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Attractivité du métier enseignant : Le Café remet en ligne un rapport du Cnesco de 2016

28 septembre 2022

Que sait-on de l’attractivité du métier enseignant ?
Alors que le ministère promet "un choc d’attractivité" grâce à la revalorisation des premières années d’exercice, que sait-on vraiment sur ce qui pourrait rendre le métier enseignant plus attractif ? Un important rapport du Cnesco, réalisé en 2016, piste des solutions qui sont loin d’être périmées. Certes il faut payer davantage les enseignants. Mais il faut aussi savoir reconnaitre financièrement les secondes carrières. Et mieux accompagner les enseignants dans leurs premiers pas.

Pour réfléchir sur la crise du recrutement des enseignants, on dispose d’un rapport unique réalisé par le Cnesco en 2016. Car en 2016 la crise du recrutement est déjà là : 21% des postes mis aux concours en maths restent vacants, 18% en lettres modernes et 13% en anglais. Certes la situation est différente. François Hollande, qui a promis l’embauche de 60 000 enseignants a du mal à les trouver après les années de non recrutement sous Sarkozy. L’Education nationale fait de gros efforts de recrutement car elle met de nombreux postes aux concours. Ce n’est évidemment plus le cas. Mais la problématique de fond reste la même.

Le premier point qu’établit le rapport c’est que le métier en lui-même séduit toujours. "Il ressort tout d’abord de l’enquête menée auprès des étudiants en troisième année de licence que, en 2016, le métier d’enseignant attire toujours les jeunes, non pas en raison de la sécurité de l’emploi, des vacances ou par défaut en temps de crise économique, mais parce qu’il fait sens et suscite un désir d’engagement auprès des enfants et des adolescents. Le métier est même souvent vécu comme une vocation", écrit le Cnesco. Un quart des étudiants souhaitant devenir professeur des écoles ont ce rêve depuis leur temps d’écolier. La proportion est la même chez les futurs enseignants du secondaire : l’aspiration remonte aux bancs du collège ou du lycée et peut-être à l’image d’un enseignant qui les a marqué.

Mais le Cnesco introduit tout de suite une limite. "Lorsque l’on demande aux étudiants la « profession la plus attractive à leur yeux » parmi une liste de 15 métiers, le professeur des écoles apparait comme le plus attractif, suivi par le professeur de collège ou lycée. A contrario, lorsqu’on les interroge sur les métiers les plus prestigieux socialement, ces métiers n’apparaissent pas en tête. Au contraire, le professeur des écoles et le professeur de collège ou lycée sont nettement considérés comme les métiers les moins prestigieux."

Mais le principal enseignement de cette étude est fait par Pierre Périer. C’est que ’"les difficultés de recrutement sont récurrentes quand les mandats politiques alternent recrutement important et postes en berne. Les faibles ratios candidats/poste à pourvoir pourraient s’expliquer principalement par une crise conjoncturelle liés aux à-coups dans les recrutements. Construire une politique de ressources humaines, en lien avec les besoins démographiques, qui s’inscrit dans la durée est donc central pour la qualité du recrutement des enseignants", note Nathalie Mons, à l’époque présidente du Cnesco.

L’enquête du Cnesco établit un lien entre la réduction du recrutement et un impact durable et décalé dans le nombre de candidats. L’idée avait d’ailleurs déjà été émise par Catherine Moisan quand elle dirigeait la Depp. "Les politiques de recrutement apparaissent comme fluctuantes dans le temps. Une baisse durable suivie d’une augmentation soudaine des recrutements contribuent à alimenter, mécaniquement, l’effet de crise du recrutement. Les difficultés sectorielles rencontrées, au-delà d’un éventuel phénomène structurel, pourraient ne révéler qu’un effet conjoncturel consécutif aux à-coups dans la gestion des recrutements", note le rapport.

La baisse du nombre de postes mis aux concours sous Sarkozy a amené des étudiants à se tourner vers d’autres métiers. Et il a fallu plusieurs années sous F Hollande pour voir le nombre de candidats aux concours remonter. Et quand ça a redémarré, JM Blanquer était en train de réduire le nombre de postes mis aux concours.

Davantage de seconde carrière

Le rapport montre aussi que les nouveaux enseignants ont un profil différent de celui de leurs ainés. " Si les étudiants sont toujours majoritaires parmi les admis au concours d’enseignant, le métier d’enseignant semble attirer de plus en plus de nouveaux profils. En effet, en 2015, 25 % des admis au concours de professeur des écoles étaient salariés du public et du privé ou demandeurs d’emploi. Ils étaient 16 % dans le secondaire (DEPP). Cette proportion est en nette hausse ces dernières années. Ces nouveaux enseignants ont des contraintes et des exigences particulières. Par exemple, étant souvent mariés avec enfants, ces nouveaux enseignants ont du mal à accepter une mobilité au niveau national.

Des pénuries liées à la rémunération

Reste que l’analyse des données montre des pénuries d’enseignants localisées. C’est la concurrence des autres métiers qui explique ce déficit selon le Cnesco. " Les difficultés de recrutement d’enseignants en mathématiques s’expliquent par la concurrence avec les autres métiers possibles après des études scientifiques et la différence de rémunération avec ceux-ci, ainsi que sur montée en puissance de formations extérieures à l’université comme les classes préparatoires et les écoles d’ingénieurs", indique le Cnesco. En anglais on trouve le même phénomène. Pour les lettres, le Cnesco souligne la baisse du nombre d’élèves en série L.

Marc Gurgand (Ecole d’économie de Paris) a réalisé un audit sur les conditions d’exercice du métier d’enseignant par rapport aux autres métiers accessibles à niveau de diplôme égal. Il établit que la carrière des enseignants est nettement inférieure à celle des non-enseignants.

" Les écarts de salaires se creusent tout au long de la carrière. Ainsi, les non-enseignants commencent leur carrière à un niveau salarial proche de celui qu’ils auraient s’ils étaient enseignants. En revanche, en fin de carrière, les non-enseignants toujours en activité gagnent presque 1 000 € nets mensuels de plus que s’ils avaient été enseignants", note le rapport. L’écart est particulièrement fort dans les disciplines scientifiques.

S’ajoute à cela l’image d’un métier dégradé tel qu’il est ressenti par les enseignants en poste. " Seuls 5 % des enseignants français de collège pensent que leur métier est valorisé, contre 31 % en moyenne dans les pays participant à l’enquête TALIS (2013). La France apparaît ainsi en avant-dernière position (sur 34 pays)", rappelle le Cnesco.

Une entrée dans le métier difficile

" Se présenter aux concours du second degré dans l’enseignement public implique une forte probabilité, pour une proportion importante de nouveaux enseignants, d’une affectation de plusieurs années dans une académie ou sur des postes qu’ils n’auront pas choisis", note le rapport.

L’accompagnement des nouveaux enseignants est aussi très en dessous de ce qui se passe dans d’autres pays développés. La sortie du métier n’a toujours pas été pensée par le ministère et les possibilités de seconde carrière sont des plus limitées alors que dans d’autres pays le professeur expérimenté devient peu à peu accompagnateur et formateur.

Les préconisations du Cnesco

Ce que recommandait principalement le Cnesco c’est la continuité des politiques de recrutement. Pour le Cnesco, " Les politiques de stop and go en matière de recrutement d’enseignants nuisent à la qualité de ces recrutements. Ces politiques inconstantes limitent le vivier de candidats à qui des signaux contradictoires sur l’état des embauches dans l’enseignement selon les périodes sont envoyés. Elles conduisent à un recrutement de moindre qualité par rapport à un recrutement davantage lissé dans le temps. Les politiques de recrutement doivent s’inscrire dans la durée, en lien avec les besoins démographiques, avec des indicateurs au moins biannuels sur les futures ouvertures de postes d’enseignants."

Mais le Cnesco va plus loin. Non seulement il va falloir recruter mais il va falloir aussi attirer de meilleurs étudiants vers les métiers de l’enseignement. Pour cela le Cnesco appelle à tirer plusieurs leviers. Le premier c’est la formation continue, parente pauvre de l’éducation, qui doit aider les enseignants à entrer dans le métier. Le développement de l’accompagnement des nouveaux enseignants est demandé par le Cnesco avec le développement d’un master d’ingénierie pédagogique pour les accompagnateurs.

Le Cnesco cite en exemple Singapour et l’Ecosse. " En Écosse, les temps de cours des néotitulaires sont limités à 70 % du temps normal obligatoire ; les 30 % restants sont consacrés au développement professionnel (développement des approches pédagogiques, participation à des séminaires, …). Pour chaque néotitulaire, un mentor est désigné. Celui-ci voit son temps de cours hebdomadaire réduit de 3h30, afin de pouvoir aider le néotitulaire dans son développement professionnel et son intégration. À Singapour, après une formation initiale très solide, les programmes d’accompagnement ont une double forme. Au niveau national, les néotitulaires bénéficient d’une formation spécifique les familiarisant avec les valeurs, les principes, les convictions et les attitudes de la profession. Au niveau local (au sein de l’établissement), ils bénéficient du soutien des professeurs expérimentés qui les forment sur les aspects pratiques."

Penser aux secondes carrières

Sur le plan salarial, une idée intéressante est la prise en compte des expériences précédentes dans le salaire car certaines sont précieuses pour l’exercice du métier enseignant. Le Cnesco demande aussi des incitations financières pour les territoires difficiles. " Un effort particulier doit être réalisé, notamment pour les affectations dans les territoires les moins attractifs (primes d’installation renforcées, intégration dans la politique de construction des établissements de logements temporaires, politique de logement social en direction des enseignants pendant une période de temps limitée, …). De telles politiques locales sont déjà initiées par certains départements déficitaires comme la Seine-Saint-Denis."

Le Cnesco demande aussi le développement des secondes carrières. " Les nouvelles générations n’envisagent pas d’exercer strictement le même métier pendant plus de quatre décennies. Or le métier d’enseignant comporte de nombreuses missions qui se jouent également hors de l’enseignement dans la classe (relations avec le quartier d’implantation, mission numérique, projets citoyens transversaux, …). Le développement d’activités de mentorat ainsi que l’amplification des secondes carrières permettent de renouveler le métier tout au long de la carrière. "Cela peut passer par le développement des missions (IMP).

Une logique de continuité

Depuis 2016 la crise du recrutement s’est nettement renforcée. A cette rentrée, des milliers de postes restent vacants. Des recommandations du Cnesco seule la hausse des rémunérations semble avoir été entendue pour les débuts de carrière. Suffira t-elle ? Réduire la crise du recrutement passe aussi par la reconnaissance de ce qu’ils sont vraiment. Pour pouvoir recruter, il faut savoir prendre en compte la réalité des néo professeurs.

François Jarraud
Le rapport

Extrait de cafepedagogique.net du 28.09.22

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