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« Le programme de Marine Le Pen pour l’école s’apparente à une falsification historique »
TRIBUNE
Claude Lelièvre
Historien de l’éducation
Le projet de la candidate du Rassemblement national pour l’éducation prévoit de transformer les enseignants en « fidèles exécutants de programmes politiques » définis par le Parlement. Une situation « sans précédent », alerte l’historien de l’éducation Claude Lelièvre, dans une tribune au « Monde ».
[...] De la confiance à la défiance
Les enseignants devront donc être les fidèles exécutants de programmes politiques qui auront été définis foncièrement par le Parlement, et dont « le détail (…) et les labels validant les manuels scolaires relèveront du ministre de l’éducation nationale ».
Ce faisant – et c’est bien une « révolution » –, on sera loin de la tradition de l’école républicaine inaugurée par Jules Ferry en 1881, qui refusait toute idée de manuels officiels ou labellisés par le ministère, et préconisait, au contraire, que le choix des manuels autorisés soit effectué collectivement par les enseignants eux-mêmes. Il considérait d’ailleurs « cet examen en commun » comme l’« un des moyens les plus efficaces pour former l’esprit pédagogique de nos maîtres, pour développer leur jugement, pour les façonner à la discussion sérieuse, pour les accoutumer, surtout à prendre eux-mêmes l’initiative, la responsabilité et la direction pratique des réformes dont leur enseignement est susceptible », écrivait-il dans la circulaire du 7 octobre 1880.
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Au rebours d’une « restauration » du projet de l’école républicaine, le programme de Marine Le Pen s’apparente à une falsification historique. Il passe de la confiance à la défiance envers les enseignants. Il les transforme en simples exécutants d’un enseignement défini pour l’essentiel par des politiques et qu’il s’agira d’appliquer strictement.
Sont ainsi prévus un « renforcement de l’exigence de neutralité absolue des membres du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse vis-à-vis des élèves qui leur sont confiés », un « accroissement du pouvoir de contrôle des corps d’inspection en la matière », et une « obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants ». Cette mise sous tutelle directement politique des enseignements serait sans précédent, et cette mise sous surveillance fort inquiétante.