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Faire je(u) égal [la mixité dans les espaces scolaires], par Edith Maruéjouls, Editions Double Ponctuation, 2022 (présentation ToutEduc)

9 septembre 2022

Dernier ajout le 24.09.22

Faire Je(u) Egal, ou comment repenser les espaces scolaires “en réhabilitant les filles, en légitimant leur présence et leur égale valeur“ (ouvrage)

“Dans aucune école étudiée, nous n’avons constaté la mixité dans les espaces publics scolaires comme fait majoritaire. L’entre-soi est donc la norme en élémentaire, comme au collège plus tard“, constate Edith Maruéjouls dans son dernier ouvrage.

De ces espaces, de ces territoires que sont la cour de récréation, la cantine ou les toilettes, la docteure en géographie tire la matière de son analyse et de ses propositions d’aménagements face à un système qui, “reposant sur la norme, étouffe les valeurs et fausse nos relations humaines dès l’enfance“.

Car ce qu’elle décrit, c’est avant tout un système biaisé entre filles et garçons, fondé sur la croyance selon laquelle “de manière innée, les comportements, les envies, les choix relèveraient d’une classification opérée par la nature“, et dans lequel “les stéréotypes de sexe et de genre permettent la distinction et la séparation des mondes“. Celui-ci dispose en effet d’une “capacité à fabriquer des classifications, des hiérarchisations, des stéréotypes, des discriminations et, au final, des inégalités“. C’est pourquoi elle estime que les débats en classe sont primordiaux parce que “c’est la capacibilité collective, la mobilisation du groupe de pairs qui va opérer le changement“.

Elle constate par exemple que “dès la naissance, les filles sont marquées au corps par des adjectifs qui sont issus du registre de la décoration, de l’intime et de la bienveillance, voire du service“, tandis que pour les garçons “le champ lexical utilisé est celui de valeurs et de qualités humaines qui font société". Une essentialisation des rapports sociaux qui se retrouve notamment dans la pratique sportive : “les garçons ne peuvent pas jouer avec les filles parce qu’ils sont plus forts.“ D’où “un lien communément admis, dans les espaces de cour des écoles, entre la force et la notion de virilité, entre la mise en scène de la performance individuelle et l’identité d’appartenance à un groupe.“

La géographe plonge alors le lecteur dans le quotidien de ce miroir de la société, elle “regarde comment les filles et les garçons entrent en relation dans ces espaces, est-ce qu’ils et elles jouent ensemble, mangent ensemble, rient ensemble ?“, puis, par l’observation des dessins et des paroles des enfants, perçoit l’absence de mixité filles-garçons et comment celle-ci s’organise.

Ainsi, “à l’image de la construction des rapports sociaux de sexe et de genre dans une société, la construction d’un bâtiment, sa structure même, peut enclencher des changements sociétaux ou produire des modes d’organisations inégaux entre les filles et les garçons.“ Il en résulte qu’aujourd’hui en fonction des aménagements, “à peine 10 % d’élèves occupent 80 % des espaces récréatifs“ tandis que “les autres élèves se trouvent relégués en périphérie et restreints dans leurs déplacements“, comme les filles qui “apprennent très vite à ne pas se centrer, à ne pas déranger“ et dont les mobilités sont contraintes, appelées “mobilités ‘de bord‘, de périphéries et utilitaires“.

Il s’agit donc “de repenser les espaces en réhabilitant les filles (et les autres garçons, ceux qui ne se retrouvent pas dans les codes de la virilité traditionnelle et/ou de l’hétéronormativité), en légitimant leur présence et leur égale valeur" avec des zones proposant différentes activités, postures ou valorisant les pratiques artistiques.

L’auteure propose pour finir de porter le regard sur “l’impensé“ de la vie collective scolaire que représentent les toilettes à l’école, “qui s’avèrent pourtant un aménagement essentiel des cours de récréation“ et dont la question “éclaire le processus de la construction sociétale de la séparation de manière limpide".

“Le seul lieu repéré par les jeunes où elles font nombre, ce sont les toilettes, poursuit Edith Maruéjouls. Espace du dedans et de relégation, le bloc sanitaire des filles instaure un processus d’invisibilisation durable et l’impossibilité pour les filles de faire groupe, et donc sujets, au dehors.“ La question concernant ce “lieu refuge“ a ainsi consisté pour l’auteur à légitimer la conversation, le regroupement, le rassemblement des filles dans l’espace extérieur de la cour.

Dans les blocs sanitaires des garçons, sont décrits des urinoirs qui “ont des parois trop petites et ne permettent pas de se sentir isolés“, et dont l’injonction force la mise en scène de la virilité et se veut une négation de l’intimité. D’un espace privé et partagé (à la maison), les garçons passeraient brutalement à des sanitaires sexués.

Alors que “c’est l’absence de relation filles-garçons qui produit, construit, instaure le système des violences, les inégalités et les injustices“, les solutions proposées par la géographe consistent à ouvrir ces espaces vers l’extérieur, par exemple en prévoyant des vitres, afin d’assurer à nouveau la co-veillance, ou encore de ne pas définir préalablement les espaces selon les sexes mais de proposer un bloc sanitaire à destination des plus jeunes et un bloc à destination des grands. En somme “partager“ et “se mélanger“.

Faire je(u) égal, Edith Maruéjouls, Editions Double Ponctuation, 124 p, 16 euros.
Présentations

Extrait de touteduc.fr du 04.09.22

 

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