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"Travailler en banlieue", un hors-série en texte intégral de la revue Diversité : éducation prioritaire, quartiers, partenariat, PRE, cités éducatives, travail social...

17 février 2023

Diversité
Hors-série 17 | 2023

Travailler en banlieue
Working in the suburbs

Ce numéro a été réalisé en partenariat avec l’ANCT.

 

Editorial
Régis Guyon
Un métier, sans cesse renouvelé, sans cesse questionné

Entretiens d’ouverture
Patrice Leclerc
« En banlieue, il ne faudrait que des professionnels de vocation ! »

Rachid Santaki
« On ne peut pas grandir intellectuellement quand on meurt de faim ! »

Articles
Cyprien Avenel
Relancer le travail social dans les quartiers : un rendez-vous possible avec la politique de la ville

Choukri Ben Ayed
La discrimination à l’école : déni scientifique ou problème de méthodes ?

Denis Bourque et Frédérick Gagnon
Intervention collective dans le champ de l’éducation au Québec

Joëlle Bordet
Écouter les professionnels de la jeunesse en milieu ouvert au sujet du confinement

Sylvain Broccolichi et Brigitte Larguèze
Restauration d’une école sinistrée et leçons tirées

Céline Chantepy-Touil
Adolescence et radicalisation : une nouvelle conduite à risque

Matthieu Coste de Bagneaux
« La complexité des situations familiales rencontrée impose davantage d’interventions de professionnels dans le secteur social ou médical »

Tarek Daher
Les régies de quartiers : la banlieue comme inspiration

Clélia Diracca
Mes deux leviers pédagogiques pendant la crise : le numérique et l’empathie
Journal de ma prise de conscience

Géraldine Doutriaux
Faire table rase et tout recommencer (en REP)

Stéphanie Foselle
« L’entrée dans le métier par le territoire est un levier pour apaiser les nouveaux enseignants »

Laurent Giraud
La médiation sociale : un métier en attente de sa reconnaissance officielle

Éric Gougeaud
Travailler en partenariat en éducation prioritaire

Khalid Ida-Ali
Acteurs du développement social et urbain : derrière les intitulés de postes, des individualités

Gilles Monceau
Des ZEP aux Cités éducatives, les interférences institutionnelles négligées

Laurie Sompayrac
Les intervenants du PRE : entre précarité et stratégies d’adaptation

Laurie Genet
Les cités éducatives : des missions d’intermédiations réorganisées ?

 

Numéros de Diversité en texte intégral

 

Extrait de publications-prairial.fr de février 2023

Chacun des articles sur l’éducation va faire l’objet d’un traitement séparé sur le site OZP

 

Note : 1 La question du « travailler en banlieue » a d’ores et déjà fait l’objet de 4 numéros de Diversité en 1993, 2001, 2008 et 2011, bientôt disponibles sur la plateforme Persée de l’ENS de Lyon. (éditorial de Régis Guyon)

 

"Travailler en banlieue", un kaleidoscope de métiers pour l’éducation (Revue Diversité)

"Dans une école d’un quartier d’habitat social de la banlieue parisienne, les difficultés et tensions se sont accrues pendant cinq ans : troubles et dégradations, arrêts maladie et départs répétés des enseignants, résultats calamiteux aux évaluations nationales, mécontentement grandissant des parents." C’est ce contexte difficile d’exercice du "travail en banlieue" que s’attache à décrire un numéro hors-série de la revue Diversité qui vient d’être mis en ligne.

Régis Guyon, son rédacteur en chef, souligne que "l’écart (grand) entre les ambitions affirmées et les moyens disponibles met parfois les professionnels (...) dans toute une série de contradictions, de dilemmes (...), s’agit-il pour eux de viser les mêmes objectifs ici qu’ailleurs, ou d’assumer le fait d’exercer ici un autre métier qu’ailleurs ?" D’autant qu’à côté des "métiers traditionnels", enseignants, éducateurs, assistants sociaux, etc., qui sont "revisités par une confrontation à des réalités nouvelles et inédites", la banlieue a aussi "inventé ses ’nouveaux’ métiers, des régies de quartier aux médiateurs sociaux en passant par les métiers de l’ingénierie de la politique de la ville (délégués du préfet, chef de file des cités éducatives, chef de projet de développement social), sans parler des nouveaux entrepreneurs sociaux". Et, commente Patrice Leclerc, le maire de Gennevilliers, "en banlieue, il ne faudrait que des professionnels de vocation ! L’émerveillement devrait aussi être enseigne aux enfants des banlieues et aux professionnels, apprendre à s’émerveiller de ce qu’ils sont capables de faire et du monde dans lequel ils vivent."

Les écouter patiemment

C’est que, souligne Rachid Santaki (écrivain, fondateur de La Dictée géante), "les jeunes des banlieues sont fascinants, car ils ont leurs codes, leurs références, ils ont cette fulgurance et cette fragilité". J’aime beaucoup accompagner les jeunes les plus écorchés, car ils ont une épaisseur, une maturité et une expérience forte de la vie, alors qu’ils sortent à peine de l’adolescence (...). J’ai eu l’occasion d’intervenir avec la dictée auprès de jeunes et de mettre des mots sur leur émotion : pour eux, le fait de faire des fautes est une honte, une faute morale, alors je leur dis que ce n’est pas le cas et de retourner cela en un point de blocage identifié qu’on peut estomper."

Il faut les écouter, y compris et peut-être surtout lorsqu’ils se trompent, comme cette jeune Mélanie, 15 ans, qui "vivait dans une belle villa d’une banlieue chic de Lyon" et qu’a rencontrée Céline Chantepy-Touil (coordinatrice du DAPR, dispositif d’appui pour la prévention des risques liés aux radicalisations) après que sa mère a découvert ses préparatifs pour rejoindre l’Etat islamique en Syrie. Elle avait connue jusque là "une vie rythmée par une scolarité sans heurt et des vacances en Bretagne chez les grands-parents maternels", puis surviennent de premiers symptômes attribués à une crise pubertaire. Il aura fallu "des années d’accompagnement de cette jeune fille" pour qu’elle parle des raisons de son engagement : "Des attouchements répétés de la part de son grand-père, une peur de parler, l’incompréhension des siens" qui la poussent à "se tourner vers d’autres voix et voies" pour réaliser "son besoin de métamorphose", pour se sentir valorisée, choisie. Et cet exemple montre qu’il n’y a pas de portrait type, que "pour comprendre la logique de ces processus adolescents de radicalisation, il s’avère nécessaire de puiser dans les itinéraires biographiques de chacun d’entre eux", sans généralisation.

L’action peut aussi être collective, comme le raconte Stéphanie Foselle, professeure dans un collège de Vaulx-en-Velin où elle avait monté une dispositif d’accueil des jeunes enseignants et où elle travaillait en géographie sur le quartier avec ses élèves de 6ème qui étaient dès lors en mesure d’organiser des "balades urbaines" pour ses nouveaux collègues : "Les élèves éprouvent une réelle fierté à présenter, sans idéalisation, leur quartier avec leurs mots et évoquer leur quotidien avec un réalisme plein de sensibilité. En tant qu’enseignant, nous découvrons leur cadre de vie, leurs habitudes et parfois leurs difficultés. En effet, de nombreux enseignants, habitant loin, viennent en voiture et ne connaissent que le parking du collège. Ils ont apprécié cette balade et ont été touchés de découvrir, à travers les récits des élèves, le collège et le quartier, avec les espaces de jeu et de sociabilisation des jeunes. Ils ont ainsi pu comprendre et appréhender en quoi le quotidien de leurs élèves peut être différent du leur. Et enfin, ils ont pu déconstruire, grâce aux lieux choisis par les élèves, les clichés fréquemment véhiculés par la banlieue, et notamment par l’image négative du Mas-du-Taureau. En fin de balade, les élèves se réjouissent de discuter avec les enseignants et de répondre aux questions sur leur quartier. Les postures s’inversent pour les ’détenteurs du savoir’. Les enseignants se trouvent face à des élèves curieux, soucieux et à l’écoute." Elle est certaine "que cette forme de partage, voire presque d’acculturation, est positive autant pour les uns que pour les autres. En effet, enseigner en banlieue, à Vaulx-en-Velin, n’est pas comme enseigner ailleurs, et l’entrée dans le métier par le territoire est un levier positif. Voir derrière l’élève, un citoyen, un habitant du quartier permet de mieux saisir ses codes, ses rituels et son mode de vie."

Accueillir les jeunes enseignants

Sylvain Broccolichi et Brigitte Larguèze (U. de Lille et sociologue chargée d’étude) ont participé à la "restauration d’une école sinistrée" où les difficultés s’accroissaient depuis cinq ans, "troubles et dégradations, arrêts maladie et départs répétés des enseignants, résultats calamiteux aux évaluations nationales, mécontentement grandissant des parents". Pour eux, il est clair qu’il faut "étayer les enseignants débutants des écoles à risques" : "En effet, à l’issue de leur formation, les professeurs des écoles débutants s’avèrent particulièrement sensibilisés à des objectifs ambitieux d’inclusion, d’évaluation et de régulation des difficultés des élèves, tout en étant peu outillés pour opérationnaliser ces objectifs et maîtriser les problèmes professionnels qu’ils ont à gérer." Ils sont nommés "sur les postes les plus précaires délaissés par leurs prédécesseurs" et le risque est grand qu’en résulte "une impuissance résolument démobilisatrice", qu’ils "rejettent en bloc les prescriptions du centre de formation" s’ils restent livrés à eux-mêmes. En revanche, "quand leurs aspirations sont assez vite étayées et stimulées par des échanges et coopérations avec des professionnels compétents, ils parviennent souvent à surmonter d’importantes difficultés initiales". Tout s’est en effet passé, l’année de leur intervention "comme si, à l’inverse des années précédentes, les informations et coopérations proposées dès leur arrivée leur avaient permis d’entrer rapidement dans une logique de résolution de problèmes, porteuse de progrès encourageants".

Mais l’école n’est pas seule sur le territoire, les politiques publiques peuvent mettre en cause le travail qui y est réalisé. Laurie Genet, doctorante qui travaille sur les "cités éducatives" souligne que leur organisation "est à l’origine de tensions" dans la mesure où elle contribue "à l’invisibilisation des partenariats déjà en œuvre". "À ce jour, les professionnels pivots présents au sein de territoires labellisés ’cité éducative’ peinent à coexister et à collaborer avec les professionnels pivots antérieurement inscrits sur le territoire". Elle espère toutefois que "le prolongement du financement des cités éducatives jusqu’en 2027 sera à l’origine d’une réorganisation des pratiques partenariales en profondeur au niveau du territoire".

Des discriminations sous évaluées

Encore faut-il accepter de voir les problèmes qui se posent. Selon Choukri Ben Ayed (U. de Limoges) "la situation de l’école en matière de discriminations (...) demeure relativement peu documentée" dans la mesure où la recherche préfère raisonner "en termes de classe et non de race" : "Si les sociologues de l’éducation travaillent peu la question raciale à l’école, c’est qu’ils considèrent le racisme comme extrinsèque à l’école", mais aussi en raison "des nombreux obstacles méthodologiques et du caractère limitatif des sources disponibles. Néanmoins, différents indices issus des enquêtes disponibles prouvent que la discrimination scolaire est à l’œuvre (...) dans le cadre des pratiques d’orientation, de notation des élèves, du régime des sanctions, de sollicitations différenciées en classe, d’attitudes personnelles de certains enseignants, des équipes de direction, de l’administration scolaire, particulièrement dans la constitution des classes."

Revue Diversité, Hors-série 17 (2023) Travailler en banlieue, en accès libre ici

Extrait de touteduc.fr du 21.02.23

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