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ADDITIF du 10.09.24
La France championne du déterminisme social
L’OCDE favorable aux pédagogies "constructivistes"
L’OCDE publie une "étude" consacrée à la situation économique et aux politiques françaises. Le 5ème chapitre, "Améliorer les résultats dans le domaine de l’éducation", une cinquantaine de pages, propose une synthèse très documentée des données concernant notre système éducatif.
C’est ainsi que, "par élève, la France dépense plus pour l’enseignement, notamment secondaire, que la moyenne des pays de l’OCDE", mais que les résultats demeurent proches de la moyenne de l’OCDE. L’organisation internationale calcule qu’"une amélioration des résultats des filles en culture mathématique, des garçons en compréhension de l’écrit, de la satisfaction des enseignants à l’égard de leur profession et du climat de discipline, ainsi qu’un renforcement de la responsabilité des écoles en France se traduiraient par un gain de productivité de 1,2 % (des futurs salariés ou entrepreneurs, ndlr)".
Elle estime de même que les chefs d’établissement pourraient améliorer leurs résultats "en ayant accès à de meilleures formations", notamment sur les questions de pédagogie. Et à ce sujet, elle ne craint pas de dénoncer, en termes certes fort diplomatiques, le discours officiel actuel très hostile aux pédagogies "constructivistes" (ou pédagogies de la découverte). Elle évoque en effet des approches fondées sur "l’activation cognitive" : une approche constructiviste "favorise le développement de la pensée analytique et critique, du processus de raisonnement, de l’auto-investigation, de la collaboration entre pairs et de la résolution de problèmes", elle considère les élèves "comme des participants actifs dans le processus d’acquisition des connaissances" tandis que "l’enseignement dirigé par l’enseignant, où il est le principal acteur responsable de la transmission des connaissances et des compétences aux élèves" passe par "l’enseignement magistral, la mémorisation et la répétition (...). Pour l’enseignant, tout l’enjeu réside probablement dans le juste équilibre à trouver entre les différentes approches", estime l’OCDE qui ajoute pourtant : "Malgré leur efficacité, dans l’ensemble des pays de l’OCDE les approches constructivistes et les pratiques d’activation semblent être moins répandues que l’enseignement dirigé par les enseignants."
L’étude porte aussi sur la réduction de la taille des classes, notamment les dédoublements en CP, CE1 en REP et REP+ : "Sachant qu’il est coûteux de réduire la taille des classes, il est important de comparer l’impact de telles mesures avec celui d’autres moyens visant à accroître la qualité de l’enseignement, tels que la revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail des enseignants, et la mise en avant de nouvelles approches de l’enseignement et de l’apprentissage."
La situation matérielle des enseignants français est évoquée à plusieurs reprises. Ils "figurent parmi les plus qualifiés des pays de l’OCDE", en 2018, 70 % d’entre eux étaient titulaires d’un master ou d’un diplôme de niveau plus élevé, contre 45 % en moyenne dans la zone OCDE, "mais ils sont moins nombreux à se déclarer préparés en pédagogie générale que leurs collègues des autres pays de l’OCDE". Leur rémunération "relativement faible", le manque de perspectives de carrière et de reconnaissance sociale, expliquent que la proportion d’enseignants, notamment stagiaires, qui quittent la profession est en hausse, elle a été multipliée par 8 entre 2009 et 2022, et est passée de 0,05 % à 0,4%. Outre augmenter les salaires, il faudrait "développer la mobilité géographique des enseignants", leurs perspectives de carrière, leur formation continue, réduire les inégalités territoriales d’attractivité avec des aides au logement...
Autres questions soulevées par l’OCDE à propos des enseignants, leur évaluation trop peu fréquente, leur faible adhésion aux réformes, "et la nécessité de suivre l’évolution des politiques (qui) les soumet à un niveau de stress élevé", tandis que "la formation continue échoue souvent à répondre" à leurs attentes, d’autant qu’elle est "de qualité variable".
L’organisation internationale préconise par ailleurs de "réserver à des enseignants chevronnés un nombre limité de postes très attractifs" dans des établissements défavorisés. Elle note à ce sujet que "le modèle binaire français d’éducation prioritaire et non prioritaire, qui conjugue des aides substantielles à certains établissements et des effets de seuil marqués, est sans équivalent dans la plupart des autres pays de l’OCDE".
L’OCDE s’intéresse aussi aux questions d’orientation : "L’inadéquation des compétences et des connaissances aux besoins du marché du travail est marquée en France" et surtout, "l’insuffisance la plus flagrante concerne l’aptitude à apprendre", il faut "apprendre à apprendre", ce qui, insiste-t-elle à nouveau "plaide en faveur du développement de pratiques pédagogiques constructivistes dans le système éducatif français".
Par ailleurs, les Psy-EN (un pour 1 500 élèves) sont "trop peu nombreux pour assurer un service personnalisé auprès de l’ensemble des élèves. De plus, les besoins en matière de soutien psychologique aux élèves font s’interroger sur la pertinence d’affecter à des personnes diplômées dans ce domaine des missions d’aide à l’orientation alors que dans le même temps le recrutement de conseillers en orientation pourrait mettre plus l’accent sur la connaissance du marché du travail et être élargi à des profils plus divers (...). Un rôle central pourrait être donné au service national d’orientation (Onisep). Un progrès significatif pourrait venir du programme numérique AVENIR(S)."
Mais l’essentiel se joue en classe : "Apporter aux enseignants une formation à la gestion des classes et du comportement des élèves peut les aider à mieux assurer la discipline dans leurs cours. En France (...) seulement 22% des enseignants s’estiment bien préparés à la gestion des classes et du comportement des élèves contre 53% en moyenne dans l’OCDE."