Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
« Pour les élèves des quartiers populaires, la possibilité de s’exprimer est bafouée en permanence »
TRIBUNE
Cloé Korman
Ecrivaine et enseignante
Cloé Korman, écrivaine et professeure de français en Seine-Saint-Denis, estime que le débat sur la liberté d’expression est trop éloigné de la nécessaire réflexion qu’il faut mener sur la pauvreté de l’école.
[...] Je n’enseigne plus à Herblay, mais dans un de ces quartiers de Seine-Saint-Denis où la violence est monnaie courante. Je sais qu’ici, j’ai beaucoup plus d’élèves qui se sentent légitimement marginalisés et déconsidérés, et combien il faut réfléchir pour qu’un cours sur la religion, sur la liberté d’expression ou sur le racisme soit perçu comme l’occasion d’un dialogue et non un moment de violence symbolique.
[...] Pour les élèves pauvres des quartiers populaires, la possibilité de s’exprimer est bafouée en permanence. Elle est bafouée physiquement, dans ces lieux de brutalité et de bruit, d’absence de soins et d’hygiène, que sont leurs établissements scolaires. Elle est bafouée dans cette orientation limitée et dans un personnel insuffisant. Elle l’est enfin sous l’angle conceptuel, quand on stigmatise les élèves de banlieue, les élèves musulmans ou ceux des quartiers parce qu’ils refusent d’être Charlie, qu’ils expriment leur désarroi devant l’expression du blasphème, ou quand les représentations médiatiques les réduisent à ces attitudes, quand elles ne montrent pas tous ceux qui pensent de façon plus complexe. [...]