> Dédoublement, PDMQDC (1er degré) > Dédoubl., Pdmqdc (Etudes) > Analyse des ajustements réciproques dans le dispositif « Plus de maîtres (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Analyse des ajustements réciproques dans le dispositif « Plus de maîtres que de classes » (Education et socialisation 2018, Open édition 2023)

27 mars 2023

Analyse des ajustements réciproques dans une activité de coenseignement
Étude de cas dans le dispositif « Plus de maîtres que de classes »

Éric Saillot et Séverine Malmaison
Education et socialisation, 47|18

Cet article présente une étude sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes » (PMQC), instauré dans le cadre de la refondation de l’école française (2013) pour renforcer la maîtrise des compétences de base des élèves à l’école primaire par l’affectation d’un maître supplémentaire afin de permettre de nouvelles organisations, dont le coenseignement, au sein même de la classe. À partir des travaux de Bucheton (2009) sur les gestes professionnels d’ajustements et de la modélisation d’une posture professionnelle d’étayage (Bucheton et Soulé, 2009 ; Saillot, 2015), notre problématique ambitionne de caractériser les ajustements réciproques entre les deux enseignants, car nous postulons l’hypothèse de leur centralité dans l’activité de coenseignement. Nous essaierons de comprendre le fonctionnement de ces ajustements réciproques afin de définir l’essence même du coenseignement.

[...] Conclusion : les ajustements réciproques, l’essence du coenseignement
34 Parmi les diverses formes que peut prendre le travail coopératif, le coenseignement, objet de notre étude, implique un degré élevé de coopération entre les enseignants que l’injonction officielle seule ne peut engendrer, comme le souligne également Mérini (2007) pour le partenariat et Marcel (2006) pour le travail collectif des enseignants. Finalement, il nous semble que l’analyse ergonomique du travail collaboratif de Barthes et Quéinnec (1999) est particulièrement heuristique pour caractériser l’activité de coenseignement. Nous nous appuyons sur les neuf critères d’analyse proposés par ces auteurs pour tenter de définir l’activité de coenseignement.

35Le 7e critère de Barthes et Quéinnec (1999) est l’objet de la tâche, c’est-à-dire ce sur quoi portent les actions. Ce critère se rapproche de l’objet didactique présenté par ToullecThéry et Marlot (2015) comme fondamental, mais dont nous avons questionné dans la partie précédente la légitimité pour définir l’essence du coenseignement. Les critères 4, 5 et 6 (le moment de réalisation des opérations, les ressources matérielles et les moyens de communication et interaction) nous semblent fondamentaux mais sont inclus dans les premières dimensions que nous avons attribuées au coenseignement : cette activité engage les deux enseignants dans un même espace-classe au même moment au sein d’un même groupe d’élèves et peuvent communiquer en temps réel. Nous avons décrit l’importance de la co-préparation, tout en précisant qu’elle ne suffisait pas à co-enseigner de façon réellement ajustée. Nous avons souligné l’importance des habitudes de travail à deux qui permettent de co-construire des routines professionnelles dans l’activité de coenseignement.

Le coenseignement, pour être efficace à deux dans la même classe, nécessite des temps de travail en commun (préparation et bilan) en dehors de la présence des élèves, mais également des ajustements réciproques dans l’action, dont nous avons caractérisé cinq principales fonctions : (1) l’harmonisation du temps didactique entre les différents groupes d’élèves, (2) l’amélioration de l’attention et de l’engagement des élèves lors du pilotage de la séance (Bucheton et Soulé, 2009), (3) l’équilibre des « rapports de place » (Kerbrat-Orecchioni, 1992 ; Vinatier, 2009) entre les deux enseignants pour gêner l’autre le moins possible, (4) le repérage croisé des élèves en difficultés, (5) l’échange et le développement de compétences ou de ressources professionnelles. La nature de ces ajustements réciproques n’est pas uniquement langagière, car elle s’inscrit dans des registres pragmatiques (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006) de réflexion dans l’action (Schön, 1994) ou de conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996) qui s’appuient sur des stratégies d’observation et d’écoute pluri-adressées : vers le dire et le faire de l’autre enseignant, mais également bien sûr vers le dire et le faire des élèves.

Extrait de journals.openedition.org du 18.03.23

Répondre à cet article