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Faire vivre un réseau apprenant est un voyage. Témoignage de Claire Héber-Suffrin sur le dispositif mis en place dans l’académie de Reims (archives Canopé : rubrique Mutualiser)

7 février 2023

Faire vivre un réseau apprenant est un voyage
Le témoignage de Claire Héber-Suffrin sur le dispositif mis en place dans l’académie de Reims.
Publié le 21/01/2020

Claire Héber-Suffrin
Docteur en psychosociologie des groupes en éducation et en formation

Prendre le temps et les bons moyens de ce voyage apprenant collectif et en construire les conditions avec quelles modalités ?

Prendre une montgolfière en marche ! Hum… en vol ?
Voilà le sentiment qui s’est faufilé en moi dans les débuts de ma participation à cette aventure relationnelle et institutionnelle, pédagogique et citoyenne de « réseaux apprenants » dans l’académie de Reims. Je suis arrivée dans l’histoire alors qu’elle avait débuté depuis quelques mois. La montgolfière, un moyen de transport qui permet d’admirer les paysages naturels et les œuvres des humains en les respectant dans leur singularité. Un moyen de transport qui transporte… et permet de se laisser à la fois porter par les souffles environnants dans des respirations légères et amples et par l’action de pilotes qui savent ce qu’ils font. Un moyen de transport qui, en un temps donné, cadré et cadrant, prend le temps nécessaire au but qu’il s’est fixé et accompagne une arrivée douce et satisfaisante pour tous ceux qui l’ont emprunté. Mais, prendre une montgolfière « en vol » nécessite de savoir où elle se trouve et où elle en est, d’en comprendre les mécanismes et les systèmes de cheminements et d’accrochages, de ne pas prétendre imposer de la rediriger mais de comprendre comment y être utile sans risquer de la déstabiliser dangereusement.

Vol ou survol !
Se redonner à découvrir le sens du vent que l’on veut suivre : « Faire vivre des réseaux, apprenants »
L’histoire des premiers vols en montgolfière est aussi l’histoire d’une exploration scientifique : faire s’élever le ballon était une chose, savoir pourquoi il volait en était une autre.

« Faire vivre dans, avec et entre les équipes des réseaux apprenants », thème transversal pour ce projet qui, d’emblée, fait le pari de l’inventivité d’enseignants. Des enseignants ayant accepté de travailler ensemble, en inter/niveaux, pour créer leurs ressources pédagogiques et, surtout, donner à voir les processus par lesquels ils les créaient.

« […] Nous étions comme des électrons libres essayant de se débrouiller avec cette question de réseaux apprenants. » (Martine Zeller, formatrice académique du rectorat de Reims, accompagnatrice d’une équipe dont elle formule ainsi l’analyse.)

Face au désarroi des enseignants devant cette appellation, il me fallait leur proposer quelques formulations, questionnements et analyses grâce auxquelles ils pourraient se situer, se retrouver, se voir avancer, se projeter.

Il s’agissait d’abord de concrétiser des termes qui peuvent n’être ni compris ni reçus parce qu’ils sont devenus « une mode », un dogme qui ne dit rien du réel vécu par les acteurs ! Un réseau apprenant, un territoire apprenant, une société apprenante… ? Suffit-il qu’ils soient des réseaux, des territoires, des sociétés où l’on apprend, où l’on peut apprendre, où certains apprennent, pour qu’ils soient dits apprenants ?

J’ai proposé à l’ensemble des participants six séries de questionnements (évidemment non exhaustifs, mais issus de mes pratiques et analyses) sur ce que l’on pouvait considérer comme des réseaux apprenants et sur les conditions pour les faire vivre (voir encadré ci-dessous).

Six séries de questionnements sur les réseaux apprenants

1. Il est nécessaire, d’abord, que ce soient des « réseaux » : pour cela travailler les définitions et dimensions des réseaux, les caractères des réseaux que nous voulons créer…
2. Il est nécessaire que les réseaux en question, comme acteurs collectifs, communs, comme « communal-réseau* », l’acteur collectif, le Nous/Réseau choisissent d’être apprenants : apprendre pour et par qui ; apprendre quoi, avec quels moteurs pédagogiques, en s’éclairant de quelles valeurs partagées : coopération, réciprocité, mutualisation… pour apprendre.
3. Il est important que chaque membre du réseau veuille, puisse, sache apprendre. Le réseau est alors une matrice de parcours singuliers et coopératifs. Des cheminements personnels peuvent être essayés et reconnus.
4. Il faudra prendre le temps et les moyens de construire coopérativement le système : les démarches qui lui donnent sens, les règles du jeu pédagogiques et relationnelles qui en font la cohérence, l’ingénierie des apprentissages qui le rendent efficient.
5. Il est essentiel de choisir ensemble et de construire ensemble les conditions psychosociales des apprentissages, aux différents niveaux, chemins et intersections du réseau : bienveillance « et » reconnaissance, accueil des singularités « et » coopération, confiance « et » écoute réciproque…
6. Enfin, ne pas hésiter à s’interroger pour avoir quelque chance de faire ressortir la valeur de ce que nous vivons et faisons : à quoi verrons-nous que nous sommes en réseaux ? En réseaux apprenants ? Et que nous fabriquons des réseaux apprenants ?

* Référence aux « communaux » qui existaient dans les campagnes, terrains qui appartenaient à la collectivité paysanne, que chacun devait entretenir et dont chacun pouvait utiliser les ressources. Pour moi, les réseaux d’échanges réciproques de savoirs®, par exemple, sont des communaux symboliques de la société moderne. Ils appartiennent à ceux qui les font vivre, qui peuvent y puiser les ressources en savoirs et savoir-faire, en intelligences, en créativité, en recherche commune de solutions, en imaginations sociales dont ils ont besoin pour continuer à habiter leur ville. Ils savent que ces communaux ne seront ressources pour chacun qu’autant que tous les alimenteront. Ils savent qu’il faut des règles du jeu, une dynamique organisationnelle, des procédures, réajustées en permanence.

« Votre intervention a été un déclencheur. Dès le premier temps, vous nous avez mis en questionnement. Votre venue a permis au courant de passer. Enfin, on comprenait où on allait. On pouvait se mettre en route ensemble parce qu’on comprenait où on en était, ce qu’on pouvait faire ensemble et le sens que ça avait. On pouvait comprendre que nous cheminions ensemble, nous regarder cheminer, nous regarder apprendre les uns des autres et apprendre ensemble… Les moments décisifs ont été les mises en situation dès le départ : explorer ses savoirs et ses manques… Nous avons pris conscience que nous étions dans une aventure commune de partage des savoirs. Nous avons pu mettre des mots sur ce qu’était un réseau apprenant, ce qui a fait prendre corps au travail déjà effectué. » (Suite de l’analyse de Martine Zeller qui témoignait ainsi, pour toute l’équipe qu’elle accompagnait, de l’apport de cet accompagnement).

Deuxième signe de perplexité que j’ai eu la chance de percevoir dès la première journée de rencontre : que faire devant l’injonction de problématiser leurs projets ?

Il m’a semblé nécessaire de « désenvelopper » ce terme de problématisation. C’est en reparlant entre nous de « réseaux apprenants » que nous avons pu dévoiler le sens des termes utilisés et le processus qu’ils décrivent : dans votre projet, le problème est ce qu’il faut expliciter par des activités de problématisation. La problématique est la formulation qui en résulte et qui servira ensuite de fil conducteur à vos travaux, la forme synthétique qui tiendra compte de tous les enjeux dégagés à l’occasion de la problématisation. (Consulter à ce sujet l’article de Guillaume Lequien sur le site « Enseigner la philosophie », « Ce que signifie pour vous problématiser », novembre 2015).

Les équipes travaillaient !

J’ai pu écouter toutes les équipes aux différentes étapes de leurs travaux et entendre quelques-uns des problèmes qu’elles se posaient et parvenaient à résoudre dans une véritable écoute réciproque. Peu à peu, ce qui grandissait, c’était une véritable curiosité pour les points de vue des autres, leurs conditions d’exercice de leur métier, leurs expériences vécues, leurs difficultés et contraintes, leurs joies et leurs réussites. La complexité chère à Edgar Morin, vécue avec sérénité et efficacité. Chacun devenait, pour ses intérêts, ses expériences, ses attentes… une des centralités du réseau.

Des conditions pour que les acteurs volent de leurs propres ailes, et ensemble…
Dans leurs débuts, les montgolfières étaient délicates à mettre en vol (le foyer à alimenter sans mettre le feu au ballon…). Peu à peu, en changeant de matériau et de carburant, on parvint à en faire un usage souple et sécurisé.

On peut même réaliser soi-même son ballon, pour une somme bien inférieure aux prix du marché, mais en contrepartie d’environ 200 heures de travail ! Ne pouvons-nous davantage construire nous-mêmes les contenus et modalités des voyages d’apprentissage qui nous sont nécessaires ? (C’est notamment un projet de la DAFPEN du rectorat de Nantes intitulé « Établissements apprenants ».) C’est, en particulier, ce que proposent les Réseaux d’échanges réciproques de savoirs®.

Un usage sécurisé et souple d’un projet grâce à un copil attentif et engagé
La délicatesse me semble une des qualités relationnelles nécessaires à des pilotes ! Apprendre ensemble et réciproquement, mutualiser les savoirs, oser essayer… voilà bien des attitudes individuelles et collectives qui exigent, autour d’elles, pour les favoriser, les faciliter et les reconnaître, de la délicatesse, de l’attention fine, du respect.

Composé de membres du Bureau de l’éducation prioritaire au ministère de l’Éducation nationale (DGESCO), du rectorat de l’académie de Reims, du Réseau Canopé, de formateurs-accompagnateurs académiques et de moi-même, le comité de pilotage a su construire un rôle nécessaire :
 par sa présence à chaque rencontre, il légitimait le projet : surtout, il signifiait son intérêt pour les cheminements des équipes en réseaux apprenants ;
 il leur garantissait un cadre protecteur : les équipes pouvaient déterminer leur rythme et structurer « leur » temps, dans le cadre annoncé dès le départ et clair ;
 ce comité a su conjointement assumer trois rôles. 1. Celui d’impulseur du projet sans faire peser le poids des hiérarchies et des hiérarchisations intégrées. 2. Celui de garant de la possibilité réelle que ce projet soit expérimental pour les équipes, en veillant à protéger les espaces, les temps et les règles nécessaires à une expérimentation libre, créative et formatrice. 3. De témoin qui sait apprendre et s’enrichir de ce qu’il voit et comprend, qui reconnaît la richesse de ce qui se vit, y compris des tâtonnements, des doutes, des inquiétudes, des perles, etc., qui s’appuie sur ce qui se vit là pour lui-même continuer à se projeter.

Un usage sécurisé et souple grâce à un « environnement accompagnant »
 Le Copil a été accompagnant.
 Mais aussi des formateurs académiques, collègues porteurs des mêmes expériences d’enseignants « et » formateurs porteurs d’une exigence de distanciation et d’analyse.
 Des médiateurs, à la fois formateurs et techniciens, de Réseau Canopé leur apportant les ressources dont elles avaient besoin pour produire et transmettre.
 Elles se sont, en partie, accompagnées réciproquement en se présentant leurs travaux et en réagissant sur les travaux des autres : elles se sont écoutées et enrichies de leurs divers doutes, questions et réponses.

Un environnement accompagnant ? (Solveig Fernagu-Oudet parle, elle, d’environnements capacitants, in (2012), « Concevoir des environnements de travail capacitants. L’exemple d’un réseau d’échanges réciproques des savoirs », Formation Emploi, n° 119, p. 7-27. Télécharger sur le site journals.openedition.org, (PDF, 858 Ko, 23 pages). Des réseaux accompagnants ? Ne serait-ce pas l’aspect le plus innovant de ce projet ?

N’est-ce pas cet environnement accompagnant et ces réciprocités qui ont permis à chaque équipe de construire son autonomie, de comprendre à quel point elle pouvait être intéressée par la réussite des autres équipes et collègues. Intéressée aux deux sens du terme : y trouver intérêt et y avoir intérêt (et le savoir) : reconnaissons que cet intérêt-là n’est pas toujours bien partagé dans nos institutions de formation !

Osons filer la métaphore, c’est grâce à cet environnement accompagnant complexe qu’elles contribuaient aussi à construire que les équipes ont pu affronter les vents contraires qui auraient pu les perturber. Et des vents contraires, que ce soit en raison des histoires personnelles, des cheminements sociaux et professionnels, de l’organisation, y compris hiérarchique, de nos institutions de formations, de la prégnance sociale des valeurs d’individualisme et de compétition… Il y en a eu, c’est certain ! Y compris des vents qui font stagner, reculer, qui ballottent, qui donnent le tournis, qui font que l’on ne sait plus qui on est, où on est, pour quoi on travaille tant !

Je n’en donnerai que deux exemples. Les équipes ont réussi à créer cette parité entre les enseignants de différents niveaux d’enseignement qui n’existe pas toujours. Elles ont su entendre les difficultés des autres et même à s’en faire des chances de réflexion sur leurs propres contraintes et conditions de travail. Elles ont gardé le cap des valeurs ! Accepter de ne pas toujours voir où elles allaient quant à leurs projets mais toujours savoir comment elles avançaient !

Articuler des formes d’organisation et des rôles
Nous avons travaillé sur les conceptions du travail en équipe, considéré que ce n’était pas opposé à l’organisation en réseau, qu’une équipe s’enrichit de fonctionner en réseaux, en interne comme avec d’autres. Qu’une équipe est là pour construire ensemble un projet, le gérer ensemble, partager les compétences nécessaires et se créer un sentiment d’appartenance au sens où le projet commun appartient à chacun et à tous.

Nous avons travaillé sur l’autonomie des équipes et l’intérêt du rôle des pilotes quand, de part et d’autre, les rôles sont compris, admis, réajustés au service de la réussite de chacun. Si le pilote est celui qui a la responsabilité d’amener tout le monde à bon port, nous avons pu décliner ensemble les qualités requises pour cet objectif.

… Et que ces acteurs créent les appareillages utiles à leur métier
Une créativité qui conduit à des créations
Continuons notre vol. Une montgolfière est un aérostat composé d’une nacelle surmontée d’une enveloppe légère et dont la sustentation est assurée par l’air chauffé qu’elle enferme, selon la force de la poussée d’Archimède. Le maintien de la température de l’air nécessite l’emport d’un carburant et d’un brûleur.

Ce projet n’a-t-il pas allié peu à peu la légèreté dans les relations, la chaleur de la pensée quand elle naît de l’intelligence collective, la force de la coopération, la permanence dans la visée et les valeurs et les outils de la technique pédagogique et organisationnelle ?

La créativité des personnes et des équipes a été une réalité. De multiples façons : imaginer des outils, construire des situations, interroger des difficultés, observer la classe et les cheminements d’élèves, analyser les traces de ce qui s’est fait, de ce que les élèves ont plus ou moins réussi, se remettre en question, lire et surtout écrire, filmer et jouer des rôles, résumer et raconter précisément, analyser et synthétiser, piloter et suivre, se laisser porter et porter, réajuster et bifurquer sans perdre le sens. Faire des singularités des chances pour tous.

Ils ont osé
« Oser » est un verbe surprenant fait pour faire vivre d’autres verbes : oser aimer, oser admirer, oser se relier, oser essayer, oser créer, oser apprendre, oser transmettre, et même oser oser ! « Vous restreindre, vivre petit ne rend pas service au monde » (Nelson Mandela dans son discours d’investiture à la présidence de la république, le 10 mai 1994, en tant que président de la nation Arc-en-ciel).

« Oser », verbe qui ne prend son ampleur que si on l’inscrit dans des phrases et des phases de vie toujours plus complexes : oser aller voir ce qui se fait dans une autre classe ou faire classe devant ses collègues, oser dire ses difficultés sans peur d’être jugé, oser essayer un nouvel outil et oser le réinterroger s’il ne marche pas comme on l’espérait, oser affirmer ses valeurs et sa conception d’un enseignement choisissant de respecter et faire réussir tous les enfants, oser reconnaître ses manques et apprendre de tous, oser sortir du confort, oser raconter des tâtonnements, des incertitudes, des imprévus, des errances…

C’est un verbe qui accepte tout : les rythmes différents, le pas à pas comme les grandes enjambées, les obstacles comme les cadeaux inattendus, les démarches nécessaires comme les coups de main institutionnels, les choix personnels qui enrichissent le collectif comme les collectifs qui soutiennent les cheminements individuels, les circonstances favorables comme les conditions difficiles…

Les ressources déposées sur ce site prouvent cette créativité et cette audace ! Avec tous les outils actuels à la disposition des « créateurs ».

Atterrissage !
Moment heureux ! Moment difficile ! Moment déstabilisant !
« La montgolfière… belle, paisible, sereine et libre de son cheminement » : c’est ainsi que Nathalie Faucon, accompagnatrice du projet pour le rectorat de Reims, réagit à cette image de la montgolfière qui lui semble traduire ce qui s’est vécu pendant ce projet.

La montgolfière se couche et les voyageurs doivent s’accrocher au bastingage pour le franchir. Il y faut une agilité dont j’ai eu du mal à faire preuve quand mes enfants, pour un anniversaire, nous ont offert, à leur père et à moi, un voyage en montgolfière au-dessus des châteaux de la Loire. Après des instants d’intense sérénité, d’émerveillement devant l’inconnu et l’inattendu, de vision culminante de ce que nous ne connaissions que les pieds collés au sol, de tranquillité avec un groupe de personnes assez restreint et savourant le même vol, de silence accompagné par un vent somme toute léger (on n’entre pas dans ce genre de voyage au milieu des bourrasques !), il me fallait « revenir sur terre » !

Ce moment d’atterrissage dit la nécessité de prendre soin de celles et ceux qui ont fait le voyage ! Ils vont revenir sur leurs terres ! Se retrouveront-ils seuls ? Alors qu’ils voudraient continuer à faire vivre ce réseau apprenant ! Le désir de continuer de ces quatre équipes, n’est-ce pas la plus belle preuve que ce réseau a bien été un réseau apprenant ! Que peut en faire l’institution ? Les aider à continuer avec des moyens constants ? Leur permettre de transmettre les outils de l’expérimentation ? Leur proposer d’accompagner, à leur tour, des équipes qui voudraient se lancer ?

Une présence au monde, aux autres et du temps pour cela !
Dans l’accélération ambiante et la mythification des outils numériques, deux critères souvent imposés comme des gages d’innovation sociale et comme critères d’intérêt des institutions, ce projet a prouvé que toute formation demande d’en prendre le temps, d’organiser la présence en structurant l’implication de chacun. (Ce qui ne signifie en rien le rejet des outils numériques mais la volonté de les mettre au service de la rencontre, des relations, de la création coopérative, du questionnement critique, y compris des usages de ces outils.) Le travail d’équipe exige de chacun de savoir persévérer et entreprendre. On ne peut créer des réseaux apprenants qu’en s’appuyant sur les richesses relationnelles et cognitives des personnes et sur leur conscience de leur incomplétude. La créativité individuelle et collective suppose de disposer d’un cadre protecteur qui permet d’apprendre à saisir les inattendus et à accepter les incertitudes.

Et puis, n’y a-t-il pas dans ce moyen de transport – je parle de la montgolfière –, une poésie rare ! N’est-elle pas une invitation à la poésie, à la rêverie, à libérer l’imaginaire ? Une montgolfière, c’est beau à voir quand on est au sol. Et quand on ose l’emprunter pour voler et prendre de la hauteur, elle permet d’admirer ce qui est donné du monde de la nature et du monde des humains. D’admirer ce qui est offert à préserver ! D’apprivoiser à la fois le pays découvert, le paysage survolé, le moyen de transport utilisé, le groupe avec lequel on voyage, soi-même dans cette situation nouvelle ou inhabituelle.

Et « notre » montgolfière, vécue ensemble à Reims pour le projet relaté ici, que nous a-t-elle permis d’apprivoiser ? Elle nous a permis, à nous tous qui en étions les passagers provisoires et de plus en plus enthousiastes, de découvrir des richesses en savoirs, en expériences, en cheminements, en analyses. De prendre de la hauteur par rapport à nos différents métiers tout en veillant à être réalistes dans nos productions. De vivre une multitude d’apprivoisements : apprivoisements réciproques, au-delà de la longueur des expériences professionnelles, des niveaux d’enseignement, des hiérarchies fonctionnelles ; apprivoisement du paysage proposé : faire vivre dans cette académie des réseaux apprenants ; apprivoisement des outils proposés ; apprivoisement par lui-même de chacun d’entre nous au niveau de ses a priori, de ses représentations, de ses inquiétudes, de sa confiance en sa force de création…

« Notre » montgolfière nous a permis de continuer à rêver d’un avenir digne pour tous les enfants ! Rêve nécessaire ! « Et » de contribuer à « fabriquer » ce que peut être l’École, à mieux reconnaître et espérer faire reconnaître la beauté de nos métiers en continuant à les créer dans tout ce qui peut apparaître comme des éléments, des fragments, des instruments pédagogiques et relationnels ! Peut-être cela ne peut-il se faire de façon efficiente qu’en « réseaux apprenants » !

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