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Le bilan de son action par Jean-Michel Blanquer commenté par le Café et ToutEduc

3 mai 2022

Au revoir, JM Blanquer ?
Alors que le président de la République tarde à publier la composition de son nouveau gouvernement, deux faits encadrent le devenir de JM Blanquer. Lui-même publie un bilan élogieux des 5 années de son ministère. Il le fait au moment même où la hausse du SMIC amène le salaire de départ des enseignants à son point historiquement le plus bas : 1.1 fois le smic. Malgré la communication ministérielle, le maintien de JM Blanquer rue de Grenelle semble impossible. Mais deux réalités cadrent le nouveau mandat ministériel. Quel que soit le successeur de JM Blanquer, il aura à affronter une situation sociale extraordinairement dégradée. Surtout, il devra le faire tout en mettant en œuvre la même politique que JM Blanquer. La page n’est pas tournée…

Un auto bilan élogieux

"Une école qui transmet à tous les élèves les savoirs et les valeurs qui le guideront tout au long de la vie, une nouvelle gestion des ressources humaines pour développer la personnalisation, renforcer l’esprit d’équipe et améliorer le service public d’éducation". Ainsi JM Blanquer présente-il, sur le site de son ministère, les 5 années de son mandat.

" Rehausser le niveau général et lutter contre les inégalités sociales : tels étaient les deux objectifs que nous affichions très clairement dès 2017, dans la lignée des engagements pris par le président de la République lors de son élection. Depuis, tous ces engagements ont été tenus et même dépassés", écrit-il. Il cite les dédoublements, la revalorisation des primes rep+, les réformes du lycée et du lycée professionnel. " Le principe a été de donner une assise scientifique et républicaine renforcée à ces politiques par la création d’un Conseil scientifique de l’éducation nationale et d’un Conseil des sages de la laïcité".

Les résultats ne sont pas là

Curieusement il y a un vrai record dont le ministre ne se vante pas, c’est celui de la longévité. Mais au bout de 5 années de son ministère, les résultats ne sont pas, contrairement à ce qu’il assure, au rendez vous. Commençons par ceux des élèves. Améliorer le niveau des élèves a été proclamé par JM Blanquer comme son objectif principal. Pour l’évaluer il a créé un outil ministériel, directement dépendant de lui, qui évalue tous les élèves de CP, CE1, 6ème et , théoriquement, 2de (mais au lycée il a échoué à l’imposer). JM Blanquer a promis "100% de réussite" en CP. Il a mis des moyens pour cela en dédoublant les classes de l’éducation prioritaire (Rep et Rep+). Ce que montrent les évaluations mêmes du ministère c’est que le niveau monte lentement. Ne nous laissons pas impressionner. Dans tous les pays qui utilisent ces évaluations, le niveau progresse ne serait ce que parce que les élèves sont mieux préparés aux tests. Par contre ce que disent les données ministérielles c’est que les objectifs ne sont pas atteints. JM Blanquer avait promis un vrai bond au début de l’école primaire grâce à plus de 10 000 postes. En fait l’évolution est faible. Pire, les résultats des élèves socialement défavorisés des classes dédoublées ne sont pas meilleurs que ceux des élèves défavorisés des classes non dédoublées. On ne saurait mieux attester de l’impasse pédagogique dans laquelle le ministre s’est mis.

Pour évaluer vraiment le niveau des jeunes Français, il faut regarder les évaluations internationales. Or, les résultats de Pisa 2018 montrent une stagnation. Quand à ceux de TIMSS (maths et sciences) ils sont très mauvais. JM Blanquer explique qu’il faudra attendre les prochains Pisa pour avoir une idée des résultats de son action. Evidemment l’impact d’une action ministérielle prend du temps. Mais pas forcément 6 ans ou plus. Rappelons nous le "Pisa Choc" en Allemagne. Après des résultats très en dessous des attentes à Pisa 2000, l’Allemagne, malgré son système très décentralisé, a fait des réformes de fond. Comme le montre Dennis Niemann dans la revue de l’AFAE n°145, la situation s’améliore en langue nationale dès 2003 (+7 points), en maths (+13 points) et en sciences (+15 points) dès 2003. Sur ces 3 années la progression est plus rapide que sur les 3 années suivantes. Malheureusement on n’observe pas cela sous JM Blanquer. Il est vrai que les états allemands n’ont pas cherché à diminuer le coût de l’éducation. Au contraire ils ont investi.

Des réformes autoritaires

Là où JM Blanquer n’a pas lésiné c’est dans la destruction des réformes antérieures. Il a largement pesé sur le 1er degré pour réorienter les méthodes pédagogiques à l’aide des évaluations et des nombreux "guides" rédigés par son ministère. Pour un bon spécialiste de ce degré, c’est justement le coté autoritaire de ses réformes qui explique les mauvais résultats. Il a rompu définitivement avec l’école imaginée par les pères fondateurs de la IIIème République en détruisant, avec obstination, les petites républiques des professeurs que constituaient les écoles pour les soumettre au principe hiérarchique avec de malheureux directeurs chargés d’une autorité qu’ils n’ont ni le statut ni les moyens d’exercer. Au collège il a détricoté la réforme précédente, supprimant par exemple la 2de langue vivantes dès la 6ème. Il a réformé les lycées en profondeur de façon tellement maladroite et autoritaire qu’ils vivent en réforme continue d’adaptation en adaptation. Dans le second degré, l’heure est à la multiplication des missions et à la création de hiérarchies intermédiaires pour mieux diviser et surveiller les enseignants.

Finalement le bilan de ces réformes se lit dans le manque d’attractivité du métier enseignant. Au 1er mai, le salaire de début d’un enseignant correspond à 1.1 fois le SMIC. Un plancher encore jamais atteint. Depuis l’arrivée de JM Blanquer le nombre de candidats aux concours de l’enseignement est en baisse. Ce déclin continue explique t-il le fait que, cette année, ce nombre n’a pas été publié ?

Un nouveau Blanquer ?

Devant un tel bilan, il semble impossible que JM Blanquer soit maintenu à son poste. Mais qui d’autre en voudrait ? Le futur ministre de l’éducation devra faire face à une situation sociale extrêmement dégradée.

Les 5 années du ministère Blanquer se traduisent par un rejet inédit de la politique ministérielle. Toutes les enquêtes le disent qu’il s’agisse du Baromètre Unsa ou des enquêtes menées par la FSU. Selon le baromètre Unsa, la confiance est morte entre le ministre et ses personnels depuis 2018. En 2021 il compte seulement 8% de soutiens chez les professeurs des écoles et 6% chez les enseignants du 2d degré. Cela touche aussi les cadres. Un inspecteur (IPR ou IEN) ou personnel de direction sur quatre seulement partage les vues de JM Blanquer. En 2017, trois inspecteurs sur quatre adhéraient aux réformes de N Vallaud Belkacem. Selon le sondage Harris pour le Snuep Fsu, 71% des PLP jugent négativement la réforme de la voie professionnelle. Selon le sondage réalisé pour le Snuipp Fsu, seulement 5% des enseignants du 1er degré soutiennent la politique ministérielle. 85% sont contre la loi Rilhac.

Après les deux années et 9 mois du ministère Allègre, il avait fallu tout le talent d’un Jack Lang pour apaiser un héritage lourd à porter. Jack Lang avait été nommé pour renouer avec les enseignants. Il avait le soutien politique pour le faire. A la différence de Jack Lang, le nouveau ministre d’E Macron devra, lui, porter la continuité d’une politique lancée par JM Blanquer. Et le président n’a pas marqué dans son discours du 17 mars une considération particulière pour les enseignants.

Certes, JM Blanquer a mis une touche très personnelle dans la gestion de son ministère. Son long règne a été marqué par son obstination et son esprit autoritaire. Il lui a donné aussi une coloration scientiste qui occultait le populisme de ses mesures.

Mais le nouveau ministre, même s’il est beaucoup plus ouvert, aura à mener la politique annoncée par E Macron. C’est-à-dire, sur le fond, la même politique que JM Blanquer. E Macron a fixé comme objectif à son second quinquennat d’aller au bout des réformes menées depuis 2017. C’est le cas notamment pour la gestion des écoles et des établissements scolaires, pour la carrière et la rémunération des enseignants. La page n’est pas tournée.

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 02.05.22

 

Le bilan de Jean-Michel Blanquer, vu par le ministère et annoté par ToutEduc
Le ministère de l’Education nationale publie le bilan de la mandature. Tous les engagements pris en 2017 "ont été tenus et même dépassés". Certains des items méritent toutefois précisions et certains font défaut.

 L’obligation scolaire dès 3 ans est rapidement citée. Elle s’impose avec la loi "école de la confiance" et la loi "respect des principes de la République". Depuis, le pourcentage des "3 ans" scolarisés a légèrement diminué (d’un demi point) et s’établit à 96,8 %. 100 M€ sont inscrits au budget 2022 pour compenser les augmentations de charges pour les communes, notamment au titre du forfait d’externat.

 Le dédoublement des classes de CP et CE1 et dans 55 % des grandes sections en réseau d’éducation prioritaire, concerne 346 000 élèves cette année, indique le document ministériel, une mesure dont l’économiste Elise Huillery (membre du Conseil scientifique de l’Education nationale) estime le coût à 4000€/élève et par an, soit 1,384 Md€. Le communiqué ministériel évoque les progrès des élèves dans 26 des 32 domaines évalués, "les bons résultats" des dédoublements, mais la DEPP (le service statistique de l’Education nationale) a calculé qu’il était au CP très faible en lecture (8% d’un écart-type), un peu moins faible en mathématiques (14 %), surtout pour les élèves en difficulté, mais nul pour les deux domaines au CE1. Quant à la réduction de l’écart entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire, elle est effective pour les CP au 1er semestre, mais elle est négative au 2nd semestre. Quant aux guides "fondés sur le dernier état de la recherche", leur qualité scientifique est largement mise en cause, y compris par des chercheurs "cognitivistes".

 Le document cite également, pour favoriser "l’égalité des chances", les petits déjeuners gratuits à l’école (pour 315 000 enfants) et pour favoriser la mixité sociale, la possibilité pour les établissements "les moins favorisés" d’améliorer leur attractivité, via les langues anciennes ou l’EAC, mais aussi ds dérogations à la sectorisation pour les élèves boursiers. Sont également évoqués les "territoires éducatifs ruraux", en cours d’expérimentation.

 Autre élément du bilan, la "forte revalorisation des primes en REP+" de 2 312 à 5 816 € (laquelle est moins forte pour certains puisqu’elle comporte une part modulable de 200 à 600 €, ndlr) et l’ensemble des mesures prises ou annoncées dans le cadre du "Grenelle de l’éducation".

 La "mise en place d’évaluations nationales" est évoquée sans élément de bilan d’une mesure controversée. "Les résultats en français et en mathématiques des élèves de l’école primaire sont en nette amélioration", ajoute le document, sans davantage de précisions (les données de la dernière note de la DEPP sur le niveau en 6ème sont plutôt stables).

 le "dispositif Devoirs faits au collège" concerne "près d’un collégien sur trois", une proportion atteinte dès sa mise en place et qui ne semble donc pas évoluer. Aucun bilan, en termes d’acquisitions scolaires, n’a été publié, un rapport d’inspection générale décrivait les fortes réticences des enseignants dans de nombreux établissements.

 la politique en faveur des classes de 6ème bilangues a permis d’accroître de 9 % le nombre des élèves concernés (123 300 en 2020 contre 113 200 en 2017).

 la "réforme de la voie professionnelle" est citée sans commentaire, sinon que les intentions d’orientation ont augmenté de 2,8 %. Pourtant, selon la dernière édition des "Repères et références statistiques" de la DEPP, le pourcentage d’élèves de 3ème entrés l’année suivante dans la voie professionnelle sous statut scolaire est passé de 22,9 % en 2017 à 22,5 en 2021.

 la réforme du lycée général a suscité un taux de satisfaction de 60 % chez les lycéens, selon un sondage d’OpinionWay cité par le document ministériel qui évoque notamment la création de trois spécialités proposant des enseignements nouveaux au lycée / histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ; numérique et sciences informatiques ; éducation physique, pratiques et culture sportives.

Ce document cite encore, parmi les éléments du bilan "la création du Conseil d’évaluation de l’école, l’interdiction du téléphone portable au collège, la lutte contre le harcèlement ; création d’un grand service public de l’école inclusive, etc.". Il y ajoute "la formation des professeurs", "la construction d’un système d’évaluation", la réforme de l’organisation territoriale, la création du Conseil scientifique de l’éducation nationale et celle du Conseil des sages de la laïcité, la loi pour l’École de la confiance, la loi Gatel "pour mieux régir la situation des écoles hors contrat", "la loi Rilhac sur les directeurs d’école ou encore la loi Balanant sur le harcèlement".

Ces éléments sont, implicitement, considérés comme positifs, sans allusion aux difficultés que ces mesures ont rencontrées et sans éléments de bilan, même si certaines données chiffrées viennent les conforter. Le budget est passé de 48,8 à 55,2 Mds€, le nombre des ETP dans l’enseignement primaire a augmenté de 12 095 (mais le document ne dit rien de la diminution des moyens dans le 2nd degré), 1 950 ETP sont venus soutenir les directeurs d’école, toutes les classes de GS, CP et CE1 sont limitées à 24 élèves, le revenu net d’un enseignant débutant sera de 1 869€ à la prochaine rentrée (+ 10 % en 5 ans, ndlr). Le nombre d’élèves en situation de handicap a crû d’un tiers et le budget en leur faveur de 2,1Mds à 3,5Mds€.

Le ministère évoque la création de 250 000 éco-délégués et de 22 930 ambassadeurs "non au harcèlement" au collège, qui n’existaient pas précédemment, mais sans mentionner les ambassadeurs qui existaient au niveau lycée, et donc la continuité de la politique menée.

Le document donne également comme élément du bilan les 1 200 agents chargés de former chaque année 250 000 personnels aux valeurs de la République ainsi que les 4 millions d’élèves qui ont reçu un exemplaire des fables de La Fontaine, les "30 minutes d’activité physique par jour initiées en 2020, les internats d’excellence, les petits déjeuners gratuits, les Cités éducatives...

Toujours selon le ministère, "les sillons ainsi tracés méritent d’être approfondis et complétés au service de notre pays et de chacun de ses enfants".

Le document complet ici (PDF, 13044 Ko)

Extrait de touteduc.fr du 02.05.22

 

« On va morfler » : les profs à cran après la réélection de Macron
Dépités après le premier mandat macroniste et suspendus aux résultats des législatives, les professeurs, pourtant moins engagés à gauche qu’avant, craignent une nouvelle nomination de Jean-Michel Blanquer qu’ils verraient comme une « déclaration de guerre ».

L’ambiance est à la gueule de bois. « C’est pas la fête », « on accuse le coup », « c’est la déprime », « je suis en colère »... Après le second tour de la présidentielle, les enseignants contactés par Libération ont le cafard. Eux qui ont pesté durant cinq ans contre les décisions d’Emmanuel Macron en matière d’éducation rempilent pour un quinquennat dont l’orientation plus libérale est clairement assumée. Dur dur. « Je pense que les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier, on va morfler », prédit Céline Benin, professeure des écoles à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Si elle a consenti à faire barrage au RN au second tour, de « peur d’avoir l’extrême droite au pouvoir », lui reste désormais en bouche « un goût amer ». « Il y a un danger pour l’école de la République. On part de plus en plus vers une école qui va ressembler à du privé », souffle-t-elle.

Le discours n’est pas neuf, qui est ressassé depuis des mois par une partie de la communauté éducative, à plus forte raison …

Extrait de liberation.fr du 03.05.22

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