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Que devient la pondération en REP+ devant les difficultés de remplacement ? (tribune de Jean-Paul Delahaye à l’OZP)

24 avril 2023

Au ministère de l’éducation nationale, on ne se soucie pas de la même manière des « gens qui réussissent » et des « gens qui ne sont rien ».

Il paraît que tous les enseignants absents seront remplacés à la rentrée 2023. Cette annonce passe pour un « progrès » alors que ce n’est que la mise en œuvre du principe de continuité du service public d’éducation qui est de la responsabilité de l’État. Le remplacement est donc une obligation, ce n’est pas une option et encore moins une faveur présidentielle.

Il est vrai que le non remplacement des professeurs ne date pas d’aujourd’hui et il est devenu un problème majeur. On compte par millions les heures d’enseignement qui sont perdues dans notre pays faute de pouvoir remplacer les professeurs absents. Le problème c’est que cette pénurie de remplaçants a pour conséquence de mettre l’État dans l’incapacité de respecter certains textes qu’il produit. Il en est ainsi de l’aménagement des services, de la pondération des services comme on dit dans l’administration, mis en œuvre pour tenir compte des charges particulières qu’ont certains enseignants.
Cette pondération des services existe depuis des dizaines d’années notamment pour les professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles En classes préparatoires, les obligations maximales de services ont ainsi été précisées en 2004 pour les professeurs agrégés : à savoir de 8 à 11 heures de service au lieu de 15h pour un professeur agrégé. On reconnaît ainsi à juste titre le travail important effectué par les professeurs des classes préparatoires, notamment en ce qui concerne les préparations de cours et les corrections de copies. Cette pondération oblige le ministère de l’éducation nationale à affecter dans les lycées concernés les moyens nécessaires pour compléter les services (en heures supplémentaires ou en postes) et assurer ainsi tous les enseignements.

Il a fallu attendre la refondation de l’éducation prioritaire de 2014 pour reconnaître de la même manière, et pour la première fois dans l’histoire de l’école, le travail tout aussi particulier et tout aussi difficile effectué par les professeurs qui exercent dans les collèges et dans les écoles des réseaux d’éducation prioritaire REP+. Ces derniers ne doivent pas moins maîtriser les disciplines qu’ils enseignent, n’ont pas moins de travail de préparation et de suivi des élèves que leurs collègues des classes préparatoires. Ils ont, en outre, besoin de développer davantage les relations avec les parents et de se former en collectifs professionnels solidaires vis à vis des difficultés particulières de l’enseignement dans ces écoles et établissements. Il a pourtant fallu se battre pour gagner les arbitrages budgétaires, j’en ai été le témoin, car certains hauts responsables avaient des difficultés à accepter ce raisonnement, classique pour la formation des « élites », mais inhabituel pour les enseignants en première ligne pour faire réussir les élèves en grande difficulté. Ainsi, depuis le décret du 20 août 2014, le temps d’enseignement hebdomadaire est diminué pour un professeur certifié de 18h à 16h20 dans les collèges REP+ et, dans les écoles REP+, de 18 demi-journées durant lesquelles les professeurs des écoles doivent être remplacés. On remarque que la pondération décidée en REP+ était alors nettement moindre que pour les classes préparatoires mais, dans l’esprit de ses initiateurs, ce ne devait être qu’une première étape.

Que deviennent toutes ces pondérations devant les difficultés de remplacement ?
Il faut tout de suite rassurer ceux qui pourraient penser que les difficultés de remplacement pourraient remettre en question, voire supprimer, la pondération des services dont bénéficient les enseignants des classes préparatoires aux grandes écoles. Nul n’y a songé. On se souvient qu’en 2013, un projet de révision de ces pondérations avait été vivement contesté par les intéressés et avait été vite abandonné. Ici, les pondérations sont inscrites dans le marbre et les textes officiels sont scrupuleusement appliqués comme cela est évidemment normal. Et, en conséquence, ceux « qui réussissent » n’ont rien à craindre pour la scolarité de leurs enfants.
Il n’en est pas de même, malheureusement, pour les professeurs des écoles des REP+, qui sont, eux, au contact de « ceux qui ne sont rien ». La pondération pour les professeurs des collèges REP + est quasiment systématiquement convertie en heures supplémentaires, ce qui est mieux que rien certes, mais qui ne correspond pas aux objectifs assignés à la pondération qui devait alléger le service d’enseignement pour renforcer le travail collectif, la formation et les relations avec les parents. Le problème est beaucoup plus grave pour les professeurs des écoles REP+. Comme il est impossible de convertir les 18 demi-journées de pondération en heures supplémentaires, il faut donc obligatoirement remplacer les professeurs. C’est ce que demande instamment le décret de 2014 qui devrait s’imposer à tous. Or, de très nombreux témoignages convergents indiquent que, depuis plusieurs années déjà, faute de remplaçants disponibles, des professeurs des écoles REP+ ne bénéficient plus de la totalité des 18 demi-journées de pondération, voire n’en bénéficient plus du tout. On a voulu faire croire que la pandémie en était responsable mais, maintenant qu’elle est derrière nous, on voit bien qu’il n’en est rien. Dans ce cas précis, contrairement à ce qui se passe pour les classes préparatoires, le ministère de l’éducation nationale se dispense tout simplement d’appliquer un décret.

Ce « deux poids, deux mesures » est insupportable. Ce ne serait donc pas seulement dans les gares qu’on rencontrerait « des gens qui réussissent » et des « gens qui ne sont rien » mais ce serait le cas aussi au ministère de l’éducation nationale ?

Jean-Paul DELAHAYE
Inspecteur général de l’éducation nationale honoraire

 

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