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Une enquête de « Politis » sur le PRE de la ZEP d’Athis-Mons (91)

5 septembre 2006

Extrait de « Politis » du 31.08.06 : Échec scolaire : au ban de l’école

Plutôt que de renforcer les effectifs d’enseignants pour permettre à l’école de mieux prendre en compte les élèves en difficulté, les « projets de réussite éducative » lancés par le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, confient cette mission à la Ville. Une contradiction avec l’objectif égalitaire affiché par le gouvernement.

Comment tu dis, en anglais, "Fais-tu le ramadan ?" », demande Marie à Mohamed. Marie, intervenante de l’association Une chance pour réussir, fait travailler son cours d’anglais à cet élève de sixième. À ses côtés, Nour révise sa leçon d’histoire sur la bible hébraïque, pendant que sa voisine peine à déchiffrer la fable de La Fontaine le Corbeau et le renard. Dans une autre salle, Dounies sanglote. Elle n’arrive pas à écrire en suivant les lignes de son cahier. « C’est pas grave. Tu dois être fatiguée. On va aller jouer maintenant », la réconforte une autre intervenante. Deux fois par semaine, 220 enfants de la commune d’Athis-Mons (Essonne) se rendent ainsi après l’école, par groupe de trois à cinq, dans l’un des sept lieux dont dispose l’association. Ils y retrouvent les étudiants qui, pendant une heure, les aident dans leurs devoirs et les accompagnent dans les temps de jeu.
Créée en 1989, l’association Une chance pour réussir a intégré depuis quelques mois le projet de réussite éducative (PRE) de la ville d’Athis-Mons. Un plan mis sur pied par le ministre de l’Emploi, Jean-Louis Borloo, dans le cadre de sa loi de cohésion sociale, et dont le budget global devrait s’élever à 1,4 million d’euros sur cinq ans et financer quelque 750 projets. Sur le papier, le dispositif est défini de façon assez vague comme « un soutien individualisé aux jeunes en fragilité, en prenant en compte la globalité de leurs difficultés scolaires, sanitaires et sociales ». Sur le terrain, il devrait réunir acteurs associatifs, élus, éducateurs, directeurs d’école, centres de loisirs et centres sociaux, assistantes sociales, etc.

Aujourd’hui, à Athis-Mons comme dans les 184 communes déjà sélectionnées, le projet de réussite éducative en est au stade du démarrage. Il y a quelques mois, la mairie PS de la ville a recruté Loubna Benhorma, la directrice chargée de le mener à bien, avec 500 000 euros de financement. « On a les moyens de mettre en place des choses innovantes, avec souplesse. Avec le PRE, on part d’un diagnostic et de besoins, et on met en place des actions. On s’adapte au public, et pas l’inverse. »

À Athis-Mons, plusieurs projets sont en voie d’élaboration. L’accompagnement scolaire en tête. Loubna Benhorma est ainsi en train de mettre sur pied trois « cellules de repérage ». Chacune sera gérée par un référent. Lien entre l’institution et la famille de l’élève, il sera chargé de mettre en application un parcours individuel élaboré par les partenaires. « Cela peut prendre la forme d’un accompagnement à la scolarité, de séances d’orthophonie, de rendez-vous avec l’assistante sociale ou avec un animateur du service jeunesse. On est dans la collaboration », complète Loubna Benhorma.
Du côté des associations, on joue la prudence. Si les PRE permettent une communication mieux huilée entre les différents acteurs sur le terrain, ils ne viennent que consolider un réseau que les associations oeuvrent à tisser depuis des années, et des actions dont elles ne veulent pas être dépossédées. « Nous avons toujours travaillé avec les animateurs, les assistantes sociales, les enseignants... Que va apporter le PRE ? Difficile à dire. Après avoir vu s’enchaîner les dispositifs, contrats éducatifs locaux, contrats locaux d’accompagnement à la scolarité, veille éducative, on peut aussi s’interroger sur la pérennité de ce nouveau plan », souligne la trésorière et fondatrice de l’association Une chance pour réussir, Liliane Wangermée, qui ne sait pas encore à combien va s’élever l’enveloppe que l’association recevra pour mettre en place son PRE.

Les enseignants et les acteurs associatifs n’ont pas attendu le plan Borloo pour travailler ensemble : les passerelles existent déjà. Dans la plupart des cas, ce sont les premiers qui dirigent les enfants en difficulté vers les seconds, conscients que les associations leur apportent un soutien indispensable. Ici, la différenciation des rôles est acquise. « Les enseignants peuvent être un peu méfiants au départ. Mais nous leur rappelons que nous sommes là pour valoriser leur travail. On gère le temps extrascolaire, c’est-à-dire ce qui se situe dans l’affectif par rapport à l’écrit, et pas dans l’apprentissage », affirme Maryse Tosi, chargée de la documentation et de l’information à l’Association pour favoriser une école efficace (Apfée). C’est à elle que l’on doit la création des clubs Coup de pouce CLÉ, qui accompagnent, avec un réseau d’intervenants salariés, les enfants de CP. Dans plusieurs communes, l’Apfée est elle aussi devenue partenaire du projet de réussite éducative.
Reste que derrière ce dispositif délégué à la Ville et aux préfectures, et à qui le gouvernement a attribué la prise en charge des jeunes en difficulté, se pose la question du rôle qu’est censée jouer l’Éducation nationale.

De nombreux enseignants voient dans le PRE une externalisation des missions de l’école et un signe de renoncement croissant face à l’échec scolaire. Ce n’est pas l’énergie des équipes enseignantes qui est à remettre en cause, mais plutôt la voie choisie par l’institution. « On renvoie les solutions à l’extérieur de l’école, là où il y a de l’argent. C’est la porte ouverte aux privatisations de l’enseignement », considère Sylvie Nony, membre de l’observatoire FSU des programmes et des pratiques pédagogiques. Sur le modèle des vases communicants, l’Éducation nationale voit ainsi ses effectifs se réduire, alors que le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement récupère des budgets.
Pourtant, au sortir de la crise des banlieues, le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, a repris le credo lancé par son Premier ministre en engageant plusieurs réformes agencées « autour d’une même colonne vertébrale : la réussite scolaire, l’égalité des chances » (1). Il a ainsi annoncé sa mesure phare : la création des établissements labellisés Ambition réussite.

À la rentrée, 200 à 250 établissements d’éducation prioritaire vont ainsi se voir attribuer 3 000 assistants pédagogiques et 1 000 enseignants expérimentés, aux missions encore floues. Ceci va venir compléter les dispositifs déjà mis en place dans les établissements classés ZEP ou REP, qui bénéficient de dotations supplémentaires, comme les « allégements d’effectifs, des dédoublements de classes, des groupes de besoin pour les élèves en grandes difficultés ou encore une meilleure concertation de l’équipe pédagogique », liste Bruno Mer, professeur de français dans un collège ZEP de Mantes-la-Jolie et membre du secteur collège du Snes.

Pour l’instant, son collège fait partie de la liste des futurs établissements Ambition réussite. Mais, en donnant plus de moyens à certains, le ministre prévoit également de faire sortir du circuit prioritaire plusieurs centaines d’autres d’ici à trois ans, selon des critères qui ne font pas consensus. « Si nous sommes maintenus sur la liste des collèges Ambition réussite, ce que l’on fait aujourd’hui pourra continuer. En revanche, une quantité d’établissements où se concentrent difficultés scolaires et sociales vont être laissés à l’abandon, sans moyens », poursuit Bruno Mer.

Autre mesure évoquée par Gilles de Robien : les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), qui ne sont que les descendants directs des contrats individuels de réussite éducative (Cire), comme les avait baptisés François Fillon. Expérimentés cette année, les PPRE, définis comme une « modalité de prévention de la grande difficulté scolaire » s’appliqueront aux élèves de CP, de CE2 et de sixième. Dans le texte, les PPRE devraient aussi pouvoir s’articuler avec les actions mises en place au niveau de la Ville dans le cadre du plan de réussite éducative. Pour le moment, il est plutôt difficile de garantir leur efficacité, tant le contenu paraît léger. Le guide pratique édité par la Direction de l’enseignement scolaire se réduit à quatre pages. Elles expliquent que le dispositif prévoit qu’« à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement propose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre en place un programme personnalisé de réussite éducative ».
Lire la suite et l’ensemble de notre dossier dans Politis n° 915

(1) Libération du 18 janvier 2006.

Anne-Claire Gras

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