Des mesures pour l’éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis : dédoublements des CP et CE1 et création de groupes d’appui éducatif localisé (GAEL) dans les 57 réseaux (Dossier de presse et commentaires)

2 novembre 2019

Dossier de presse
L’État plus fort en Seine-Saint-Denis
A la suite du rapport du comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de l’Assemblée nationale évaluant l’action de l’État en Seine-Saint-Denis remis en mai 2018 par les députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, le Premier ministre a chargé le préfet de Seine-Saint-Denis de constituer cinq groupes de travail composés d’acteurs locaux et d’élus, pour co-construire des propositions autour des principaux enjeux identifiés par le CEC : santé, justice, sécurité, éducation et attractivité des postes pour les agents publics. Ce travail collectif a abouti à des propositions qui ont nourri le plan d’actions pour la Seine-Saint-Denis.

L’Etat plus fort en Seine-Saint-Denis. Dossier de presse du 31.10.19

 

Seine-Saint-Denis : une enveloppe spécifique pour agrandir les locaux des écoles, des pré-recrutements d’étudiants sur des postes d’enseignants, une prime de fidélisation qui pourra bénéficier aux enseignants...

Ce sont 23 mesures en faveur du département de Seine-Saint-Denis qui ont été annoncées, ce jeudi 31 octobre 2019 sur ce territoire, par le Premier Ministre, accompagné notamment par six ministres, dont Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse ou encore Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé. Ces mesures visent à accompagner une transformation du département dans les dix ans qui viennent, dans cinq champs principaux : la fonction publique, la sécurité, la justice, l’éducation et la santé.
Parmi elles, et concernant l’éducation, directement et indirectement, figurent la création d’une prime de fidélisation pour inciter des fonctionnaires à venir et rester en Seine-Saint-Denis, une enveloppe spécifique pour aider les collectivités à financer l’immobilier scolaire, notamment dans le cadre des dédoublements de CP et CE1 en éducation prioritaire, et le pré-recrutements d’étudiants se préparant aux métiers de l’enseignement pour qu’ils investissent des postes, durant leurs études, et s’engagent à exercer au moins trois ans après la fin de leurs études.

Ces mesures spécifiques, pour un département où "tout est hors-normes", entendent répondre "à certaines difficultés ; pas à toutes", a précisé le Premier ministre. Des difficultés importantes puisque, à côté d’une très forte croissance démographique, le département affiche un taux de pauvreté qui est le double de la moyenne nationale (28,6 %), avec, dans certaines communes, des poches de pauvreté qui concernent 50 % de la population. En Seine-Saint-Denis, près de 40 % de la population vit dans les 63 quartiers prioritaires de politique de la ville que compte le département (la proportion est d’environ 15 % dans les Bouches du Rhône et dans le Nord). 60 % des écoles du département font partie de l’enseignement prioritaire (le triple de ce que l’on constate dans les Hauts-de-Seine et le double du Pas-de-Calais), 8 % des élèves de 6e ont un retard scolaire de 2 ans ou plus. Ce à quoi, s’ajoutent "de tristes records dans le domaine de la santé, qu’il s’agisse des cas de saturnisme ou de mortalité infantiles", indique encore le Premier ministre. Mortalité infantile qui s’élève à 4,43 ‰ contre 3,12 ‰ dans les Hauts-de-Seine et 3,3 ‰ dans le Pas-de-Calais.

Une prime pour inciter les fonctionnaires à venir et rester

La situation est "pauvre" aussi du côté du service public, ce qui a motivé une mesure d’ailleurs dite "inédite" par Edouard Philippe, mesure qui avait été proposée par le préfet dans son rapport : la création - et sa mise en oeuvre au cours du premier semestre 2020 - d’une prime de fidélisation pour les agents qui travaillent dans les services publics de l’État de Seine-Saint-Denis. Car le département a "beaucoup de mal à attirer des fonctionnaires et surtout à les retenir". Et soit les postes "ne trouvent pas preneurs", soit "y sont affectés les fonctionnaires qui sortent de l’école", rendant le service public "souvent démuni, parce moins expérimenté". Ainsi, deux-tiers des enseignants sont des nouveaux professeurs.

Cette prime, qui sera mise en place pour une durée de 10 ans, bénéficiera en particulier aux agents "qui sont en première ligne de l’action de l’État, ou qui sont dans des services connaissant des difficultés manifestes en matière de ressources humaines", les enseignants étant à ce titre concernés. D’un montant de 10 000 euros, elle sera versée en une seule fois, à l’issue de 5 années de service effectif accompli. Les agents travaillant en Seine-Saint-Denis seront également prioritaires pour bénéficier de la bourse au logement des agents de l’État.

Financer les études de futurs enseignants contre engagement à rester 3 ans après la titularisation

En matière d’éducation, ce plan d’actions prévoit aussi de faire profiter au département d’une mesure introduite par la loi pour une École de la confiance et qui a été parmi les plus décriées : le nouveau dispositif de préprofessionnalisation des assistants d’éducation. Il s’agira de pré-recruter des jeunes étudiants de Seine-Saint-Denis qui veulent devenir enseignants, à qui seront financées les études à partir de la deuxième année de licence grâce à des bourses et à un contrat de trois ans jusqu’au concours, en échange de quoi ces étudiants devront s’engager à exercer leur métier dans leur département durant 3 ans. Le Premier ministre indique que d’ici trois ans, cette mesure pourrait concerner 500 postes d’enseignants de Seine-Saint-Denis contre 200 aujourd’hui.

Le département va également bénéficier d’une aide particulière pour accompagner le dédoublement des CP et CE1 en éducation prioritaire : une enveloppe de 20 millions d’euros supplémentaires sur 10 ans (soit 2 millions d’euros par an), pour "dédoubler les locaux". Dans son discours, Edouard Philippe a indiqué que 27 000 élèves du département étaient concernés par la politique de dédoublement des classes de CP et de CE1 à la rentrée 2019.

Enfin, en matière d’éducation, le plan d’actions prévoit aussi la création des groupes d’appui éducatif localisé (GAEL), au niveau des 57 réseaux d’éducation prioritaire du département "pour renforcer l’encadrement à l’intérieur et à l’extérieur des établissements".

Inciter les médecins à venir en finançant leur installation jusqu’à 100 % de leur investissement

En matière de santé, les mesures, portées par des "investissements très lourds", concernent principalement des restructurations, modernisations et rénovations d’établissements de santé, mais aussi une aide à l’installation des médecins dans le département en prenant en charge jusqu’à 100 % de leur investissement (alors que le nombre de professionnels de santé par habitant est inférieur ici de 30 % à la moyenne nationale). Mesures auxquelles s’ajoutent notamment une enveloppe de 10 millions d’euros pour financer des dépenses supplémentaires liées à la prise en charge d’un public fragile, et l’ouverture de 5 postes supplémentaires d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale afin de "lutter contre l’habitat indigne dans le département".

Ces mesures font suite à deux rapports : un premier, réalisé par le comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, remis en mai 2018 par les députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, qui évaluait les dispositifs mis en place dans le passé, et un second, remis le 5 juillet dernier par le préfet de Seine-Saint-Denis, qui avait été missionné pour installer 5 groupes de travail et faire des propositions avec les acteurs locaux "autour des enjeux que le comité avait identifiés".

Camille Pons

Extrait de touteduc.fr du 31.10.191

 

Plan Seine Saint-Denis entre bricolage et questions de fond <
Le premier ministre a présenté le 31 octobre "un plan de 23 mesures d’action concrètes pour répondre aux difficultés persistantes que connaît la Seine-Saint-Denis". Parmi ces mesures une prime de 10 000 euros pour les fonctionnaires restant dans le département et une vingtaine de millions pour les écoles. Les syndicats jugent ces mesures insuffisantes.

Une prime de 10 000 euros

Comment améliorer l’éducation en Seine Saint Denis ? Sans doute en stabilisant les équipes enseignantes. Une politique existe déjà en ce sens avec les primes de Rep+ qui sont censées fidéliser les équipes. Le 31 octobre le premier ministre a annoncé le versement d’une prime de 10 000 euros aux fonctionnaires (pas seulement enseignants) restant en poste 5 années en Seine Saint Denis. La prime sera versée en une fois après 5 années de service effectif et bénéficiera aux agents "en première ligne de l’action de l’Etat ou qui sont dans des services connaissant des difficultés en matière de ressources humaines". Sans aucun doute l’enseignement répond à ces critères. La mesure de fidélisation est intéressante car la stabilité des équipes est un objectif pour ce département où la moitié des enseignants ne reste pas deux ans. On estime que seulement 40% des 24 000 enseignants du département pourraient y prétendre. Ce qui représenterait quand même 100 millions à trouver dans le budget si elle est versée en une fois...

Si la mesure semble bonne elle reste encore floue : rien n’est prévu au budget 2020. On ne sait pas quelles conditions et quel calendrier seront tenus. Elle est diversement accueillie par les syndicats. Dans L’Express, F Rolet (Snes) estime qu’il faut surtout améliorer les conditions de travail et pour cela embaucher des personnels de vie scolaire, des psychologues, des assistantes sociales". Pour S Crochet (Se Unsa), "il faudrait pouvoir garantir aux enseignants une mobilité professionnelle par la suite". Pour le Snuipp 93, "il faut que le travail change" ce qui passe par des maitres +, des Rased, de la formation, moins d’élèves par classe. Le syndicat souligne que les dédoublements se sont traduits par une aggravation des conditions de travail dans les classes non dédoublées. Certains dans le département craignent que la prime soit payée grâce à la suppression des Rep, et de la prime afférente, dans le cadre de la réforme de l’éducation prioritaire.

Teach for France

Les autres mesures éducatives du plan sont nettement moins intéressantes. L’aide de 2 millions par an pour les communes du département pour les construction d’écoles est insuffisante. Rien n’est fait pour les établissements de l’éducation prioritaire si ce n’est l’extension du dispositif "Le choix de l’école" à tout le département. Ce dispositif appelé jusque là "Teach for France" envoie des étudiants enseigner dans les établissements. Teach fir France, déclinaison française d’un programme américain, est porté par L Bigorgne et l’Institut MOntaigne, très proches d’E Macron et JM Blanquer. Réserver des enseignants non formés aux enfants qui ont le plus besoin de l’école semble au gouvernement une riche idée...

F Jarraud

Extrait de café pédagogique. net du 03.11.19

 

Plan Seine-Saint-Denis - Education : la grande déception...

[...] La « grosse déception » porte sur l’éducation, le « parent pauvre » du plan aux yeux du député Peu. « Ce qu’ils proposent ressemble au bricolage d’avant, très bureaucratique, regrette François Cornut-Gentille. Nous attendions une révolution culturelle et on ne la voit pas. » L’incapacité des dispositifs prioritaires à enrayer les difficultés de l’école en Seine-Saint-Denis était pourtant le premier constat de son rapport.

Le plan promet d’élargir les contrats de préprofessionnalisation et d’en faire bénéficier « 500 étudiants par an » en Seine-Saint-Denis « à horizon de trois ans », contre 200 actuellement. Il s’agit de financer les études d’étudiants boursiers, en échange de quoi ils s’engagent de leur côté à exercer leur métier en Seine-Saint-Denis pendant trois ans. L’une des mesures prévoit également la création de « groupes d’appui éducatif localisés » sans autre précision.

Benjamin Moignard, spécialiste du climat scolaire et chercheur à l’université Paris-Est à Créteil, n’y voit « rien de neuf », tout au plus un « recyclage d’idées préexistantes, qui n’affronte pas la difficulté de l’école en tant que telle ».

Quant à l’enveloppe de 20 millions d’euros sur dix ans, soit 2 millions d’euros par an, réservée au « soutien à l’investissement public local » – principalement destinée à aider les communes à agrandir leurs écoles pour les classes dédoublées –, elle fait grincer des dents. « Deux millions d’euros pour toutes les écoles de Seine-Saint-Denis ? C’est ridicule. Une seule cloison peut coûter jusqu’à 30 000 euros… », s’agace un élu, qui préfère garder l’anonymat.

Extrait de demain-lecole.over-blog.com du 31.10.19

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