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Yves Reuter et les pédagogies différentes : - nouvel entretien avec le Café - une contribution dans The Conversation

22 mars 2021

Et si l’école « tenait » grâce aux pédagogies différentes ?

Les pédagogies « différentes » regroupent un vaste ensemble de démarches, certes hétérogènes (pédagogies Freinet, Montessori, Steiner…), mais qui ont en commun de se démarquer de la pédagogie « traditionnelle » caractérisée, pour le dire vite, par un enseignement magistral, identique pour tous, instaurant des évaluations sommatives (c’est-à-dire visant à évaluer un niveau) et ne s’appuyant pas sur les questions et les connaissances des élèves.

Mais, quelle place ces pédagogies différentes tiennent-elles dans le système éducatif français ? Entre établissements privés et publics regroupés, en partie, au sein de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants) et les écoles où un seul enseignant ou une petite équipe les mettent en place, il est difficile de dresser un état des lieux précis.

Les données disponibles permettent néanmoins de considérer que leur place est marginale dans le système éducatif français : ainsi Marie-Laure Viaud estimait, dans son ouvrage de 2008, à environ 20 000 les enfants scolarisés dans des écoles pratiquant de telles pédagogies.

A cela, il convient d’ajouter une partie des quelques centaines d’innovations recensées et les maîtres qui expérimentent telle ou telle pratique (texte libre, entretien du matin, projet…) dans leur classe, ce qui est encore plus difficile à quantifier.

Malgré cette place marginale, les pédagogies différentes font l’objet de polémiques récurrentes et médiatisées qui portent sur les principes d’enseignement (le pouvoir ou non des élèves sur la vie scolaire, la possibilité qui leur est donnée de s’exprimer, les conceptions de la discipline…), les fonctionnements et leurs effets indésirables (la confusion qui risquerait d’exister entre activités et apprentissages, la quantité d’implicites…), le public concerné (qui serait plutôt favorisé) ou encore les résultats qui ne seraient pas vraiment probants. Les positions exprimées, rarement appuyées sur des études détaillées, sont généralement tranchées.
Malgré cette place marginale, les pédagogies différentes font l’objet de polémiques récurrentes et médiatisées qui portent sur les principes d’enseignement (le pouvoir ou non des élèves sur la vie scolaire, la possibilité qui leur est donnée de s’exprimer, les conceptions de la discipline…), les fonctionnements et leurs effets indésirables (la confusion qui risquerait d’exister entre activités et apprentissages, la quantité d’implicites…), le public concerné (qui serait plutôt favorisé) ou encore les résultats qui ne seraient pas vraiment probants. Les positions exprimées, rarement appuyées sur des études détaillées, sont généralement tranchées.

Extrait de theconversation.com du 23.03.21

 

Yves Reuter : Bien-être et pédagogies différentes
Le didacticien Yves Reuter, professeur des universités émérite, nous livre ses réflexions, sur les impensés de la didactique et du bien-être à l’école en présentant une partie du contenu de son dernier ouvrage.

Vous publiez ce mois-ci un ouvrage qui nous invite à revisiter les pédagogies « différentes » pour répondre aux préoccupations scolaires actuelles. Pouvez-vous nous préciser ce qui dans ces pédagogies est enrichissant pour l’école d’aujourd’hui, ayant un climat scolaire très dégradé ?

Deux contributions de ces pédagogies me paraissent particulièrement enrichissantes : les analyses de ce qui pose problème dans les fonctionnements pédagogiques classiques et une réflexion exigeante sur ce que signifient « enseigner » et « apprendre ». De manière indissociable, ces pédagogies ont élaboré de multiples dispositifs afin de faciliter les apprentissages des élèves, de lutter contre l’échec scolaire et de surmonter le vécu problématique des enseignants, des élèves et des parents dans les cadres scolaires classiques. J’ajouterai encore que cette ouverture de possibles pédagogiques restitue aux enseignants la capacité de choisir, de manière raisonnée et contextualisée, entre différentes manières d’enseigner et les respecte donc en tant que concepteurs au lieu de les considérer comme de simples exécutants d’injonctions ministérielles.

Vous précisez que « les effets de certains changements de pratiques peuvent être bénéfiques non seulement sur le climat scolaire et le bien-être des élèves et des enseignants mais aussi sur la lutte contre l’échec scolaire. ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Les effets sur le bien-être des élèves et des enseignants (mais aussi des autres acteurs, dont les parents et les membres du personnel de service) me semblent attestés au travers des recherches existantes et de celles que j’ai pu mener. Il en est de même, pour ce qui concerne l’échec scolaire ou, dit sous une autre forme, l’échec de l’école. Ici encore, on peut se référer aux résultats des recherches sur l’école de Mons en Baroeul qui pratique la pédagogie Freinet, sur l’école Vitruve qui travaille plutôt en projet, ou encore sur les structures de retour à l’école ou de lutte contre le décrochage scolaire qui s’emparent de pratiques issues de ces pédagogies. Parmi les pratiques ou dispositifs pouvant expliquer cela, je mentionnerai : le travail coopératif et la solidarité entre les acteurs, l’articulation entre le vécu extrascolaire des élèves et les apprentissages scolaires, la possibilité de s’exprimer et de partir des questions des élèves, une évaluation qui constitue une aide, un travail précis et non stigmatisant sur les erreurs ou encore la possibilité de cheminements différenciés.

Vous êtes un didacticien, quel (s) apport(s) de la didactique envisagez-vous, alors, pour le bien-être des élèves à l’école ?

Je renverrai pour répondre à cette question, non seulement à cet ouvrage mais aussi au précédent qui portait sur les relations entre le vécu des disciplines scolaires et le décrochage (Reuter, dir. 2016 : Vivre les disciplines scolaires. Vécu disciplinaire et décrochage à l’école, ESF). Selon moi, les didactiques permettent d’interroger de manière critique les contenus d’enseignement et d’apprentissages retenus, leurs modes d’organisation et les fonctionnements disciplinaires. De fait, les dispositifs n’ont de sens qu’au service de contenus et il importe de penser en quoi ces contenus et leur mode de mise en œuvre sont pertinents ou peuvent être différenciateurs. Nous avons donc travaillé non seulement sur la pertinence des contenus et de leurs formes d’organisation mais aussi sur les « configurations disciplinaires », c’est-à dire les différents modes de fonctionnement des disciplines selon les époques, les pays, les filières, les moments du cursus, les pédagogies afin de mieux comprendre pourquoi certaines configurations disciplinaires favorisent plus que d’autres les apprentissages et l’accrochage scolaire : je pense notamment aux recherches proposées aux élèves, à l’accent porté sur l’expression, à la possibilité de poser leurs propres questions de compréhension, à l’ouverture de choix dans les travaux proposés et les manières de les effectuer, aux situations qui permettent une clarification collective des apprentissages en jeu…

Souhaitez-vous encore porter l’accent sur un autre point ?

Oui, je regrette la tendance que peuvent avoir certains à opposer bien-être et acquisition des savoirs, même s’il existe sans doute, ici et là, certaines dérives. Cette position sous-estime le fait que l’exigence sans la bienveillance tourne vite à la répression et engendre du décrochage. Le bien-être des élèves à l’école est loin d’être négligeable au vu du ressenti négatif - psychologique et même physique - de nombre d’élèves et cela peut alléger le vécu d’élèves en grande souffrance existentielle et leur permettre de se constituer en apprenants (voir, sur ce point, A.M. Jovenet, 2014 : Enfant en souffrance… élève difficile ?, PU Septentrion). De surcroit, nombre d’études montrent que le stress et le mal-être sont défavorables aux apprentissages alors que le bien-être peut favoriser l’acquisition de contenus scolaires. Opposer l’un à l’autre me semble donc peu fondé. C’est une des questions que j’ai explorées dans mon dernier ouvrage.

Propos recueillis par Line Numa-Bocage
Directrice adjointe du laboratoire BONHEURS CY-Cergy Paris Université

Yves Reuter, Comprendre les pratiques et pédagogies différentes, Berger-Levrault, ISBN : 978-2-7013-2145-5.

Sur ce livre voir aussi cet entretien

Extrait de cafepedagogique.net du 183.03.21->http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/03/18032021Article637516496150725169.aspx]

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