de formation.
TRIBUNE
Assassinat de Samuel Paty : « L’école apporte une réponse nécessaire à l’archipélisation de notre société » Iannis Roder
TRIBUNE
Assassinat de Samuel Paty : « Une éducation à la laïcité vécue comme un rappel à l’ordre risquerait d’alimenter les crispations »
Ismaïl Ferhat
L’actu de la semaine
TEMOIGNAGES
Un an après l’assassinat de Samuel Paty, des enseignants toujours traumatisés
L’assassinat de Samuel Paty, il y a un an, a créé un choc durable chez les professeurs, partagés entre découragement et refus de renoncer à leur mission.
Sylvie Lecherbonnier
ENTRETIEN
Assassinat de Samuel Paty : « A force d’euphémiser l’islamisme, une partie de la gauche est devenue inaudible »
Christophe Naudin, rescapé du Bataclan et lui aussi professeur d’histoire-géographie, redoutait que l’école soit ciblée par les terroristes.
Propos recueillis par Luc Cédelle
ENTRETIEN
Jean-Michel Blanquer : « La France et sa jeunesse doivent échapper à l’idéologie woke »
Le ministre de l’éducation lance, mercredi, un groupe de réflexion sur les valeurs de la République, à quelques jours de la commémoration de l’assassinat de Samuel Paty.
Propos recueillis par Service éducation
Les deux écoles de la gauche
Danielle Mitterrrand d’un côté, Régis Debray de l’autre... Les prises de position contradictoires de ces deux personnalités sur l’affaire du " foulard islamique " illustrent les débats qui déchirent la gauche sur l’école et la laicité depuis son accession au pouvoir.
Pour les uns, l’école doit être un espace de neutralité absolue, protégé des influences extérieures, qu’elles soient politiques, religieuses, économiques ou sociales. Les élèves doivent y oublier leur appartenance ou leurs racines. Leur seule tâche est de se consacrer, sur un pied de complète égalité, aux exercices intellectuels qui leur permettront de devenir des individus libres et autonomes. L’école est le lieu de l’émancipation par la raison, de l’oubli des différences, de l’intégration librement consentie. Chacun doit laisser au vestiaire tous les signes de ses origines familiales, idéologiques ou confessionnelles. L’école est faite pour prendre du recul, pour accéder à l’universel.
Pour les tenants de cette laicité, toute intrusion du monde extérieur dans l’espace clos de l’école ne peut être que néfaste, dangereusement délétère. C’est pourquoi ils s’opposent à la participation des personnalités extérieures ou des parents, au rapprochement avec les entreprises, aux pédagogies actives qui font sortir les élèves de l’école.
A l’inverse, un autre courant insiste sur la nécessité de prendre en compte la diversité des élèves pour faciliter leur adaptation. Ils considèrent l’enfant comme une totalité, qui ne peut être réduite à ses activités intellectuelles. Ils pensent que les différences sont une source d’enrichissement, que les individus ne peuvent être coupés de leur histoire et de leur environnement, que l’école doit accueillir et non censurer, s’ouvrir et non se replier.
Les premiers considèrent qu’il existe des valeurs universelles _ de vérité, de droit, de science _ prises en charge par la pensée européenne depuis le siècle des Lumières et que l’école a pour vocation de diffuser. Les seconds ont une conception plus relativiste des cultures et se méfient de l’ethnocentrisme occidental. Les premiers insistent sur le savoir et les connaissances ; les seconds sur l’expression et l’épanouissement des personnalités.
Les premiers accusent les seconds de déstructurer l’école, de la dissoudre dans un magma unanimiste où elle perdra son âme et d’où seuls les privilégiés pourront émerger. Les seconds reprochent à leurs adversaires une conception élitiste qui revient à exclure tous ceux qui, par impuissance ou conviction, ne se conforment pas au moule. [...]