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Marie Duru-Bellat, « celle qui traque les inégalités scolaires »

20 mai 2006

Extrait du «  Monde », du 20.05.06 : Marie Duru-Bellat : la traque des inégalités scolaires

Sociologue de l’éducation, Marie Duru-Bellat ne craint pas d’aller à rebrousse-poil des idées reçues. Dans son dernier livre (L’Inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie, Seuil, La République des idées, 106 p., 10,50 €), elle analyse, avec précision, la course aux diplômes et ses limites, le déclassement professionnel des jeunes diplômés. Elle ne craint pas non plus de s’aventurer sur le terrain des économistes pour battre en brèche le principe selon lequel, à un certain degré de développement, l’élévation du niveau de qualification serait toujours source de progrès économique et de justice sociale.

A 55 ans, cette petite femme, directe et vive, bouillonne d’une énergie peu commune qu’elle a mise tout au long de sa carrière au service de la traque des inégalités scolaires, de la maternelle à l’Université. Marcheuse, elle n’hésite pas, quand ses loisirs le lui permettent, à se faire "un petit 6 000 mètres" : comme le volcan Cotopaxi (Equateur) ou le Kilimandjaro.

Son parcours est atypique. Avant d’entamer une carrière universitaire, elle a été conseillère d’orientation pendant dix ans, "un point d’observation privilégié pour voir comment se fabriquent les inégalités à l’école". Ce n’est qu’après avoir soutenu une thèse, en 1978, sur l’orientation des bacheliers qu’elle a intégré l’Institut de recherche en éducation (Iredu-CNRS), à Dijon, et est devenue professeur en science de l’éducation à l’université de Bourgogne.

C’est une des premières à avoir débusqué les inégalités entre les sexes en milieu scolaire avec la publication, en 1990, d’un livre intitulé L’Ecole des filles (éd. L’Harmattan). C’est une des premières encore à avoir introduit la méthode quantitative en sciences de l’éducation, une approche macrosociologique et analytique qui s’oppose aux approches purement qualitatives. Mais elle l’a fait sans perdre de vue le terrain. "Je passe, dans le milieu, pour être une quantitative mais ce n’est qu’à moitié vrai", explique-t-elle, en reprochant justement à des jeunes économistes comme Thomas Piketty ou Eric Maurin d’oublier dans leurs travaux basés sur les statistiques l’aspect qualitatif.

Après s’être intéressée au fonctionnement de l’école en mesurant par exemple "l’effet maître" ou "l’effet établissement" sur la réussite des élèves, elle a évolué vers des études comparatives des politiques éducatives.
"Fana" de Bourdieu, "admiratrice" d’Antoine Prost, amie de François Dubet avec qui elle a publié, en 2000, L’Hypocrisie scolaire (Seuil), cette intellectuelle engagée considère, à l’instar de tout un courant de sa génération, la sociologie "comme une autre façon de faire de la politique". "La sociologie ne vaudrait pas une heure de peine si elle n’était utile à la société", déclare-t-elle, paraphrasant Emile Durkheim.

Reconnue pour la qualité de ses travaux, elle a rédigé un rapport sur "Le collège de l’an 2000" avec François Dubet et Alain Bergounioux, pour Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire. Cette collaboration n’a pas empêché le recteur de Limoges, Patrick Hetzel, de la solliciter pour faire partie de la commission emploi universités, installée par le premier ministre, Dominique de Villepin, à la suite du mouvement contre le contrat première embauche (CPE).

De sensibilité socialiste mais pas encartée, elle a accepté d’apporter son expertise. "Je n’aime pas le politiquement correct et je connais un peu la question de l’orientation des étudiants."

Martine Laronche

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