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Repenser la globalité du système éducatif (N. Vallaud-Belkacem et D. Paget à la journée d’étude IREA)
"Il ne faut pas mettre des rustines sur le système éducatif. Il faut le repenser de manière globale." Dans un monde où de nombreuses "évolutions affectent le rapport au temps, à la culture et à l’espace, et bousculent les savoirs scolaires", Denis Paget s’inquiète de la succession des réformes éducatives menées par les différents ministères sans que soit menée une réflexion de fond. "C’est en confrontant les points de vue qu’on pourra construire une politique éducative qui aura pour temporalité toute une scolarité et non celle du gouvernement", dit l’ancien membre du Conseil supérieur des programmes, ancien co-secréttaire général du SNES-FSU, invité ce 27 novembre, avec Najat Vallaud-Belkacem à la journée d’étude organisée par l’Institut de recherches, d’études et d’animation (IREA) du Sgen-Cfdt pour discuter des "perspectives politiques" en éducation.
L’actuel membre du Collectif d’interpellation du curriculum (CIRCUR) observe aujourd’hui "un mille-feuille invraisemblable de prescriptions qui n’ont au bout de compte pas de sens". Denis Paget déplore l’accumulation des "éducations à" qui, faute d’être articulées, sont "inopérantes". "Il n’y a pas de vision globale de ce qui est enseigné aux élèves. Or, quand on pense de manière fragmentée, on noie l’essentiel, qui est d’apprendre à vivre en société et à d’apprendre à se connaître."
Si la présidente de France terre d’asile et ancienne ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche ne nie pas l’existence d’une accumulation des enseignements et du manque de liens entre eux, elle pointe que le développement des "éducations à" est lié aux "insuffisances crasses dans d’autres champs de la société". "On se sent obligé de créer un programme de formation pour apprendre à découvrir l’altérité. Mais si on avait plus de mixité sociale, on découvrirait l’altérité, on n’aurait pas à l’apprendre en théorie", donne-t-elle en exemple. "Ces ’éducations à’ viennent apprendre en théorie ce que les élèves ne vivent plus." De même avec l’éducation aux médias et à l’informations (EMI) qui découle "d’une insuffisance de la part de la puissance publique à réguler les médias, les fake news, etc.".
Denis Paget reconnaît l’importance des objets portés par ces "éducations à", mais insiste sur le besoin de "remettre un ordre pour rendre ces choses-là enseignables". Il préconise ainsi de partir de ce qu’il est "important d’enseigner, et d’ensuite le décliner dans les disciplines". Ce cheminement "nécessite de la concertation et du temps".
Cette dimension collaborative fait écho à Najat Vallaud-Belkacem qui soutient l’idée de mener une réflexion collective, sous la forme par exemple d’une convention citoyenne ou d’une conférence de consensus qui rassemblerait acteurs de terrain, experts, citoyens. "Nous avons atteint un tel niveau de détricotage que nous avons besoin de recréer du consensus sur la base du savoir et d’adopter un texte constituant qui ne soit ’retouché que d’une main tremblante. Car ce qui est mis en place doit durer au moins le temps d’une scolarité d’un élève." Elle souligne aussi sur l’importance de "rester groupé", de "se solidifier et de se défendre car en face de nous, les adversaires ne manquent pas".
Extrait de touteduc.fr du 28.11.24
Voir aussi du même jour Compte rendu de la Journées d’étude de l’Iréa sur les inégalités scolaires et le Choc des savoirs (ToutEduc)