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Familles immigrées : le niveau d’éducation progresse sur trois générations mais les inégalités sociales persistent (Ined)

6 juillet 2022

Familles immigrées : le niveau d’éducation progresse sur trois générations mais les inégalités sociales persistent
Population et Sociétés, n° 602, Juin 2022

Le niveau d’éducation augmente d’une génération à l’autre ; progresse-t-il autant dans les familles issues de l’immigration que dans les autres ? Cris Beauchemin, Mathieu Ichou et Patrick Simon examinent la question en s’appuyant sur la deuxième édition de l’enquête Trajectoires et Origines (TeO2) et analysent les différences de progression au sein des familles selon leur origine géographique et le sexe des enfants.

1Les enfants réussissent-ils mieux que leurs parents et leurs ascendants ? Cette question classique des études de mobilité sociale se pose avec une acuité particulière pour les familles d’immigrés, dont le projet migratoire visait souvent à améliorer leur sort et celui de leurs descendants. Or, ce projet se heurte à de nombreux obstacles. Dans quelle mesure les familles issues de l’immigration parviennent-elles à les surmonter au fil des générations ? La deuxième édition de l’enquête Trajectoires et Origines, TeO2 (encadré 1) permet, pour la première fois, de répondre à cette question en mesurant la progression du niveau d’éducation sur trois générations (encadré 2), ainsi que son rendement sur le marché du travail.

Encadré 1. Trajectoires et Origines (TeO), enquêtes sur la diversité des populations en France
Coproduite par l’Ined et l’Insee, l’enquête TeO2 (teo.site.ined.fr), réalisée en 2019-2020, est une réédition de l’enquête TeO1 dont les données avaient été recueillies en 2008-2009. Elle reprend les grands principes de la première édition : 60 % des questions sont identiques et la stratégie d’échantillonnage est similaire [5].
Le champ de l’enquête TeO2 est celui des individus âgés de 18 à 59 ans qui vivent dans un logement ordinaire en France métropolitaine. L’enquête a été effectuée auprès d’environ 27 200 personnes, avec l’objectif de réaliser des analyses fines sur les principaux groupes de population qui ont une expérience directe ou indirecte de la migration vers la France métropolitaine. Les immigrés et les personnes originaires des départements et régions d’outre-mer, ainsi que leurs enfants nés en France métropolitaine, ont donc été surreprésentés. L’échantillon comprend par ailleurs des individus représentatifs du reste de la population. Parmi ces derniers, l’enquête TeO2 permet d’identifier les petits-enfants d’immigrés, une innovation par rapport à l’enquête TeO1 qui permettait déjà de distinguer les rapatriés des anciennes colonies françaises et leurs descendants. Une enquête expérimentale complète l’échantillon de l’enquête principale TeO2 pour augmenter les effectifs des petits-enfants d’immigrés d’origine extra-européenne (enquête complémentaire non utilisée dans cette publication).
Le questionnaire de l’enquête TeO2 renseigne sur l’histoire migratoire des répondants et/ou de leurs parents, décrit leurs parcours scolaires et professionnels, leur histoire familiale, leur vie de couple, leurs enfants, leurs conditions de logement, leur santé, la transmission des langues et de la religion. De façon transversale, il permet d’examiner l’accès des individus aux ressources de la vie sociale (école, travail, logement, services, soins…) ainsi que les discriminations pouvant y faire obstacle.

[...] Une forte élévation du niveau de diplôme dès la deuxième génération
Au-delà de l’âge de 30 ans, quand les études sont généralement terminées, la progression la plus notable du diplôme s’observe entre les parents immigrés (1re génération ou G1) et leurs enfants nés en France (2e génération ou G2). Dans ces familles, quand on compare le plus haut diplôme des deux parents à celui des enfants, on observe que la proportion de diplômés du supérieur passe de 1 sur 20 à près d’un tiers (figure 1). C’est encore loin des 43 % de diplômés du supérieur que comptent les descendants de natifs (les G4+ dans notre notation, qui n’ont pas d’ascendants immigrés avant la 4e génération). S’en rapprochent cependant les personnes nées en France de couples mixtes (G2,5) avec 41 % de diplômés du supérieur, et les petits-enfants d’au moins un immigré (G3) avec 44 %. Il suffit donc que l’un des parents soit né en France pour que le niveau de diplôme rattrape celui du reste de la population.

Si l’on considère maintenant la « mobilité éducative », c’est-à-dire non plus le taux de diplômés à chaque génération mais la progression effectuée depuis la génération précédente, ce sont les enfants d’immigrés qui accomplissent la distance la plus importante, en raison de la faiblesse du niveau scolaire initial : plus de 70 % obtiennent un diplôme plus élevé que celui de leurs parents (tableau 1). La marge de progression se réduit autour de 55 % quand l’un des parents n’a pas migré ou que la migration des ascendants est plus ancienne.

Familles européennes et maghrébines : une convergence scolaire après deux générations ?
Un premier profil est celui des familles originaires du Maghreb et d’Europe du Sud (figure 2). Alors que les parents ont très rarement un diplôme du supérieur (moins de 3 %), plus d’un tiers des enfants en possèdent. D’où le pourcentage élevé d’enfants plus diplômés que les parents : respectivement 70 % et 80 % (tableau 1). Cette forte progression en une génération ne s’explique pas seulement par la faible diffusion de l’enseignement supérieur dans les pays d’origine, mais aussi par la forte mobilisation des parents immigrés en faveur de la réussite scolaire des enfants [1]. Le niveau atteint reste cependant en dessous de celui des descendants de natifs (43 %), sauf pour les enfants de couples mixtes. À la troisième génération, les descendants des migrations européennes sont au même niveau que les descendants de natifs (figure 2).

Des familles d’Afrique subsaharienne et d’Asie surdiplômées
Un deuxième profil est celui des familles originaires d’Afrique hors Maghreb et d’Asie. Les parents sont plus souvent diplômés du supérieur que les parents natifs : un tiers et un quart, respectivement, contre un cinquième. Ces proportions s’élèvent à 40 % en cas de couples mixtes. Ce résultat témoigne d’une évolution des profils des immigrés en France : la diversification des origines s’est accompagnée d’une élévation des niveaux d’instruction, liée à une sélection plus intense des émigrants par rapport à ceux qui restent au pays d’origine [2, 3].

Dans ces conditions, la marge de progression par rapport aux parents est plus réduite (tableau 1). Les enfants de ces familles sont, du reste, plus souvent diplômés du supérieur que les descendants de natifs (43 % contre 50 % parmi les enfants d’un ou deux immigrés d’Afrique, 54 % pour les enfants de deux immigrés d’Asie, et même 64 % pour les enfants de couples mixtes dont un parent vient d’Asie) (figure 2). Si le succès des descendants d’immigrés asiatiques est régulièrement commenté, ce n’est guère le cas pour les descendants d’immigrés africains, en butte aux représentations péjoratives des migrations africaines.

Familles de Turquie et du Moyen-Orient : un désavantage scolaire persistant
Troisième profil : les familles originaires de Turquie et du Moyen-Orient. Elles combinent un faible taux de diplômés du supérieur chez les parents (5 %) et un taux encore limité chez les enfants (moins de 18 %) (figure 2). Si ces derniers ont souvent progressé par rapport aux parents (deux fois sur trois), ils n’en constituent pas moins le groupe issu de l’immigration le moins diplômé. La trajectoire parcourue ne suffit pas, dans ce cas, à compenser un point de départ très défavorisé.

Extrait de ined.fr de juin 2022

 

Un tiers de la population de moins de 60 ans a des origines immigrées
La nouvelle édition de l’enquête statistique « Trajectoires et origines » menée par l’Insee et l’INED montre qu’il existe au sein de la population un lien fréquent mais de plus en plus ténu avec l’immigration.

Extrait de lemonde.fr du 05.07.22

 

Enquête « Trajectoires et origines » : le « sentiment de discrimination » augmente
Selon l’étude de l’Insee et de l’INED, publiée mardi, 19 % des 18-49 ans affirment avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations, contre 14 % en 2008-2009.

Les femmes se sentent davantage discriminées que les hommes, et ce sentiment ne cesse d’augmenter depuis dix ans. Désormais, il est principalement porté par le motif sexiste, devant les causes liées à l’origine, la nationalité ou la couleur de peau. Même si ces dernières demeurent prégnantes.

Extrait de lemonde.fr du 05.07.22

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