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- Le redoublement à l’école, un débat aux enjeux politiques ? (Claude Lelièvre dans The Conversation) - François Dubet sur France Culture (8 mn) et dans Libération

30 novembre 2023

Le redoublement à l’école, un débat aux enjeux politiques ?

auteur
Claude Lelièvre
Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité

Le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal vient de déclarer au congrès des maires de France qu’« il faut revoir la question du tabou du redoublement : un élève qui entre en sixième sans savoir ni lire ni compter, c’est quasiment de la maltraitance ». Un « tabou » qui est loin d’être évident si l’on prend en compte qu’il y a 30 ans la moitié des élèves de troisième avaient redoublé au moins une fois, et le quart il y a 10 ans.

[...] Des allers et retours sur les plans politiques et pédagogiques
Ces résultats sont sans doute de l’ordre du contre-intuitif dans un pays où le redoublement a été longtemps pratiqué à haute dose et peut donc apparaître comme de l’ordre du « bon sens » pour nombre d’enseignants et de parents d’élèves, encore maintenant. C’est sans doute aussi ce qui explique la prudence de certains décideurs, voire des allers et retours en la matière parfois surprenants, aussi bien dans les décisions que dans la sphère politico-médiatique. Car le débat à ce sujet est récurrent et ne date pas d’hier.

Par exemple, si l’on en juge par une enquête menée en 2004 par la Sofres, la moitié des parents d’élèves dont l’enfant avait redoublé une ou plusieurs fois à l’école élémentaire considéraient que cela avait été une très bonne chose ; même si, parmi les parents d’élèves dont il avait été seulement envisagé que leur enfant redouble dans le primaire sans que cela se fasse, les trois quarts considéraient que c’était mieux que leur enfant n’ait pas redoublé et un quart qu’il aurait mieux valu qu’ils redoublent.

En cette même année 2004, le ministre de l’Éducation nationale François Fillon se prononce pour faciliter la pratique du redoublement (alors encore pourtant fortement répandue) en accusant la loi d’orientation de 1989 d’avoir « conduit à enlever aux enseignants leur pouvoir de décision en matière de redoublement ; or aucune étude ne démontre que passer automatiquement dans la classe supérieure soit un gage de réussite ».

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La loi d’orientation du 25 avril 2005, dite loi Fillon, légitime la pratique du redoublement avec toutefois une condition à l’école primaire : « lorsqu’un redoublement est décidé et afin d’en assurer l’efficacité pédagogique, un programme personnalisé de réussite éducative est mis en place » selon le décret d’application sur les dispositifs d’aide et de soutien à l’école.

Le décret de 2018 pris par Jean-Michel Blanquer est toujours en vigueur. Par rapport à 2017, que constate-t-on dans les évolutions des taux de redoublements par niveau ? Au CP, il a doublé, passant de 1 % en 2017 à 2 % en 2022. Et aussi au CE1, où il est passé de 0,7 % à 1,4 %. Une évolution significative donc au niveau des deux classes particulièrement cruciales de l’élémentaire. Le taux de redoublement est en revanche resté quasiment stable au collège, passant de 0,6 % à 0,5 % en classe de cinquième et quatrième, et de 2,4 % à 2,2 % en troisième.

Que veut exactement Gabriel Attal ? S’agit-il seulement d’un « effet d’annonce » ou bien d’autre chose. Mais quoi exactement et pour quoi ?

Extrait de theconversation.com du28.11.23

 

Pourquoi ne fait-on plus redoubler les élèves ?

Les taux de redoublement à l’école ont drastiquement chuté au cours des quinze dernières années. Une politique qui fait débat, entre idéal d’égalité des chances et risque de création de classes de niveaux.

Avec
François Dubet professeur émérite de sociologie à l’université de Bordeaux Au cours des quinze dernières années, on a enregistré une nette diminution des taux de redoublement à l’école. Cette tendance suscite des débats oscillant entre la quête de l’égalité des opportunités et la crainte potentielle de générer des classes à niveaux distincts.

Le redoublement, une pratique répandue

François Dubet, sociologue de l’éducation, explique que la pratique du redoublement était largement répandue en France : "dans les années 1990, un élève sur trois avait déjà redoublé en troisième, et un élève sur deux en terminale. Nous avons néanmoins remis en question cette pratique lorsque les premières comparaisons internationales ont conclu que le redoublement s’avérait très inefficace. D’une autre manière, on a aussi commencé à penser que ça coûtait très cher de faire redoubler tant d’élèves."

Le sociologue souligne néanmoins que l’éducation française est dans une impasse puisque les élèves ne redoublent plus, mais ont toujours autant de lacunes.
Selon François Dubet, cette impasse créée une nostalgie qui consiste à dire que l’école républicaine était plus effective lorsqu’elle faisait redoubler les élèves en difficulté, idée avec laquelle le sociologue n’est pas d’accord : "c’est une légende. Si on revenait à la période des redoublements de masse, je suis convaincu que cela ne permettrait pas de réduire les lacunes. Le redoublement doit être accompagné, car remettre le même élève dans la même classe avec les mêmes enseignants pour faire la même chose ne peut permettre de corriger les lacunes."

À écouter : Les redoublants (2018) 28 min

Les classes de niveau, une solution à l’hétérogénéité des élèves ?
Gabriel Attal a récemment annoncé qu’il souhaitait mettre en place des classes de niveau : "on sait que les classes de niveau, qui regroupent des élèves faibles, affaiblissent ces derniers. Il faut donc bien que nous regardions comment font d’autres pays qui s’en tirent un peu moins mal que nous, plutôt que d’être dans l’idée que c’était mieux avant et qu’il faut y revenir."
Si les syndicats d’enseignants et les parents d’élèves étaient jusque-là favorables au redoublement, "ils ont plutôt compris que les classes de niveau, c’était plus facile pour les enseignants, mais plutôt désastreux pour les élèves, en tout cas les élèves les plus faibles."

Extrait de radiofrance du 29 novembre 2023

 

TRIBUNE
Redoublement et classes de niveau : les slogans conservateurs ne font pas une politique efficace, par François Dubet

Le retour des bonnes vieilles méthodes de droite envisagée par le ministre de l’Education Gabriel Attal n’est pas la solution. Pour faire autrement, il faut du temps, de la réflexion et une continuité politique jusqu’ici inexistante, comme le souligne le sociologue.

Au milieu des années 90, environ un élève sur trois avait redoublé en arrivant en classe de troisième, et près d’un sur deux avait redoublé en terminale. Les comparaisons internationales qui nous sont devenues familières depuis le début des années 2000 ont montré que les élèves français étaient moins bons que ceux des pays comparables, et que leurs performances étaient nettement plus inégales que celles des élèves de pays où le redoublement n’était pas une pratique massive.

D’un autre côté, des recherches démontraient que si le redoublement pouvait bénéficier à quelques élèves, il n’avait pas d’effet, voire un effet négatif, quand on comparait deux élèves semblables dont l’un avait redoublé et l’autre pas. Comme des taux aussi élevés de redoublement coûtent extrêmement cher, les ministères successifs, de droite et de gauche l’ont aboli, et les syndicats ont fini pas se laisser convaincre d’abandonner une pratique routinière.

Extrait de liberation.fr du 01.12.23

 

Voir la sous-rubrique Redoublement et Prépa Seconde et en bas de la page le MC

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