> VIII- ENSEIGN. SUPERIEUR, Etudiants, Parcoursup, Ouverture sociale, Cordées > Enseignem. supérieur (Articles généraux) > [Les faibles effets du statut socioéconomique sur le taux de réussite (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

[Les faibles effets du statut socioéconomique sur le taux de réussite filles-garçons de la première année d’études supérieures] (Education & formations, déc. 2024)

26 décembre 2024

Les filles réussissent-elles mieux que les garçons leur première année d’études supérieures ?
Par Marianne Guille et Ali Skalli
Education & formations, 2024/2, N° 107
Pages 35 à 67

En France, le taux de réussite dans l’enseignement supérieur est depuis longtemps une préoccupation majeure. En effet, même si la non-réussite à un diplôme ne s’identifie pas nécessairement à un échec, par exemple lorsqu’elle se traduit par un redoublement ou une réorientation qui seront fructueux ou s’explique par l’obtention d’un emploi stable (Millet, 2012 ; Rossignol-Brunet, 2022), elle l’est dans de nombreux autres cas et engendre des coûts significatifs au niveau individuel et collectif. Or, elle demeure importante, notamment à l’université dans le premier cycle, malgré les diverses mesures prises pour y remédier depuis le Plan Réussite en Licence de 2007 (Duguet et al., 2016 ; Zaffran & Aigle, 2020), particulièrement en première année. Ainsi, plus de la moitié des néo-bacheliers inscrits en première année de licence ou de formation de santé à la rentrée suivante ne réussissent pas à passer en deuxième année à la rentrée suivante, précisément 56 % des bacheliers 2021 à la rentrée 2022, 26 % faisant le choix de redoubler, 13 % de se réorienter dans une autre formation que la licence et 17 % de ne pas se réinscrire dans l’enseignement supérieur (Klipfel, 2023).

[...] Le groupe S de variables sociodémographiques inclut également des indicatrices de la catégorie socioprofessionnelle du parent référent du bachelier (parent 1). L’influence notable du statut socioéconomique a été mise en évidence depuis Coleman (1968) pour les États-Unis ou Bourdieu (1986) pour la France. Si des travaux plus récents ont relativisé cet effet sans le remettre en cause (Allen et al., 2008 ; Sacket et al., 2009 ; Richardson et al., 2012 ; Westrick et al., 2015 ; Schneider & Preckel, 2017), ils ne portent toutefois pas sur la France où l’origine sociale ne semble pouvoir être négligée [8]. Ainsi, Bluntz et Boulet (2022) montrent que l’origine sociale influence la réussite des bacheliers 2016 à leur première année de licence. Même si cet effet est modéré, il est durable car 52 % des bacheliers 2016 issus de classes sociales très favorisées inscrits en L1 ont obtenu leur licence en trois ou quatre ans vs seulement 35 % de ceux issus de classes sociales défavorisées (Ménard, 2021) [9].

La relative faiblesse des effets estimés dans ces études interroge à un double titre. D’abord, si le fait d’être boursier est utilisé comme critère, elle signifierait que l’octroi de bourses sur critères sociaux comme outil d’égalisation des chances n’aurait qu’un effet modéré sur la réussite dans le supérieur. Pour la France, Morlaix et Suchaut (2012) par exemple, suggèrent que le fait d’être boursier est associé à près d’un demi-point de réussite en moyenne en moins en première année. Cela peut s’expliquer par le fait que les critères d’éligibilité à une bourse sont liés au statut socioéconomique, qui est négativement corrélé à la performance académique. Pourtant, Fack et Grenet (2015) montrent que le fait d’être éligible à une bourse de 1 500 euros par an en France a un impact positif de 3,7 pp. sur la probabilité de réussir sa première année sans redoubler. Ce résultat est conforme aux prédictions d’autres études suggérant qu’élargir les critères de sélection aux bourses aurait un effet positif sur l’inscription et la rétention des élèves éligibles à l’université (Dynarski, 2001 ; Castleman & Long, 2016). Nous introduisons donc une indicatrice du statut de boursier ou non de l’étudiant pour vérifier cet impact éventuel.

L’effet modéré du statut socioéconomique peut aussi être dû à un effet de sélection lié au fait que l’enseignement supérieur n’est accessible qu’aux bacheliers, ce qui implique que la performance dans le secondaire ou le profil des élèves jouent un rôle aussi important. De fait, plusieurs études montrent que les résultats obtenus au lycée influencent la réussite dans le supérieur (Allen et al., 2008 ; Chen & Sun, 2015 ; Westrick et al., 2015 ; Schneider & Preckel, 2017 ; Galla et al., 2019). De même, des études françaises, comme Prouteau (2009) ou Morlaix et Suchaut (2012), montrent que le choix de la filière au baccalauréat influence la réussite des étudiants, ceux de la série scientifique réussissant le mieux à l’université ; bien au-dessus des bacheliers technologiques ou professionnels. Pour ces raisons, nous incluons dans notre spécification, un ensemble de variables (groupe E ) indicatrices du profil lycéen. Nous distinguons ainsi les néo-bacheliers selon qu’ils détiennent un baccalauréat professionnel, technologique ou général et, parmi ces derniers, selon la série du bac (scientifique, économique et social, littéraire). Bluntz et Boulet (2022) montrent aussi que la réussite en L1 des bacheliers 2016 est d’abord liée au niveau scolaire avant et au moment du bac. Nous incluons donc aussi la mention obtenue au baccalauréat comme indicateur de la performance scolaire antérieure du néo-bachelier (Très bien, Assez bien, Bien, Passable et Rattrapage).

Enfin, comme le suggèrent les travaux sur l’effet de la qualité de l’éducation (Hanushek, 1997 ; Rivkin et al., 2005), les caractéristiques de l’établissement du secondaire fréquenté peuvent influencer la performance dans le supérieur, ce qui est démontré notamment par Wolniak et Engberg (2010) ou Torenbeek et al. (2010). Nous introduisons ces caractéristiques dans le groupe L. Les néo-bacheliers sont aussi caractérisés selon qu’ils proviennent d’un établissement public ou privé sous contrat avec l’État. Puis des indicatrices du quartile de la distribution des IPS des établissements sont incluses en supposant que plus cet indice est élevé, plus il est favorable à la réussite de l’élève [10]. L’inclusion de cette variable permet aussi de tenir compte d’éventuels effets de pairs, ce qui peut s’avérer intéressant car les évaluations de ces effets sont plutôt ambiguës [11]. Ce type d’effet, s’il existe, peut aussi être indirectement pris en compte par l’inclusion d’indicatrices de la performance de l’établissement d’origine, même si nous les introduisons d’abord comme mesures de la qualité de l’éducation antérieurement reçue, sous la forme d’indicatrices des quartiles de la distribution des taux de mention au baccalauréat [12]. [...]

Extrait de cairn.info de décembre 2024

 

 

Le sommaire du n° 107 d’Education & formations

Apprentissages hétérogènes : comment les élèves progressent au collège ?
Une étude psychométrique de l’évolution des compétences des élèves

Par Marie-Camille Delarue, Laure Heidmann et Gaël Raffy
Pages 35 à 67

Les filles réussissent-elles mieux que les garçons leur première année d’études supérieures ?
Par Marianne Guille et Ali Skalli

Pages 69 à 90

L’insertion professionnelle des jeunes
Influence du parcours scolaire et des compétences générales

Par Fabrice Murat
Pages 91 à 119

Les parcours de reconversion professionnelle vers les métiers enseignants
Par Pascaline Feuillet
Pages 121 à 124

Extrait de shs.cairn.info de décembre 2024

Répondre à cet article