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"Ecoles-familles, Ensemble", dossier de Fenêtres sur Cours, janvier 2019 : - Interventions de Jacques Bernardin, Françoise Lorcerie, Pierre Périer - L’enseignement du fait religieux dans une REP de Trappes - Portrait d’une enseignante de TPS en maternelle REP+ à Saint-Étienne-du-Rouvray (76)

26 février 2019

Fenêtres sur Cours N°453 janvier 201
Dossier École-familles, je t’aime moi non plus

Dossier réalisé par Lilia Ben Hamouda, Laurent Bernardi, Mathilde Blanchard et Pierre Magnetto

Les bonnes relations école-familles sont un facteur de réussite des élèves,
particulièrement pour ceux en difficulté.
Mais tisser des liens solides ne s’improvise pas, c’est une démarche éminemment professionnelle pour laquelle le temps et la formation manquent souvent.

« Pour construire l’école de la réussite de tous les élèves, une coopération renforcée
avec les parents, particulièrement avec les parents les plus éloignés de l’institution scolaire, constitue un enjeu majeur ». Plus de cinq ans après la publication de la loi sur la refondation de l’école et de la circulaire dont est tiré cet extrait, où en est-on de la relation école-familles ? Si le législateur a affiché de belles ambitions, concrètement les obligations de service n’ont pas beaucoup évolué, ou de manière confuse : deux rencontres individuelles ou collectives avec les parents et six heures pour les conseils d’école avec leurs représentants élus (lire ci-contre). Cependant,
l’idée que la collaboration entre les deux parties est un levier d’amélioration des résultats scolaires des élèves fait relativement consensus.
« Partenariat », le concept est même inscrit dans les textes depuis la loi d’orientation
de 1989 et poursuivi dans celle de 2013 avec celui de coéducation. Mais pour autant, la mise en oeuvre reste embryonnaire et s’avère très complexe.
Un véritable statut du parent d’élève délégué n’a toujours pas vu le jour et il est parfois difficile de trouver des parents volontaires pour siéger dans des conseils d’école où leur parole n’est pas toujours légitimée.

LE MÉTIER BOUSCULÉ
Dans un dossier paru en septembre dernier, entièrement consacré aux relations école-familles de la maternelle au lycée, l’Institut français de l’éducation (Ifé) note deux difficultés principales. « Ces évolutions bousculent le métier et la formation au métier, puisque le référentiel professionnel augmente en tâches au-delà de celles d’enseignement stricto sensu et demande aux professionnels de forger de nouveaux gestes de métier ». Ce n’est d’autant pas évident que, comme le souligne Françoise Lorcerie, directrice de recherche au CNRS (lire p 19), « travailler avec les parents doit être une volonté d’équipe. Or les enseignants ont déjà bien du mal à s’expliquer entre eux sur leurs pratiques de classe. Comment alors pourraient-ils le faire sereinement avec les parents ? C’est le coeur du professionnalisme des équipes qui n’est pas assez soutenu dans l’organisation scolaire aujourd’hui. Discuter entre soi, réfléchir entre soi des questions pédagogiques, c’est le premier pas si on veut accueillir les parents avec leurs questions ».
Double difficulté a priori qui s’accentue avec le fait que tous les parents doivent être accueillis quel que soit leur rapport à l’école.

OEUVRER ENSEMBLE DEPUIS DES PLACES DIFFÉRENTES
Les leviers pour tisser des liens ne manquent pas, ni les initiatives sur le terrain comme le montre l’équipe de l’école des Plantiers à Manosque… Au pays de Jean Giono, elle a bâti un parcours culturel alliant lieux de représentation et participation des parents (lire P16-17). À l’école maternelle Cayras à Sainte-Livrade-sur-Lot, c’est aussi sur la culture que l’équipe a misé, en s’appuyant sur le conte et le plaisir partagé de les raconter. « Il importe d’en cerner les objectifs. Il ne s’agit pas pour les parents d’envahir l’école, mais d’investir la scolarité. Il ne s’agit pas pour les enseignants de faire la morale ou de rendre des comptes à des « clients usagers », mais d’éclaircir ce qui reste opaque pour nombre de parents afin de contribuer à la réussite et à l’émancipation de tous leurs élèves », souligne Jacques Bernardin, docteur en sciences de l’éducation (lire p17).

Reste que cette relation école-familles est trop souvent « asymétrique », imposée de façon « normée » par l’institution ce qui pose problème aux familles les plus en rupture avec les codes de l’école. Dans ce cas, la relation ne doit pas être une source d’aggravation des inégalités scolaires, notamment lorsque le lien de confiance est rompu. Et lorsque le conflit s’installe, pas facile d’en sortir tant les enjeux affectifs et
réactionnels peuvent être importants. L’enfant peut parfois être pris dans un conflit de loyauté entre l’école et ses parents. Aussi il est nécessaire que chaque adulte qui oeuvre à son éducation soit reconnu, légitimé, dans le rôle qu’il occupe. OEuvrer ensemble, mais depuis des places différentes, c’est aussi cela qui est complexe à
réaliser. Cela ne peut être une exhortation à… cela s’apprend, se travaille, se construit par la formation continue notamment qui peine à donner une réelle place à
cette compétence professionnelle.

Construire la relations école-familles n’est pas seulement un outil au service de la réussite scolaire, mais d’une manière qu’on pourrait qualifier plus politique, un levier pour faire du commun dans le sens où l’éducation n’implique pas seulement l’institution, mais tous ceux qui y prennent part (lire p16).

Cause commune La relation aux parents reste trop souvent asymétrique.

L’idée est communément admise : l’implication parentale dans la scolarité de leur enfant est une aide. Ainsi les enseignants, interrogés par Carole Asdih* dans son étude menée en 2012 sur onze écoles, répondent majoritairement qu’ils ont besoin des parents et qu’ils en attendent beaucoup. Beaucoup trop peut-être, car ces attentes correspondent souvent à ce que sont en mesure de faire des familles des classes moyennes ou aisées laissant ainsi de côté celles qui n’arrivent pas à mobiliser
les ressources nécessaires. Un constat qui questionne particulièrement la culture professionnelle enseignante qui a tendance à cultiver une norme éducative du « bon parent d’élève ». Du côté de l’institution le constat est quasi identique, alors qu’elle inscrit les parents comme « partenaires de l’école » ce qui induit une relation égalitaire, elle hésite encore à leur laisser la main en matière d’orientation et de redoublement, ou encore à leur donner une véritable place dans les instances de concertation leur déniant bien souvent leur capacité à parler au nom de l’intérêt général. Dans le même temps, l’évolution libérale de nos sociétés conduit à des attentes parentales fortes sur la scolarité de leurs enfants pas toujours compatibles
avec une école qui cherche par tous les moyens à faire du commun dans un cadre égalitaire et collectif. Aussi, entre une place d’assujettis, de partenaires ou de clients, la politique scolaire a plutôt cherché à composer qu’à trancher définitivement, laissant la place à une pluralité d’usages sociaux du système scolaire. Peut-être faudrait-il garder à l’esprit, comme le propose le psychosociologue Jean Epstein, que « la collaboration école-famille n’est pas seulement un moyen d’améliorer les résultats scolaires mais doit devenir une fin en soi, d’un point de vue démocratique ». Celle de la construction commune d’une école dont les enfants et notre société ont besoin.
*Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Montpellier.

 

À MANOSQUE (04)
Oser le culturel À l’école [REP] des Plantiers de Manosque la relation aux familles est inscrite au quotidien dans le projet d’école. Ce n’est pas sur les toits mais devant le portail de l’école des Plantiers que se tient à chaque entrée et sortie des classes, Nathalie Brazier-Carré, directrice de l’école de ce quartier de Manosque classé politique de la ville dans les Alpes-de-Haute-Provence. « Être présente physiquement, se rendre disponible, garder sa porte ouverte », car ici « au-delà des mots que l’on colle dans les cahiers, la communication avec les familles passe beaucoup par l’oral », explique-t-elle. Il faut redire, expliquer et même parfois faire traduire par des mamans qui prêtent main-forte. La solidarité et l’accueil commencent ainsi dans cette école du pays de Giono qui a fait de la relation aux familles son credo et même le coeur de son projet pour améliorer les apprentissages des élèves. Dans les deux classes de CP à 12, les parents ont été invités à venir assister à des séances de lecture le matin avant la récréation. Les parents inscrits par binôme ont vu leurs enfants et la classe au travail dans le lent et difficile apprentissage de la lecture. Pendant le temps de récréation qui suivait, les enseignantes ont pu échanger avec les
parents et ainsi faire le lien entre le travail de la classe et le temps de relecture demandé aux élèves le soir à la maison.
« Une aide précieuse pour nous », témoignent deux mamans algérienne et slovène, nouvellement arrivées en France. Comme près des deux tiers des parents de cette école, elles n’ont pas suivi leur scolarité en France et l’équipe pédagogique a l’ambition de leur faire découvrir le système scolaire français.

ALLER AU CENTRE-VILLE
Ce projet sera reconduit au deuxième trimestre mais cette fois sur des séances
d’ateliers mathématiques avec l’idée de pouvoir mettre de côté la barrière de la
langue. Mais c’est aussi du côté de l’ouverture culturelle et d’un vaste projet
initié par la ville avec financement à la clé que l’école mobilise son énergie. Chorale, sorties au cinéma, à l’opéra de Marseille, à la médiathèque ou encore au
théâtre Jean le Bleu de Manosque, autant d’occasions pour permettre aux parents accompagnateurs de partager des moments avec leurs enfants et de se rendre au centre-ville. « Il me faut souvent solliciter des familles pour qu’elles osent nous accompagner », témoigne Nathalie, mais une fois le premier pas franchi ça va beaucoup mieux. Pour valoriser ce projet coécrit par l’équipe et l’IEN de circonscription et son action auprès des familles, la ville a ouvert un blog pour communiquer à la population manosquine. Dans l’attente du temps fort inaugural du mois de février, les enseignantes et les enseignants de l’école ont pour l’heure du mal à mesurer les effets sur les apprentissages.
Chacun reste pourtant convaincu de la nécessité de cet engagement comme Pierre Giraud, nouveau PE, auparavant enseignant en lycée professionnel et qui découvre la difficulté de gérer au quotidien dans la relation directe aux familles, les malentendus qui peuvent s’installer. « Dans le quartier, on est le dernier service public qui ouvre ses portes et parfois on sert de déversoir de colère. Ce n’est pas sans danger mais c’est en même temps nécessaire et une chance qu’il faut offrir à nos élèves », conclut la directrice.

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3 QUESTIONS À.... « RENVERSER L’AUTODÉVALORISATION »
Jacques Bernardin, docteur en sciences de l’éducation et président du GFEN

1. QUELLES SONT LES PISTES POUR AMÉLIORER LA RELATION ÉCOLE-FAMILLE ?
Sans doute faut-il d’abord convaincre de ses bénéfices. Souvent, les parents de milieux populaires rechignent à venir à l’école car ils s’estiment mal placés, peu légitimes ni outillés pour aider leur enfant. Établir une relation de confiance est propice à l’engagement sans réserve de l’élève dans les apprentissages. A
contrario, rien de pire que le doute ou la suspicion de ne pas « faire ce qu’il faut » voire le déni réciproque. Par ailleurs, les parents ayant peu fréquenté l’école n’imaginent pas que leur appui est indispensable.
Or, la façon dont l’école est parlée à la maison, dont la scolarité est préparée, suivie et accompagnée, est un facteur clé pour l’implication et les progrès, au-delà même de toute aide technique. Enfin, harmoniser les interventions éducatives – sur le plan des comportements ou du travail du soir – permet d’éviter les contradictions, de coordonner les appuis et d’en redoubler les effets.

2. QUELLE POSTURE PROFESSIONNELLE CHEZ L’ENSEIGNANT ?
Comme à l’égard des élèves, une posture d’accueil et d’attention, respectueuse des
singularités : les parents sont sensibles à la façon dont ils sont perçus. Il faut se
départir des stéréotypes sociaux et des postures de surplomb, s’efforcer d’entendre et de comprendre les propos et attitudes des parents… y compris pour
pouvoir les discuter si nécessaire.
Rencontrer les parents pour les connaître, les reconnaître comme partenaires et les informer des acquisitions comme des progrès : tout cela permet d’éclaircir les
usages, pratiques et attendus de l’école. Plus encore, on peut solliciter leur expérience afin de renverser l’auto-dévalorisation qui les caractérise, au nom de leurs
souvenirs scolaires, de leur faible qualification ou de leur niveau de maîtrise du français. L’école peut ainsi oeuvrer à la promotion des parents, à leurs propres yeux
comme à ceux de leurs enfants.

3. LES DEVOIRS SONT-ILS UN ENJEU DE CETTE RELATION ?
Trace tangible de ce que l’enfant fait à l’école et y apprend, le travail du soir est – à l’épreuve des faits – un facteur de tension voire de conflits intrafamiliaux. L’enfant
peut être accusé de ne pas avoir assez écouté, de n’avoir rien compris, d’avoir mal noté ce qu’il fallait faire. Faute de clarification suffisante de la demande, le parent voulant bien faire peut « en rajouter » ou biaiser la nature du travail demandé, soumettant alors l’enfant à des exigences contradictoires. Le parent peut aussi être mis en difficulté, soit parce qu’il intervient « à côté » de ce qui a été signifié en classe ou n’en comprend pas la logique « Non, maîtresse a dit… », soit parce qu’il est
désemparé face à la demande « Tu sais pas, t’es nul !... ». Autant de facteurs de
ressentiment à l’égard d’une école qui met l’un ou l’autre en difficulté, rejouant des processus de disqualification déjà connus et douloureusement vécus. Mais cela
n’est pas fatal. L’école peut éclaircir les règles du jeu…

 

À SAINTE-LIVRADE-SUR-SUR-LOT (47)
Histoires…de coopération
Quand enseignants et parents racontent ensemble.

[...]

 

RENDRE LES PARENTS LÉGITIMES
Des parents souvent éloignés de la culture scolaire. Pierre Perier, sociologue, dresse leur portrait et les particularités, de la relation qu’ils entretiennent avec l’école, dans laquelle ils ne se sentent pas légitimes
et ont un sentiment d’incompétence. Vidéo disponible sur la chaîne YouTube du
SNUipp-FSU. WWW.YOUTUBE.COM DE LA PEUR À LA CONFIANCE
Permettre aux parents et aux enseignants de mieux se connaître, c’est l’objet
des fiches-actions, outils pédagogiques pour « passer de la peur réciproque à la
confiance réciproque », disponibles sur le site de l’association ATD quart monde. Plusieurs projets y sont présentés tels celui de Grigny, dans l’Essonne, où
un atelier « croisement des savoirs » aide enseignants et parents à se comprendre.
WWW.ATD-QUARTMONDE.FR PARCOURS DE FORMATION DÉDIÉ Former et accompagner les équipes enseignantes à comprendre les enjeux d’une relation école – famille apaisée, tel est l’objectif du parcours de formation disponible sur le site du
centre Alain-Savary de Lyon. Il s’adresse autant à des équipes d’école,
qu’aux formateurs ou coordonnateurs REP. Un outil pour entrer dans une coopération effective.
À VOIR SUR CENTRE-ALAINSAVARY. ENS-LYON.FR

 

INTERVIEW « On comprend mieux les enfants si on peut parler aux parents »

AUJOURD’HUI, LES PARENTS COOPÈRENT-ILS PLUS AVEC L’ÉCOLE ?
FRANÇOISE LORCERIE : Toutes les lois récentes évoquent la place des parents et la nécessité de les associer étroitement à l’école : la loi de 1989 inaugurait à leur sujet une nouvelle catégorie, celle de « partenaire », et aujourd’hui, le code de l’éducation
incite au développement « du dialogue et de la coopération » avec les parents. Malgré tout, les choses ont peu évolué dans la pratique depuis trente ans. Le
mode de fonctionnement de l’école n’amène pas les personnels à nouer des relations suivies et authentiques avec les parents. Souvent, les parents sont utilisés, on fait appel à eux comme à des « auxiliaires », il ne s’agit pas d’une réelle coopération.
QUELS PEUVENT ÊTRE LES FREINS ?
F. L. : Ils sont nombreux. Comme je le disais, il n’y a rien dans les textes qui oblige les enseignants à entretenir des relations vraies avec les parents. Une grande majorité des parents souhaiterait une coopération plus effective avec plus de rencontres dans un cadre moins normé et des échanges plus détendus. Les mesures de sécurité post attentats n’ont fait que limiter plus encore les relations informelles des parents avec les enseignants. Autre frein, le temps que les enseignants
accordent aux échanges avec les familles. Les obligations réglementaires de service imposent six heures par an, c’est très peu ! qu’en serait-il de ces relations si une heure par quinzaine y était consacrée ? Un autre frein me semble décisif. Les enseignants ne sont pas formés à la communication avec les usagers. Bien souvent, ils n’attendent pas grandchose de ces rencontres et ils les craignent, ils ont du mal à s’expliquer avec les parents. Ils savent bien pourtant que dans la très grande majorité des cas, les parents sont tout simplement inquiets pour leurs
enfants.
VOUS PARLEZ DE DIFFÉREND AVEC LES PARENTS PLUTÔT QUE DE MALENTENDU,
POURQUOI ?
F. L. : Lorsque l’on parle de « malentendu » à propos des apprentissages, c’est pour dire que l’élève comprend mal ce que l’enseignant attend de lui. Dans la relation
école-famille, la notion de malentendu renvoie implicitement à cette même idée de
mauvaise compréhension asymétrique : le malentendu est du côté des parents. Et s’il
était aussi du côté des enseignants ? Se peut-il que ce soit eux qui comprennent mal ? Mais en fait, la notion de malentendu place le problème sur un registre
psychologique, et c’est une erreur. Selon moi, le problème est relatif à l’organisation même de l’école. C’est pourquoi il vaut mieux parler de « différend ». La distance est si forte entre enseignants et familles que l’entente et la confiance ont du mal à se tisser. Comment expliquer cette distance ? Le manque de formation y joue un rôle,
c’est banal de le dire. Mais je voudrais mentionner un autre facteur. Travailler avec les parents doit être une volonté d’équipe. Or les enseignants ont déjà bien du mal à s’expliquer entre eux sur leurs pratiques de classe. Ils ne le font pas, en réalité. Comment alors pourraient- ils le faire sereinement avec les parents ? C’est le coeur du professionnalisme des équipes qui n’est pas assez soutenu dans l’organisation scolaire aujourd’hui. Discuter entre soi, réfléchir entre soi des questions pédagogiques, c’est le premier pas si on veut accueillir les parents avec leurs questions.
QUELS SONT LES ATOUTS D’UNE TELLE COOPÉRATION ?
F. L. : On y gagnerait un climat détendu, de confiance, une sérénité. C’est ce qu’attendent les parents et les enseignants, c’est plaisant d’être reconnus.
Je pense que l’école doit apprendre à rendre compte aux parents – ce n’est pas pareil que rendre des comptes ! Certains parents, c’est vrai, posent de réelles difficultés. Mais cela se gère. Et dans l’ensemble, ils sont soucieux de faire ce qu’il faut. Les enseignants devraient en confiance accepter les questions des parents. Ils veulent bien souvent seulement être rassurés. Il faudrait que puisse se nouer un dialogue sans qu’aucun ne se sente menacé. On comprend mieux les enfants si on peut parler
aux parents. Cela ne peut avoir que des retombées positives sur la réussite des élèves. Ce dialogue est un élément d’un ensemble de facteurs qui font système.
Un cercle vertueux.

 

REPORTAGE “CROIRE, C’EST PAS SAVOIR !” À l’école [REP] Louis Pergaud
de Trappes, enseigner le fait religieux, même pas peur. « Ben si, on peut parler de religion, c’est pas interdit puisqu’on en parle en ce moment. On a juste pas le droit de montrer ce que nous sommes. Ça c’est privé, c’est personnel », explique
Manuel à sa camarade Koumba. Aujourd’hui, c’est mardi et le mardi, c’est le jour de l’enseignement du fait religieux dans la classe de CE2/CM2 de Karine Legoff, enseignante et directrice de l’école Louis Pergaud classée REP à Trappes (78). Elle réagit aux remarques des élèves en rappelant qu’en effet, il ne s’agit pas d’enseigner les religions mais d’enseigner l’Histoire qui, elle, est liée aux religions. Là est toute la différence. L’enseignement du fait religieux est délicat pour la majorité des enseignants. Comment tenir une posture professionnelle lorsque les croyances personnelles, des élèves mais aussi des enseignants, doivent rester en dehors
de la discussion ? Difficile de ne pas franchir la ligne ô combien fragile, de ce
qui relève de l’éducation familiale et de la transmission culturelle et religieuse,
de celle de l’école
SERVICE APRÈS-VENTE INCLUS Alors, pour cet enseignement, Karine s’appuie sur le jeu l’Arbre à défis de l’association Enquête. Les élèves, installés en groupe, répondent
collectivement à des questions extraites d’un jeu de cartes et projetées au tableau. Toute bonne réponse apporte des points ; la compétition, les élèves aiment cela. Alors oui, le contenu aborde des thématiques aussi variées que la différence entre croire et savoir, qu’est-ce que l’islam, le catholicisme ou le judaïsme. Mais il développe aussi chez les élèves des compétences transversales telles que s’écouter ou se comprendre, compétences nécessaires au vivre ensemble. L’association fournit
le jeu, mais aussi intervenants, formations et « hot line » pour accompagner pas à pas chaque enseignant qui se lance dans l’aventure. C’est là la plus-value non négligeable qu’apporte l’association par rapport aux autres supports pédagogiques. Karine l’a rencontrée à de multiples reprises : formations, interventions en classe pour le lancement de la séquence ou lorsqu’elle ne sait comment gérer telle ou telle situation. « Ils sont très réactifs, et on peut les solliciter à n’importe quel moment sur des questions qui peuvent sembler anodines mais dont le traitement en classe nous fait peur ».
DÉBATTRE POUR VIVRE ENSEMBLE Dans cette école, le débat, cela fait longtemps qu’on y initie les élèves. « On avait déjà mis en place des ateliers philo. On s’était rendus compte de l’impact positif de ces moments de débat sur le climat scolaire. Les élèves apprenaient à discuter entre eux, à débattre, à s’écouter sans s’invectiver lorsqu’ils n’étaient pas d’accord. Le jeu de l’Arbre à défis est dans la continuité de cet apprentissage des compétences comportementales nécessaires au vivre ensemble mais sur des thématiques avec lesquelles nous, enseignants, ne sommes pas du tout à l’aise. Nous avons donc tout naturellement accepté de nous lancer dans l’aventure ». La séance d’aujourd’hui traite de la différence entre croire et savoir. Vaste thématique qui ne fait pas peur aux élèves. Ils se lancent, chacun expliquant avec ses mots ce qu’il perçoit de ces deux termes. « Savoir, c’est quand t’as des preuves et croire, c’est quand t’en as pas mais tu crois quand même », explique Léa. Et
là, les élèves donnent des exemples surprenants, que l’on n’a pas l’habitude
d’entendre dans une salle de classe. « Adam et Ève, ils ont mangé des fruits de l’arbre de la connaissance qu’ils avaient pas le droit de manger. Dieu quand il
l’a découvert, il les a emmenés sur terre. Il a dit à Ève et Adam qu’ils souffriraient
et auraient même des maladies », explique Thomas « Ben ça c’est croire »
rétorque Enzo. En observant cette séance, on se rend compte que l’enseignant se met volontairement en retrait et régule en cas de débordement. « Avec ce jeu, il faut accepter de changer de posture. Il ne prend son sens que si l’enseignant admet être seulement observateur et laisse les élèves débattre entre eux. Il faut qu’ils puissent se sentir libres de parler de leurs croyances pour les confronter aux savoirs scientifiques.
Ça ne veut pas dire qu’on va mettre en opposition ce qu’ils croient et ce que la science apporte, cela veut tout simplement dire qu’il y a différents points de vue
et que l’on peut vivre ensemble et penser différemment ».

CONNAISSANCES VERSUS CROYANCES
Connaître les religions de chacun, ça permet aussi à tous de mieux se respecter. Les
connaissances qu’apporte le jeu sont factuelles et ne touchent pas, finalement, aux valeurs des élèves et de leurs familles. Les parents, justement, ne semblent pas
être inquiets par cet enseignement.
Karine explique aux élèves en quoi consiste le jeu, elle propose aux familles
d’assister aux séances mais n’a jamais eu de retour. À croire que les parents font confiance en l’école…
LILIA BEN HAMOUDA

 

CAROLINE CIRET, IEN de Trappes.
COMMENT ENSEIGNER LE FAIT RELIGIEUX ?

L’enseignement du fait religieux est un enseignement fondamental mais qui
peut s’avérer délicat. Il demande une attention particulière de la part de
l’enseignant. Former les enseignants à cet enseignement a donc un double objectif : développer la didactique et les connaissances nécessaires mais aussi disposer d’une meilleure compréhension des élèves, de leur famille et de leur culture d’origine.
Mieux se connaître pour mieux se comprendre. C’est dans ce cadre que j’ai proposé le jeu l’Arbre à défis.
SIMPLE À METTRE EN PLACE ?
Oh non ! Les difficultés ont été multiples. Tout d’abord, au niveau des enseignants qui craignaient la réaction des familles. Mais l’accompagnement proposé par
l’association Enquête, avec la présence d’un éducateur lors de la première séance et le suivi personnalisé de chaque classe a permis de rassurer. Au niveau des parents, il y a eu une levée de boucliers la première année. Je les ai reçus, nous avons discuté et ils ont assisté à une séance. Ils ont très vite compris qu’il s’agissait uniquement de l’enseignement de l’histoire des religions et ont, finalement, permis l’adhésion du reste des parents.
QUELS ENJEUX ?
Tout simplement le vivre ensemble. Pour se respecter, il faut se comprendre et pour cela il faut mieux se connaître et cela passe par l’enseignement de l’histoire et des faits religieux.
PROPOS RECUEILLIS PAR L. B. H.

 

PORTRAIT LE MIEUX POUR LES TOUT-PETITS

Émilie Petitot enseigne en TPS pour cette pédagogie spécifique. l’avait entraînée du côté des tout-petits. Des postes fractionnés, tous les niveaux, une mutation et un congé de maternité plus tard, c’est par choix qu’elle arrive à la maternelle [REP+] Maximilien Robespierre de Saint-Étienne-du-Rouvray (76). « J’ai choisi la maternelle pour la pédagogie », commence Émilie Petitot. « Ce n’est pas exactement le même métier d’être enseignant en maternelle. Travailler en complémentarité avec l’Atsem, ça me manquait en élémentaire ». C’est dans le quartier du Château-Blanc,
au milieu des tours aux graffitis et aux vitres cassées, en attente d’un plan de rénovation, que se trouve l’école. Il y a cinq ans, les trois écoles du quartier, deux en Rep+ et une en Rep, ouvrent des classes de moins de trois ans.
UN VRAI BESOIN
Elle postule. « J’aime bien les challenges et les expérimentations pédagogiques.
Les deux ans sont souvent dans l’opposition et à l’école ce sont de vrais défis à relever. C’est passionnant de les accompagner dans toutes les étapes »,
eux et leur familles, car l’école n’est pas une garderie. « Les 18 élèves sont là tous
l’après-midi. Les parents peuvent les amener après la sieste, ou avant, suivant les besoins des enfants. On instaure une relation de confiance avec eux qui facilite toute la scolarité ».
Même si l’enseignante parle souvent de l’école comme « d’une bulle » où les enfants doivent avoir envie de venir, elle poursuit des objectifs pédagogiques précis. « Je travaille par projets en rapport avec le vécu des enfants et j’y greffe tout ce qui peut être porteur de langage à cet âge-là. La motricité, essentielle, mais aussi la nourriture et le vivant pour les émotions, la socialisation et le vivre ensemble », poursuit-elle. Une pédagogie qui bouscule les habitudes enseignantes, qui se chante, se théâtralise, se renouvelle, évolue, déménage…
LE CORPS ET L’ESPRIT Être bien dans son corps pour être bien dans sa tête, c’est l’un des enseignements qu’elle tire de ses cours sur le développement de l’enfant
pendant son master Petite enfance et partenariat éducatif qu’elle a mené à
l’Espé de Rouen. En mouvement, elle l’est elle aussi avec les formations dispensées par l’Inspection académique qui lui ont permis de travailler avec des Atsem, de rencontrer une psychomotricienne ou de passer une journée en crèche. Si la formation Rep+ ne lui propose rien de particulier pour les tout-petits, le temps est mis à profit pour travailler de manière adaptée avec ses collègues du réseau, de la maternelle au collège, et avoir ainsi une vision globale du parcours scolaire des élèves. « Au niveau du langage et de l’autonomie, le gain est exponentiel », renchérit
Rossmery Huet, la directrice. « Les enfants qui sont passés par la classe des tout-petits ont de vraies attitudes de lecteurs. Ils inventent des histoires et sont entrés dans la communication. Ce sont déjà des élèves. L’idéal serait de pouvoir poursuivre cette pédagogie plus expérimentale tout au long de la maternelle... » Pour beaucoup d’enfants au contexte familial difficile, cette première année en TPS leur permet une meilleure arrivée en PS. « Je ne fais pas de miracles, mais pour les élèves à
besoins éducatifs particuliers, une observation précoce permet d’amoindrir leurs difficultés et de leur donner plus de chance de réussir », conclut-elle.
VIRGINIE SOLUNTO

Extrait de snuipp.fr de janvier 2019 : Fenêtres sur Cours N°453 janvier 2019 (36 pages

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