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Selon une note détaillée de la Fondation Jean-Jaurès, le programme mixité de la Haute Garonne, qui a fait baisser le nombre des REP+, constitue "une alternative crédible à l’éducation prioritaire“ (ToutEduc)

11 janvier 2023

Le programme mixité de Haute-Garonne, “une alternative crédible à l’éducation prioritaire“ (fondation Jean-Jaurès)

Cinq ans après le lancement de son “programme mixité“ (voir ToutEduc ici, ici et ici), Marine Calazel, conseillère du département de Haute-Garonne se félicite, dans un billet d’analyse de la fondation Jean-Jaurès paru lundi 9 janvier “d’avoir trouvé une alternative crédible à l’éducation prioritaire“.

Est notamment évoquée la baisse du nombre de collèges classés réseau d’éducation prioritaire (REP) qui est passé de 5 à 3. De plus, les résultats des élèves scolarisés au collège Badiou “sont nettement supérieurs à ceux de leurs aînés“ avec 63 % des élèves en 2021 et 70,6 % en 2022 qui ont obtenu leur brevet contre 50 % de réussite auparavant.

Il s’agit aussi de l’adhésion des familles qui à la dernière rentrée scolaire ont “très majoritairement respecté leur nouveau secteur d’affectation“, avec des taux concernant la nouvelle carte scolaire de 75 % (secteur Raymond Badiou) et 78 % (secteur Bellefontaine), contre un taux moyen global de respect de 60 % à Toulouse.

Enfin, l’action aurait également pesée sur l’orientation des élèves. Quatre élèves sur cinq ont choisi d’entrer au lycée du secteur rattaché au collège d’accueil, alors qu’ils avaient le choix d’intégrer leur lycée de secteur historique (lieu de résidence). En outre, 54,1 % d’entre eux sont entrés en seconde générale et technique (contre 52,4 % en 2021), tandis que 33,8 % sont entrés en seconde professionnelle (contre 35 % en 2021). Seulement 3,8 % des élèves ont choisi d’entrer en CAP (contre 7 % en 2021) et 3,8 % ont redoublé (versus 3 % en 2021).

La note fait état des enjeux de dynamique de socialisation des élèves, avec une évolution des comportements, notamment concernant le sentiment des élèves d’appartenance à leur établissement d’accueil, le recours aux réseaux d’entraide entre élèves, l’autonomie des élèves dans les moyens de déplacement, l’ouverture culturelle.. “La mixité sociale est en fait une problématique d’adultes, en aucun cas une problématique d’élèves“, estime d’ailleurs Isabelle Bertolino dans son évaluation sociologique du programme. Selon la doctorante en sciences de l’éducation, les dynamiques de socialisation observées en 6ème sont les mêmes dans les collèges offrant davantage de mixité. “Très clairement, les élèves sont dans une mobilité sociale naturelle propre à cette phase de leur développement. On leur offre un contexte diversifié et ils en bénéficient avec toute la pertinence qu’on a à cet âge-là et qu’on est curieux et qu’on a beaucoup moins de préjugés et stéréotypes que les adultes. Ils n’ont pas à s’intégrer puisqu’ils arrivent en 6e et que tous les élèves doivent s’intégrer en arrivant en 6e. C’est un vrai défi pour l’ensemble des élèves, pas seulement pour ceux du Mirail."

D’ailleurs, Iannis Roder considère que “personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Nul ne peut accepter que, dans certains espaces, la seule altérité à laquelle sont confrontés des enfants français soit les enseignants“ car “concentrer ces élèves dans des espaces de relégation sociale ne peut que les enfermer dans des spirales d’échec dont ils ne pourront jamais sortir“.

Pour comprendre le problème il faut revenir en 2015, où “de fortes disparités ont été constatées entre les établissements“ et les écarts de composition sociale “s’accompagnaient d’écarts en termes de performance scolaire“. La Haute-Garonne comptait 117 collèges, 96 publics (dont 4 en réseau d’éducation prioritaire “REP“ et 5 en réseau d’éducation prioritaire renforcé “REP+“) et 21 privés, alors qu’à Toulouse il y avait 24 collèges publics et 12 privés.

Si, en moyenne globale, les collèges toulousains étaient plutôt équilibrés, il existait une forte concentration d’élèves favorisés dans les collèges privés et une forte concentration d’élèves défavorisés dans les collèges publics. Les 9 collèges publics classés REP et REP+ en Haute-Garonne se situaient dans Toulouse et, parmi eux, les 5 collèges REP+ avaient les taux d’élèves défavorisés les plus importants (entre 60 % et 80 %). Les 2 établissements REP+ situés au cœur du quartier prioritaire du Mirail, Raymond Badiou et Bellefontaine, frôlaient les 85 % d’élèves défavorisés.

Ainsi en 2015 une action a été lancée par le département “pour lutter contre les déterminismes sociaux et l’entre-soi, rétablir l’équilibre du profil social des collèges du territoire et offrir à tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale et géographique, les mêmes chances de réussite“. Cependant “si l’objectif était clair, il se heurtait au principe de réalité“. La géographie des quartiers toulousains montre que les quartiers favorisés et les quartiers défavorisés “sont rarement contigus“ et ces territoires sont séparés par des zones relativement mixtes, dans lesquelles les collèges bénéficient aussi d’une relative mixité. C’est pourquoi “modifier les frontières des secteurs de recrutement des collèges publics induisait de profonds changements pour les familles, sans pour autant résoudre le problème“ car “l’impact sur les collèges très défavorisés aurait été marginal, alors que les collèges relativement mixtes dans les zones intermédiaires auraient été fragilisés du point de vue de leur composition sociale“.

Conclusion, sans intervention des pouvoirs publics le risque d’une fracture sociale et territoriale “aurait été accru, avec des effets dévastateurs pour les jeunes générations et la société dans son ensemble“. Le levier de la carte scolaire ne paraissant pas suffisant, une concertation citoyenne (1 000 personnes rencontrées. 24 réunions publiques) a été mise en place pour co-construire le projet entre tous les acteurs concernés.

Tout le contenu du projet était négociable (solutions proposées, collèges concernés, mesures d’accompagnement, calendrier d’application) mais les objectifs recherchés, la réussite scolaire pour tous les élèves et l’apprentissage du vivre-ensemble n’étaient pas négociables. Les propositions présentées lors des premières réunions publiques, par exemple concentrer les efforts sur les collèges publics très favorisés et les collèges très défavorisés, “ont rencontré de vives critiques, surtout sur le principe de libre choix accordé aux familles“, et les objections “ont été quasi unanimes tant de la part du rectorat que des principaux de collèges, des organisations syndicales des enseignants et des associations de parents d’élèves“.

Ainsi, “pour sortir de la spirale de la non-mixité et donner toutes les chances de réussite aux élèves“, a été décidé de fermer progressivement les deux collèges du Mirail. L’idée était ensuite de reconstruire deux nouveaux collèges à proximité, mais “dans des secteurs de rattachement géographiques plus mixtes“, et d’établir une nouvelle carte scolaire prenant en compte un profil social mixte.

Ainsi en 2017 et 2019, 1 140 élèves scolarisés en CM2 dans les écoles des secteurs de rattachement des collège Raymond Badiou et Bellefontaine ont été accueillis dans un des 11 collèges d’accueil de l’agglomération toulousaine. Le département a mis en place 17 navettes permettant un transport direct et gratuit des élèves et a attribué à chacun une carte de transport gratuite pour un aller-retour quotidien. L’ensemble de ces mesures d’accompagnement mises en œuvre par le département représente un budget annuel de 900 000 euros. L’Éducation nationale a clairement été partie prenante en limitant les effectifs à 25 élèves par classe en 6e dans les collèges d’accueil.

Le département a créé un dispositif de “bonus/malus“ qui consiste en un “système financier incitatif ayant pour objet d’offrir aux établissements, publics comme privés, accueillant une part importante d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, les moyens de réaliser des projets éducatifs ambitieux susceptibles de corriger les inégalités et le déterminisme social“.

Celui-ci tend à moduler une partie de la dotation de fonctionnement, mais seulement pour la part éducative, attribuée par le conseil départemental aux collèges en fonction d’un ratio mesurant la mixité sociale au sein des établissements. La part éducative varie entre 22 euros et 70 euros par élève, pour une moyenne de 54 euros. En 2022, 56 collèges publics sur 97 ont bénéficié d’un bonus et un d’un malus, les autres restant dans la tranche intermédiaire. Pour les 21 collèges privés du territoire, 8 sont dans la tranche intermédiaire et 13 se voient appliquer un malus.

Cette politique “volontariste et menée de concert“ est saluée par directeur de l’Observatoire de l’éducation pour qui la réalisation ne peut se faire qu’au niveau local, au plus près des réalités du terrain, en impliquant tous les acteurs (collectivités locales, Éducation nationale, parents) afin de répondre au mieux aux problématiques particulières que rencontre chaque espace.

Bien que 17 départements aient aujourd’hui initié des politiques publiques locales pour lutter contre les inégalités et la ségrégation sociale dans les collèges, Marine Calazel regrette que, bien qu’il ait été la force du projet, le volontarisme des acteurs locaux “reste une fragilité intrinsèque à ce jour“, notamment en “l’absence d’un cadre réglementaire ou législatif clair et obligatoire permettant de l’ancrer durablement“.

La note ici

Extrait de touteduc.fr du 10.01.23

 

EXTRAIT DE LA NOTE

[...] En conclusion
Cinq ans après le lancement du programme, la Haute-Garonne peut d’ores et déjà se féliciter d’avoir trouvé une alternative crédible à l’éducation prioritaire puisqu’avec ce plan, le nombre de collèges classés réseau d’éducation prioritaire renforcé a baissé, passant de 5 à 3.
Par ailleurs, des enseignements peuvent au moins être tirés sur la méthode. La démarche d’écoute immersive grâce à la concertation citoyenne et sa souplesse ont été un élément clé de la réussite du projet. Toucher ainsi à l’équilibre social des collèges ne peut réussir qu’à condition que tout le monde s’approprie le projet et s’en sente acteur. Jamais un tel programme n’aurait pu voir le jour s’il avait été le fruit d’un travail « en chambre » du conseil départemental et s’il avait été imposé aux familles et aux équipes enseignantes. Le fait qu’une collectivité travaille en transparence et remanie son projet en tenant compte des critiques émises par les acteurs concernés a permis de donner son crédit au projet.
Selon Etienne Butzbach, coordinateur du réseau mixités à l’école du CNESCO, « la politique de mixité sociale menée par le département de la Haute-Garonne se singularise sur plusieurs points :
son ampleur, son inscription sur le long terme, la multidimentionnalité du projet, le partenariat soutenu avec l’Éducation nationale et le dialogue citoyen constant avec les acteurs. Tout ceci distingue l’action du conseil départemental et n’a pas d’équivalent en France. C’est pourquoi, nous pouvons la considérer comme un laboratoire et un véritable modèle des politiques de mixité sociale à l’école
Le volontarisme des acteurs locaux a été la force du projet, mais reste une fragilité intrinsèque à ce jour, qui a d’ailleurs été soulignée par l’ensemble des intervenants lors des dernières Rencontres nationales de la mixité sociale à l’école qui se sont tenues au département de Haute-Garonne en février 2022 : l’absence d’un cadre réglementaire ou législatif clair et obligatoire permettant de l’ancrer durablement.

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