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Additif du 20.10.23
Jean-Paul Delahaye : « Une école commune… et pas seulement pour ceux qui vont bien »
C’était il y a 15 jours, le 5 octobre, lors de la journée des enseignants, le ministre de l’Éducation promettait un « choc des savoirs » et annonçait une mission de huit semaines pour tout réformer : recrutement des enseignants au niveau bac pour une formation au sein « d’écoles normales du XXIe siècle », fin des cycles, généralisation les classes de niveau, labellisation les manuels scolaires… Jean-Paul Delahaye, ancien DGESCO, nous livre son analyse de ces annonces. Selon lui, ces annonces ne règlent pas la question des inégalités qui « ne nuisent pas à tout le monde » . Comment ne pas voir qu’il existe une véritable lutte de classe dans notre système éducatif ? » interroge-t-il. « Cette situation, mesurons-le, met en danger la cohésion de notre pays ». Il répond aux questions du Café pédagogique.
Que vous inspirent les annonces du 5 octobre dernier de Gabriel Attal ?
Une série d’annonces ne fait pas une politique d’ensemble et communiquer n’est pas réformer, il faut donc attendre un peu avant de se prononcer. Ce que je peux dire, à ce stade, c’est qu’on court le risque que les huit semaines prévues par le ministre pour préparer des mesures ne laissent pas beaucoup de temps pour faire partager le diagnostic sur l’état de notre école à l’ensemble des citoyens et singulièrement aux familles populaires. Et sans diagnostic partagé, il est difficile de construire du consensus ensuite. Ce sont les enfants des familles populaires que l’on retrouve massivement parmi les élèves en difficulté, ces familles ont des choses à nous dire sur l’école, écoutons-les, notamment grâce aux associations qui les représentent le mieux comme ATD Quart-Monde ou le Secours Populaire par exemple. Ces familles ne veulent pas d’un traitement à part de leurs enfants, elles veulent une école commune, conçue pour tous dans le cadre de la scolarité obligatoire, et pas seulement pour ceux qui vont bien. Compte tenu des problèmes que nous rencontrons, une réforme de l’école ne peut plus sortir toute ficelée d’un seul travail d’experts, aussi compétents soient-ils. Les pays qui s’en sortent mieux que nous dans la lutte contre les inégalités ont su construire sur la durée un consensus politique et se rassembler autour de leur école et de ses personnels
En d’autres termes, il faut davantage de débat politique sur l’école et sans doute moins d’emprise technocratique, surtout quand cette emprise prend une coloration scientiste et autoritaire comme on a pu le voir ces derniers temps.
Un débat politique qui se ferait sur quelles bases ?
Il faut se poser des questions qui placent les sujets essentiels au bon endroit.
Donne-t-on la priorité à l’intérêt général ou aux intérêts particuliers ? Est-ce qu’on valorise le collectif pour faire ensemble ou des parcours individuels qui se rapprocheraient d’un sauve-qui-peut général ? Est-ce qu’on scolarise ensemble pendant la scolarité obligatoire ou est-ce qu’on laisse faire un côte à côte qui est d’ores et déjà un face à face mortifère ?
Développe-ton des savoirs pour émanciper et qui fassent sens pour tous les élèves ou empile-t-on des disciplines qui se disputent les meilleures places pour servir à la sélection sociale ? Est-ce qu’on promeut la coopération et le commun qui réunissent ou favorise-t-on la compétition et la sélection précoce qui divisent, une école de la culture qui rassemble ou une école qui fracture ? On pourrait continuer cette énumération mais on voit bien que selon qu’on privilégie telle ou telle option, on ne construit pas la même école et on n’a donc la même société à l’arrivée. Vous voyez qu’on est assez loin de la question de l’uniforme à l’école.
Comment expliquez-vous qu’il soit aussi difficile de réformer dans le sens que vous indiquez ?
Regardons les choses en face : les inégalités à l’école ne nuisent pas à tout le monde. Globalement, elles ne nuisent pas aux enfants des milieux favorisés, aux enfants d’enseignants, de journalistes, de cadres supérieurs et des élites dirigeantes. Le plus désolant sans doute, c’est que certaines politiques mises en œuvre répondent aux demandes des élites sociopolitiques, quel que soit par ailleurs leur positionnement politique, à droite, au centre ou à gauche. Celles-ci veulent conserver leur position dominante dans le système éducatif et ont un comportement qui vise plus à restaurer d’anciennes pratiques pour protéger leurs enfants qu’à refonder pour tous (redoublement, classes de niveau, examen de passage en sixième tant qu’on y est…).
Le problème, c’est que les bénéficiaires potentiels d’une politique éducative plus juste n’ont pas les moyens de se faire entendre. Les milieux populaires ne pèsent pas sur les politiques scolaires. Mais ils ne sont pas aveugles et ils voient clairement les injustices à l’œuvre dans notre école. Comment ne pas voir qu’il existe une véritable lutte de classe dans notre système éducatif ? Cette situation, mesurons-le, met en danger la cohésion de notre pays. Si nous n’allons pas résolument vers davantage de justice en faveur des plus démunis, nous courons le risque de voir surgir des mouvements sociaux qui ne se borneront pas à l’occupation de quelques ronds-points. Personne ne peut le souhaiter
Et nous ne répondrons pas à cette demande d’égalité sans un effort collectif de solidarité et, sans doute plus encore, de fraternité. Cela ne relève pas de la seule responsabilité de l’école. C’est Antoine de Saint-Exupéry qui disait « Une démocratie doit être une fraternité, sinon c’est une imposture ».
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
Extrait de cafepedagogique.net du 20.10.23
Voir aussi le communiqué de l’Unsa du 11 octobre sur le collège unique qui fait référence aussi aux REP+ et aux dédoublements
Le discours de Gabriel Attal le 5 octobre 2023 à l’occasion de la journée mondiale des enseignants
Jeudi 5 octobre, lors de la Journée mondiale des enseignants, le ministre Gabriel Attal a souhaité rendre hommage à tous les professeurs de France qui exercent un métier essentiel, riche de sens et qui participent à la construction de la société en transmettant leur savoir et en contribuant à la réussite des élèves.
Depuis l’esplanade de la Bibliothèque nationale de France, lieu symbolique de tous les savoirs, et après les témoignages de lycéens sur les enseignants qui ont marqué leur parcours scolaire et un temps d’échange entre jeunes professeurs, le ministre a explicité la démarche collective autour de l’objectif d’excellence que vise l’ensemble des professeurs. S’appuyant sur des constats partagés, il a réaffirmé l’urgence d’un "choc des savoirs", afin d’élever le niveau qui conditionne la réussite dans toutes les disciplines.
Pour concrétiser ce "choc des savoirs" et contribuer à élever le niveau global, condition de la réussite et de l’épanouissement de tous les élèves, le ministre a précisé les différentes étapes destinées à la mise en œuvre de cette importante priorité dès la rentrée 2024.
Une mission "Exigence des savoirs" va être lancée, traitant de l’école, du collège et du lycée, et composée d’inspecteurs, recteurs, experts et professionnels ; elle rendra ses conclusions dans deux mois, pour une première mise en œuvre dès septembre 2024. Ses axes de travail porteront sur de nombreuses questions, parmi elles les contenus et l’organisation des programmes, notamment ceux de l’école, l’organisation de la scolarité en cycles, les manuels scolaires et l’accompagnement des élèves en difficulté. Les organisations syndicales représentatives des enseignants seront auditionnées par la mission. Les professeurs et personnels de l’Éducation nationale auront toute leur place dans cette démarche : une consultation sera ainsi ouverte sur les priorités et les actions à mettre en œuvre pour élever le niveau.
La vidéo sur le site du MEN (01:53:40 :)
Extrait de education.gouv.fr du 05.10.23
Gabriel Attal : « Nous devons engager une bataille pour le niveau de notre école »
Une mission « exigence des savoirs », avec une priorité sur le français et les mathématiques, sera lancée, associant les professeurs, des recteurs et des inspecteurs, annonce le ministre de l’éducation nationale, dans un entretien au « Monde ».
Extrait de lemonde.fr du 05.10.23
Attal : « Gagner la bataille du niveau » avec les idées d’avant-hier
« Nous sommes dans le temps de l’action ». Intervenant à l’occasion de la Journée mondiale des enseignants, le 5 octobre, Gabriel Attal lance « le choc des savoirs ». En huit semaines, il promet de trouver les solutions pour “relever le niveau” et sauver l’Ecole. C’est que les “constats” sont déjà faits et les réponses connues. Ce sont celles préconisées depuis 2017 : mettre fin aux cycles, généraliser les classes de niveau, dicter aux enseignants les méthodes à suivre, labelliser les manuels scolaires. En toute logique, le ministre veut aussi rétablir les écoles normales avec recrutement au niveau bac. Dans cette vision caporaliste de l’Ecole, nul besoin d’enseignants formés en université, le ministère pense pour eux. Des exécutants dociles suffisent. Pour légitimer cette vision, une consultation organisée par le ministère sera lancée auprès des enseignants. Vous avez aimé Blanquer, vous aimerez Attal…
Des enseignants recrutés au niveau bac
« Le 5 octobre, c’est la Journée mondiale des enseignants. Ce n’est donc pas tout à fait une date comme les autres » dit Gabriel Attal. Il choisit le cadre de la Bibliothèque nationale pour exposer son « choc des savoirs », celui des fondamentaux. « Nous aimons nos professeurs », affirme le ministre de l’Education nationale « avec bienveillance mais avec exigence ». « Garantir le bonheur » des professeurs est « un objectif prioritaire de notre école », dit-il. Et pour cela « rendre le métier plus désirable ».
G Attal cite Mitterrand, pour qui « être enseignant ce n’est pas un choix de carrière, c’est un choix de vie ». Mais le ministre n’est pas à une contradiction près. Il annonce l’organisation de trois groupes de travail sur la formation des enseignants, l’évolution de carrière et les conditions de travail qui remettront leurs propositions d’ici la fin de l’année. On ne saura rien de la dernière question. Mais, sur la formation, G Attal remet en selle une idée portée par la droite dans son projet de loi et la Cour des Comptes.
« Je souhaite inventer les écoles normales du XXIème siècle qui puissent former des élèves après le bac », dit G Attal. La formation des enseignants ne serait plus faite par l’université mais par l’administration de l’Education nationale. Avec un recrutement avancé au bac, cela garantirait la docilité des enseignants et une grille indiciaire au rabais. Abaisser le niveau de formation paraitrait ailleurs une idée folle. Mais cela ne parait pas au ministre inconciliable avec le « choc des savoirs ». Ce qui compte c’est que les enseignants appliquent à la lettre la méthode conçue par son ministère.
Pour la carrière, le ministre se contredit. Plus question de « choix de vie ». « La promesse de l’école peut-elle être de dire à tous les jeunes candidats qu’ils passeront plus de 4 décennies dans le même métier ?… Il faut qu’on soit aux avants postes d’une gestion des ressources humaines ». G Attal met l’accent sur l’autorité du professeur qu’il promet de restaurer. Il devrait faire des annonces à ce propos d’ici la fin de l’année.
Réforme générale des programmes en 2024
Mais l’essentiel de son intervention est consacré à « l’urgence de notre école » : élever le niveau. « Le rattrapage que nous avons à faire est colossal », affirme le ministre. « Les élèves français ont perdu l’équivalent d’un an en termes de niveau », assure-t-il. « Nous devons relever le niveau d’exigence que nous avons à l’égard de nos élèves ». Ce qui sous-entend que cette baisse serait due aux enseignants.
Le ministre annonce la création d’une « mission exigence des savoirs ». Composée de Stanislas Dehaene, le président du CSEN, du directeur de l’enseignement scolaire, de la doyenne de l’Inspection et du recteur Albout, elle constituera trois groupes de travail (école, collège et lycée). Chacun sera composé d’un recteur, d’un IPR, d’un inspecteur général et de deux enseignants bien choisis. Le ministre promet que cette mission « réalisera un nombre très important d’auditions ». Mais elle devra rendre ses conclusions fin novembre.
Les solutions du ministère
C’est que, affirme le ministre, « le constat, il est connu. Les solutions elles existent. Les propositions elles ont été soumises ». Notamment par les analyses du Conseil supérieur de l’Education nationale (CSEN). « Nous ne sommes plus dans le temps des constats. Nous sommes dans le temps de l’action », dit G Attal.
Les solutions sont d’ailleurs déjà soufflées par le ministre. Il annonce une nouvelle révision générale des programmes.
La fin des cycles
« L’organisation en cycles ne permet pas toujours de disposer au sein des programmes des éléments indispensables à la progression des apprentissages », affirme G Attal. Depuis JM Blanquer, le ministère a introduit des « repères annuels » et ainsi contourné la notion de cycle pourtant indispensable aux élèves pour progresser. G Attal va plus loin vers leur suppression officielle. Ce qui veut dire la révision de la loi de 2013.
Des manuels scolaires d’Etat
Les manuels scolaires sont « trop hétérogènes », explique le ministre. Là aussi le ministre reprend un combat, inabouti jusque là, du CSEN. « La question de la labellisation des manuels est posée » . L’enjeu n’est pas seulement la fin de la liberté d’édition, ce qui est déjà énorme. C’est l’imposition du manuel ministériel unique, avec ce que cela veut dire pour les pratiques enseignantes, qui s’annonce. L’Institut Montaigne récemment demandait de mettre fin à la liberté pédagogique pour plus d’efficacité. G Attal va le faire.
Le retour des classes de niveau
« Faut-il conserver le principe de classes hétérogènes ou prolonger une réflexion par niveau ? », demande G Attal. En clair il valide les classes de niveau. Ce dispositif a été combattu ces dernières années. Le ministre encourage leur généralisation alors que l’on sait que cela augmente les inégalités et les tensions au sein des établissements. C’est évidemment contradictoire avec la mixité sociale dont aime parler G Attal.
Une vision rétrograde ?
La vision de l’École de G Attal est particulièrement rétrograde. Pour lui l’Ecole vise à « empêcher l’explosion de la violence » et à « civiliser des individus » et non à les émanciper. Sa vision des enseignants est de la même eau. Avec un recrutement au niveau bac, ce qui ne s’est pas vu depuis plus d’un demi-siècle, et une formation par l’administration, il coupe les ailes des enseignants et prépare des techniciens appliquant à la lettre la méthode unique jugée bonne par le ministère.
« Le projet qui est le nôtre depuis 2017 est le bon », dit G Attal. Il assume la filiation avec JM Blanquer. Il veut juste aller au bout du projet.
On retrouve dans cette nouvelle étape ce qui réunit le CSEN, le CSP, l’Institut Montaigne, la Cour des Comptes et également la droite. On a vu ces derniers mois les rapports s’additionner, tous convergents vers cette nouvelle étape.
Mais ce n’est pas vraiment un retour en arrière que propose G Attal, même si certains cotés sont parfaitement rétrogrades, comme le retour des écoles normales. Contrairement à ce qu’il dit il ne défend pas « l’école à la française ». Il rompt avec elle. Il veut construire une nouvelle Ecole. Il introduit en France la vision anglo-saxonne du métier enseignant. Il la lie avec une conception bonapartiste de l’École, hiérarchisée socialement, excluante et invitant à la soumission. Citant les « pères fondateurs » de l’École , Gabriel Attal évoque Condorcet, Ferry, Zay. Il y ajoute Napoléon. Ce n’est pas par hasard.
François Jarraud
Extrait de cafepedagogique.net du 06.10.23
Annonces d’Attal : réactions syndicales
Pour la journée internationale des enseignants, Gabriel Attal a annoncé la mission « exigence des savoirs ». Sur la table des dossiers tels que la refonte des programmes, la fin des cycles, une harmonisation des manuels scolaires, des classes de niveaux en sixième – au moins sur les fondamentaux… Le Ministre donne huit semaines à la mission, il veut une application en septembre 2024. Il annonce aussi une grande consultation des enseignants dans le même temps. Des syndicats réagissent.
À la FSU-SNUipp, on ne décolère pas. L’annonce de la mission « exigence des savoirs », le syndicat la découvre dans le Monde. Pourtant, seront sur la table, les programmes, les cycles, la formation des enseignants, les manuels scolaires… Alors que le ministre multiplie les sorties sur l’importance du dialogue social, il semble en avoir une définition éloignée de celle des syndicats. En tout cas, de celui de la FSU-SNUipp. Guislaine David, porte-parole, évoque un « long monologue » plutôt qu’un dialogue.
Les annonces faites dans le Monde, le ministre les a réitérées lors d’un événement en l’honneur de la journée internationale des professeurs. Son cabinet voulait organiser une table ronde – en plus de celle des lycéens et des professeurs, avec les organisations syndicales. Une rencontre annulée à la suite du refus de participer de plusieurs d’entre elles – « on ne peut être sollicités de la sorte, du jour au lendemain sans même avoir d’informations sur l’enjeu réel de cette rencontre » s’exaspère Guislaine David.
Quant à la mission « exigence des savoirs », la secrétaire générale de la FSU-SNUipp assure ne pas avoir été consultée. « J’ai reçu un appel lundi du cabinet. On me demandait ce que je pensais des cycles. On voulait une réponse rapide. J’ai répondu que c’était un sujet qui nécessitait de se poser autour d’une table et pas une réponse en cinq minutes par téléphone ». Sur la question des manuels – « qui note une conception erronée du métier de professeur, concepteur de ses séquences d’apprentissage », des programmes, là encore la syndicaliste n’a pas eu son mot à dire.
« Le collège modulaire, c’est un renoncement. Un renoncement au fait que l’École puisse faire progresser et s’ouvrir dans la diversité et dans la confrontation à la diversité », complète Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU. « Dans le projet porté par le ministre, on a une place sociale à la naissance, on ne s’en sort pas. Même l’école ne permet pas d’en sortir. C’est donc un renoncement ».
Au-delà de la forme, c’est le fond qui l’interroge. « Nous sommes face à une réforme du système, sans que le ministre n’ait daigné consulter les organisations sociales ». Quant à la consultation des enseignants, Guislaine David questionne : « Sur quel temps ? Par quels moyens ? Une enquête en ligne individuelle ? ». « Ce n’est pas ça consulter les enseignants. En 2015, il y a eu des temps dédiés, des bilans, des moments d’échanges dans les équipes dans un objectif de co-construction. On consulte en se mettant autour de la table. Nous sommes des professionnels de l’éducation ».
« On est sur la journée mondiale des enseignants, et les annonces faites sont contre les enseignants. Gabriel Attal n’a pas parlé aux enseignants, il a parlé à l’opinion publique… comme il le fait depuis un mois et demi », s’exaspère-t-elle. « Le ministre veut des propositions dans huit semaines avec une consultation des enseignants dans le même temps, une application en 2024 et des résultats en 2025. Ce n’est pas la temporalité du monde de l’éducation qui a besoin de temps longs. Ce n’est pas une opération de marketing ».
Des annonces conformes aux demandes du SNALC
Jean-Rémi Girard du SNALC ne partage pas l’analyse de la FSU-SNUipp. Et pour cause. Une partie des annonces rejoint les propositions portées par le syndicat. « On n’a jamais été favorable aux cycles qui sont déconnectés de la réalité des collègues, notamment sur le cycle trois. L’articulation CM2-6e ne fonctionne pas. Ce serait bien qu’on en fasse enfin le constat ». Pareil pour les programmes. « On a plusieurs documents : les programmes, censés être la seule référence mais qui manquent de repères annuels, les guides… On ne demande pas de refaire tous les programmes, mais il n’est pas aberrant de faire un point, de voir ce qui fonctionne et ne fonctionne pas ».
Gabriel Attal a affirmé que sa proposition d’un collège « modulaire » s’est appuyée sur une proposition du SNALC. « Cela ressemble à ce que nous portons, et ce depuis 10 ans. Nous portons l’idée de faire des groupes de niveaux à partir de la cinquième à effectif réduit pour un accompagnement plus individualisé. Mais nous n’avons pas été consultés sur la question par le ministre ».
Un projet ultra conservateur
Pour Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-UNSA, deux éléments clés ressortent de ces annonces. Le premier, « le ministre n’est plus sur un discours de culpabilisation de l’École et des enseignants. Il dit enfin qu’il faut arrêter de mettre sur le dos de l’École tous les maux de la société. C’est habile ». Le deuxième, c’est la confirmation d’une feuille de route ultra conservatrice. « Il a parlé de fondamentaux, d’exigence des savoirs, un nombre incalculable de fois. Aucune surprise, cela fait partie du modèle porté par ce gouvernement ». « Il est compliqué de vendre une école ultra-conservatrice tout en parlant de l’avenir, de la modernité, du challenge », note la responsable syndicale. Et selon elle, ce matin, le ministre n’était pas à une contradiction près. « Quand il évoque la trop grande hétérogénéité des manuels, porteuse d’inégalités, et que quelques phrases plus loin, il loue la liberté pédagogique. Cela questionne ».
Lilia Ben Hamouda
Extrait de cafepedagogique.net du 06.10.23
La Journée mondiale des enseignants, l’occasion pour Gabriel Attal de leur apporter son "soutien inconditionnel"
Gabriel Attal, en même temps qu’il a lancé "la bataille pour le niveau" et évoqué plusieurs pistes d’action (ToutEduc ici), a délivré ce 5 octobre un message de soutien aux enseignants, et dépeint "l’école à la française" telle qu’il la voit. Fondée par "Condorcet, Napoléon, Victor Duruy, Jules Ferry, Jean Zay", elle est donc sans étiquette ni couleur politique, "pour tous, profondément égalitaire, farouchement universelle (...), publique, mixte (au sens garçons - filles, ndlr), gratuite et laïque pour tous".
A propos de la laïcité, le ministre de l’Education nationale précise : "la laïcité est un préalable en ce qu’elle garantit égalité et sérénité". Une mesure d’interdiction, comme celle de l’abaya et du qamis est "une décision de liberté et non de contrainte".
Il affirme aussi que "nous, les Français, nous aimons nos professeurs". Il nie qu’il y ait "un déclin des vocations" puisque un quart des étudiants dit être "intéressés" par l’enseignement, mais il reconnaît l’existence d’une crise d’attractivité. Il faut donc "rendre ce métier plus désirable" : "je veux agir pour le bonheur de nos professeurs", et il sera, ajoute-t-il, "toujours du côté des professeurs", il leur apporte un "soutien inconditionnel", alors que "l’école souffre dans ses murs de la remise en cause de l’autorité qui a cours en dehors de ses murs". Il convient pour lui de conjuguer "pédagogie et autorité" puisque dans une classe, "celui qui apprend" doit le respect à "celui qui sait". Et il tourne la page du "pas de vagues".
Le ministre est en même temps conscient que "le monde bouge" : "La promesse de l’école peut-elle être de dire à tous les jeunes candidats qu’ils passeront plus de quatre décennies dans le même métier ?" Il faut donc que l’administration soit "aux avant-postes d’une gestion des ressources véritablement humaine". Il a d’ailleurs souhaité que soient organisés trois groupes de travail sur leurs évolutions de carrière et salariales, sur leurs conditions de travail ainsi que sur la question de la formation initiale et continue des professeurs. G. Attal souhaite "inventer les écoles normales du xxième siècle, qui puissent par exemple former des élèves dès après le bac".
Extrait de touteduc.fr du 05.10.23
Gabriel Attal "lance la bataille pour le niveau"
Gabriel Attal, qui croit "profondément que le projet qui est (celui de la majorité présidentielle) depuis 2017 est le bon" et qui inscrit donc implicitement son action dans la continuité de celle de Jean-Michel Blanquer, annonce qu’il "lance la bataille pour le niveau", et donc propose des moyens qui tranchent avec l’existant. Le ministre de l’Education nationale a en effet prononcé ce 5 octobre à l’occasion de la "Journée mondiale des enseignants" un discours important, programmatique, dans lequel il s’interroge notamment sur la pertinence de l’organisation (de l’école et du collège, ndlr) en cycles "qui ne permet pas toujours de disposer au sein des programmes des éléments indispensables à la progression des apprentissages". Les programmes de 2015 devront de plus être "révisés" pour tenir compte "des recommandations du CSEN" (le Conseil scientifique créé par J-M Blanquer et présidé par Stanislas Dehaene, ndlr), mais aussi des "guides" et "vademecum" publiés depuis.
Le ministre s’inquiète aussi des manuels. Il note que "60 % des classes de CM1" n’en ont pas en français et en mathématiques, mais il ajoute qu’il y a "trop d’hétérogénéité dans les manuels proposés (...). La question de la labellisation des manuels est donc posée." Gabriel Attal souligne "les résultats spectaculaires" obtenus à Mayotte (où la méthode NEO de Nathan, inspirée de la méthode LEGO, a été imposée à tous les enseignants, ndlr).
Gabriel Attal s’interroge aussi "sur l’opportunité de constituer des groupes de niveau en français et en mathématiques au collège, pour que l’enseignement de ces matières ne se fasse plus par classe mais en fonction du niveau réel de chaque élève". Il évoque une organisation "plus modulaire". Il se demande aussi s’il faut laisser entrer en sixième ces élèves, un tiers d’entre eux, qui ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux ou s’il ne faudrait pas qu’ils participent à des "stages de réussite pendant les vacances" (qui seraient donc obligatoires pour certains enfants, ndlr).
Pour associer l’ensemble des professeurs à la réflexion, sera lancée "dès la semaine prochaine" une consultation de l’ensemble des 860 000 professeurs sur les priorités et les actions" qui doivent être mises en place pour élever le niveau. "Un questionnaire leur sera adressé, qui leur permettra de s’exprimer librement sur leurs pratiques, ce qui leur manque, ou sur les innovations qu’ils souhaitent voir advenir par exemple."
Les résultats de cette consultation seront communiqués à une commission "coordonnée par les meilleurs experts de l’Education nationale, le directeur général de l’enseignement scolaire, Edouard Geffray, le recteur Gilles Albout, dont le travail à Mayotte sur les fondamentaux fait référence, la doyenne de l’Inspection générale de l’Education nationale, Caroline Pascal et Stanislas Dehaene, du Conseil scientifique de l’Education nationale." Cette commission composée de trois groupes de travail, école, collège, lycée qui réuniront chacun deux professeurs, un recteur, un inspecteur d’académie, un inspecteur général de l’Education nationale". La commission procédera à "un nombre très importants d’auditions", à commencer par celles des organisations syndicales et "donnera ses conclusions sous 8 semaines, soit à la fin du mois de novembre" pour une mise en oeuvre à la rentrée prochaine.
Extrait de touteduc.fr du 05.10.23
L’insoutenable légèreté rhétorique d’Attal
Pour Claude Lelièvre, Gabriel Attal multiplie les annonces, telles que celles du 5 octobre. « Quand faut-il le croire ? Et que croire ? » interroge l’historien de l’éducation pour qui le ministre sait manier avec une certaine virtuosité les propos à effets subliminaux.
Le nouveau ministre de l’Éducation nationale a multiplié depuis son arrivée les ‘’annonces’’. On peut dire sans grand risque de se tromper que leur rythme est sans précédent. Ce n’est pas un détail car, en l’occurrence, la forme compte au moins autant que le fond. Et c’est ce qui doit être aussi apprécié si on veut se mettre à bonne portée pour en juger.
Gabriel Attal n’hésite pas à pratiquer la haute voltige des professions de foi spectaculaires, même si elles peuvent se fracasser si on les rapporte les unes aux autres. [...]