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Les 7 principes de bonne gouvernance de l’éducation en Europe : la France à contre-courant (Stéphane Germain au Café)

5 février

Les 7 principes de bonne gouvernance de l’éducation en Europe : la France à contre-courant

Longtemps silencieuse sur le sujet, l’Europe a proposé, en 2018, des idées sur la gouvernance des systèmes éducatifs afin d’améliorer les apprentissages. Les travaux rendus par le groupe de travail reposent sur une analyse des tendances observées et sur une anticipation des besoins éducatifs à venir selon une logique de stratégie éducative. Ce modèle de gouvernance se diffuse progressivement.

Quelle évolution des modes de gouvernance des systèmes éducatifs permet d’améliorer la réussite des élèves ? Depuis la généralisation des enquêtes larges de mesure des acquis des élèves, les propositions de réponses à cette problématique étaient fournies par les organismes internationaux : OCDE, Bureau International de l’éducation de l’UNESCO et Banque Mondiale, ainsi que par les travaux de recherche en éducation. La logique générale est de basculer d’une gouvernance organique où l’encadrement à un rôle de concepteur – préconisateur – contrôleur à une gouvernance systémique où l’encadrement à un rôle de stratège – facilitateur – évaluateur.

Si, depuis le sommet de Lisbonne en 2000, l’Union européenne s’est montrée très active en matière de stratégie éducative et d’évaluation, il manquait une expression de sa posture en matière de gouvernance de l’éducation. Les conclusions des travaux du groupe stratégique viennent compléter ce manque.

Approche systémique de l’éducation

A l’instar de la démarche prônée des organismes internationaux, la vision européenne repose sur une approche systémique. Si l’on veut répondre aux enjeux de la complexité et de l’amélioration en se basant sur la collaboration des acteurs et la communication entre les différents niveaux du système éducatif, il convient de d’envisager l’ensemble des interactions de façon à développer l’intelligence collective pour faire avancer le système. De même, les établissements scolaires doivent être considérés comme des organisations apprenantes afin d’encourager les enseignants à faire évoluer leurs pratiques pédagogiques et leurs logiques collaboratives, en lien avec la recherche, tout en favorisant le développement des réseaux éducatifs. Avec la logique d’organisation apprenante, l’établissement scolaire est considéré comme le lieu où se décident les adaptations continues aux besoins éducatifs des élèves et au contexte spécifique de l’environnement éducatif.

Démarche stratégique

En adoptant une approche systémique, l’Europe s’inscrit pleinement dans une démarche stratégique qui donne le coup d’arrêt à la logique programmatique longtemps dominante dans les systèmes éducatifs. Pour cela, il convient que les acteurs de l’éducation aient une vision partagée des objectifs pédagogiques et des démarches à mettre en œuvre pour les atteindre. « Développer les capacités et le rôle des enseignants et des chefs d’établissement est essentiel pour que les écoles aboutissent une à vision stratégique claire et un leadership qui guide et soutient pleinement l’enseignement et l’apprentissage ».

Autonomie des établissements

Pour le groupe de travail, accorder l’autonomie aux établissements scolaires en l’encadrant par des modalités d’évaluation globale est un véritable enjeu pour les systèmes éducatifs qui veulent améliorer leurs performances dans de nombreux domaines. « De plus en plus, les gouvernements nationaux transfèrent une plus grande autonomie au niveau local tout en maintenant la responsabilité de la qualité – en termes de pertinence, efficacité et équité – du système global » constatent les membres du groupe de travail. Il faut laisser aux établissements la possibilité de s’adapter aux évolutions des besoins éducatifs des élèves tout en développant des modalités qui responsabilisent les acteurs. Dans cet esprit, l’autonomie de décision est accordée à l’établissement en tant qu’entité et non au personnel de direction, l’Europe encourage les pratiques vivement la gouvernance partagée au sein des établissements scolaires.

Pouvoir d’agir des enseignants

Par la voie du groupe de travail, l’Europe rappelle que « les enseignants ont un rôle crucial pour favoriser le développement des apprentissages et sont les facteurs clés du changement éducatif dans les établissements ». Dans le cadre des objectifs pédagogiques définis par les référentiels de connaissances et de compétences, il leur revient de décider des actions à mettre en œuvre pour garantir les apprentissages. Cela s’accompagne d’une culture professionnelle fondée sur une logique de développement professionnel, sur une posture de praticien réflexif en lien avec les travaux de la recherche et sur la volonté d’impulser le changement éducatif.

Concertation pédagogique

En matière de pratiques collaboratives, la vision européenne est très proche de celle de l’OCDE. La concertation entre les parties prenantes est reconnue comme un des enjeux majeurs pour l’amélioration de la performance des systèmes éducatifs. La concertation est envisagée comme un « processus de décision qui doit être généralisé à tous les niveaux du système éducatif », ce qui « implique de faire confiance et de permettre le dialogue entre les différentes parties prenantes ».

Au niveau plus particulier des établissements scolaires, l’Europe les encourage à devenir des communautés d’apprentissage professionnelles afin de reconnaitre les enseignants et personnels de direction comme les acteurs du changement éducatif, partageant la même culture de gouvernance partagée, de collaboration et d’innovation vers une meilleure adaptation de l’enseignement et des apprentissages aux besoins éducatifs.

Mutualisation des pratiques en réseau pour favoriser l’innovation pédagogique

Fidèle à sa recommandation de 2001, l’Europe encourage activement l’activité de réseaux pour identifier et diffuser les bonnes pratiques. Les réseaux éducatifs sont un puissant vecteur pour promouvoir et soutenir les innovations pédagogiques et le développement des pratiques en établissements scolaires. Ils participent à la diffusion d’une culture éducative basée sur la confiance, la motivation, mais aussi la communication, la coopération, et la capacité à s’engager dans un processus réflexif sur ses propres pratiques. « Une compréhension plus approfondie du but et de la nature des réseaux d’innovation et de leur mise en œuvre est cruciale pour l’impact positif et durable de toute action », précise le groupe de travail.

Des principes plutôt que des règles

Approche systémique, intelligence collective, concertation pédagogique, autonomie des établissements scolaires, leadership partagé, pouvoir d’agir des enseignants, mutualisation des bonnes pratiques, on retrouve là des modalités de gouvernance souple qui reposent davantage sur des principes d’actions que sur des règles de fonctionnement. A l’instar du « droit souple » initié par la Méthode Ouverte de Coopération (utilisée comme procédé d’harmonisation des systèmes éducatifs européens) pour mettre en œuvre la stratégie éducative, la gouvernance prônée par l’Europe accorde la confiance aux acteurs de terrain en leur laissant beaucoup d’autonomie pour décider par eux-mêmes des actions permettant la réussite des élèves. Afin de mobiliser l’intelligence collective, elle favorise l’horizontalité des processus de décision se basant sur la communication et la concertation pédagogique. Enfin, elle cherche à responsabiliser les acteurs en instituant des modalités d’évaluation globale permettant de rendre-compte et d’initier un processus réflexif d’amélioration des pratiques.

En retenant une méthode de droit souple pour insuffler le changement éducatif, basée sur les principes plutôt que sur les règles, l’Europe a fait le choix d’un procédé qui repose sur la diffusion plutôt que sur la prescription. Cela évite de tomber dans le piège de la logique du changement prescriptif qui n’est souvent pas compris, pas approprié et pas mis en œuvre par les acteurs de terrain. Au contraire, la logique de la diffusion repose sur la volonté des acteurs. En ce sens, l’Europe invite chacun des acteurs à sortir de son individualisme professionnel pour rejoindre les collectifs d’acteurs qui décident ensemble du changement éducatif. Sans dynamique collective, le changement éducatif ne se fait pas.

Stéphane GERMAIN
Principal de collège et auteur en éducation

« Le management pédagogique des établissements scolaires », publié en 2018

Cet ouvrage est aussi disponible sur la plateforme Cairn.

Union européenne

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