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Pap Ndiyae élargit le périmètre du Conseil des sages et de la laïcité à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Le Café)

17 avril 2023

Alain Policar : une nomination qui « fait des remous
 »

« Pour mieux prévenir les atteintes à la laïcité, je souhaite également que le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République oriente ses travaux sur la question de la transmission des valeurs de la République et de leur partage dans le quotidien des écoles et des établissements » a annoncé le Ministre Pap Ndiaye lorsqu’il a introduit les cinq nouveaux sages de la laïcité et des valeurs de la République. « Le ministre a insisté sur la dénomination complète de ce Conseil » explique Alain Policar, sociologue et politologue, nouvellement nommé. Une nomination qui a fait des remous au sein du Conseil actuel. Son dernier livre qui attaque les anti antiracistes n’a sans doute pas aidé. « La laïcité n’est pas une loi qui combat la religion, c’est une loi pour la liberté de conscience. Faire de la laïcité une religion civile qui aurait pour but de combattre les croyances religieuses, en particulier l’islam, met en péril la communauté des citoyens et, dès lors, constitue un réel danger ». Alain Policar répond aux questions du Café pédagogique.

Que signifie pour vous votre nomination ?

Le ministre veut que le Conseil devienne un espace de débat, qu’il soit plus divers qu’il ne le fut. Il est donc normal qu’il fasse appel à des citoyens et citoyennes ayant une conception de la laïcité quelque peu différente de celle qui a prévalu jusqu’à présent. Si nous sommes tous attachés à la défense de principes fondamentaux, dont évidemment la liberté de conscience, je pense qu’il existe plus que des nuances dans l’appréciation de la question coloniale. C’est le nœud du problème. Mais rien n’indique que, parmi les nouvelles nominations, sur ce point comme sur bien d’autres, nous ayons la même approche.

On a, à tort, peu souligné que, parmi les nouveaux entrants, deux sont des juristes, et des juristes reconnus pour leurs compétences, l’une, Gwénaële Calvès, en matière de laïcité, l’autre, Thomas Hochmann, sur la question du négationnisme. Cet aspect importe beaucoup plus que ma nomination.

Je sais que celle-ci fait des remous. J’ai un peu de mal à les comprendre. Mais ils illustrent le rejet, par les médias de droite, de toute volonté de complexification. Car, je le dis avec force, je ne ressemble aucunement au portrait, que je lis ici ou là, faisant de moi un défenseur du multiculturalisme normatif et, cerise sur le gâteau, un anti-universaliste. Je passe sur les accusations de « wokisme » qui ne sont que l’expression de la panique morale qui transforme les chercheurs attentifs aux discriminations fondées sur les identités raciales en complices de l’extrémisme religieux, voire du terrorisme islamiste. Dès que notre position diverge de la position mainstream, on est accusé de haïr les valeurs occidentales, de se vouer à la destruction de notre « civilisation ».

Il suffit donc d’avoir un point de vue tant soit peu marginal sur l’appréciation de la politique menée pour être étiqueté. Et toute volonté de rejeter l’étiquette ne fait que renforcer le soupçon. C’est à peu près le même mécanisme que la rumeur : plus vous vous en défendez, plus, dans l’esprit du public, vous la corroborez. On a pu récemment l’observer lors du procès en islamo-gauchisme instruit par les ministres Blanquer et Vidal. Tout cela participe à l’appauvrissement du débat intellectuel, ce qui est très préoccupant. Ce type de raccourci crée les clivages et fige les positions. Je ne nie pas que nous ayons des divergences, Dominique Schnapper et moi, mais elle sait que cela ne diminue en rien mon admiration pour son œuvre.

En quoi vos positions divergent tant de celles du Conseil actuel ?

Certains des membres actuels du Conseil de la laïcité et des valeurs de la République pratiquent, à mon sens, ce que Michael Walzer avait nommé l’universalisme de surplomb. On impose aux autres nos façons de faire, et on considère notre modèle comme devant s’imposer, quoi que puissent en penser les populations auxquelles nous sommes supposés apporter la lumière. On passe ainsi par pertes et profits ce à quoi cet universalisme-là, celui que Césaire nommait décharné, a conduit, à savoir le crime colonial au nom de notre « mission civilisatrice ».

De
l’universalisme latéral, selon l’expression de Merleau-Ponty, expression qui peut être traduite, ce que fit Césaire, par universalisme pluriel. Aujourd’hui, on en trouve une version attrayante chez Souleymane Bachir Diagne, qui est, notamment, un philosophe du postcolonialisme, à l’instar, entre autres, de Fanon, Glissant ou Memmi.

En quoi vos positions divergent tant de celles du Conseil actuel ?

Certains des membres actuels du Conseil de la laïcité et des valeurs de la République pratiquent, à mon sens, ce que Michael Walzer avait nommé l’universalisme de surplomb. On impose aux autres nos façons de faire, et on considère notre modèle comme devant s’imposer, quoi que puissent en penser les populations auxquelles nous sommes supposés apporter la lumière. On passe ainsi par pertes et profits ce à quoi cet universalisme-là, celui que Césaire nommait décharné, a conduit, à savoir le crime colonial au nom de notre « mission civilisatrice ».

A cet « universalisme », j’oppose l’universalisme latéral, selon l’expression de Merleau-Ponty, expression qui peut être traduite, ce que fit Césaire, par universalisme pluriel. Aujourd’hui, on en trouve une version attrayante chez Souleymane Bachir Diagne, qui est, notamment, un philosophe du postcolonialisme, à l’instar, entre autres, de Fanon, Glissant ou Memmi.

Vous pensez donc pourvoir apporter votre contribution malgré les divergences ?

Oui car, je tiens à le souligner, l’atmosphère du 14 avril était plutôt apaisée. Ce premier moment laisse supposer que nous réussirons à travailler ensemble, dans un esprit de concorde.

J’espère montrer, tout d’abord, que les positions que je défends ne sont pas anti-laïques, qu’elles sont parfaitement conformes, à la philosophie de la laïcité, telle qu’elle résulte de la loi de 1905. Une laïcité libérale, une laïcité de pacification fondée sur le principe de séparation des églises et de l’État et promouvant la liberté de conscience. En d’autres termes, un principe juridique et non une valeur identitaire. Tout indique que cette orientation est défendue par d’autres que moi au sein du Conseil.

Je ne sais pas comment les choses se passeront, mais je crois fondamentalement aux vertus de l’argumentation. Et aussi au fait que les dissensions prennent une autre coloration lorsque l’on passe de la confrontation des textes à la rencontre du visage d’Autrui. Il me semble que cette référence lévinasienne est de nature à nous rassembler.

Et, il faut y insister, Pap Ndiaye souhaite que le champ du Conseil ne se limite plus aux questions touchant au respect de la laïcité. Il tient à ce que l’on s’intéresse aux discriminations, au racisme – y compris à l’islamophobie, car, même si ce terme est rejeté par certains, il est désormais, qu’on s’en réjouisse ou non, entré dans le vocabulaire des sciences sociales – à l’antisémitisme, aux principes de la République.

L’existence même d’un tel Conseil est-elle justifiée selon vous ?

On pourrait, et sans doute certains ne manquent pas de le faire, se gausser de ce terme de sage et de la prétention qui lui est attachée, à l’expertise sur un sujet brûlant. Il est clair pour moi que nous n’exerçons pas un quelconque magistère moral.

Cela étant, il me semble nécessaire qu’il existe des structures, des instances pour accompagner les équipes confrontées sur le terrain à de réelles difficultés – même si l’âge moyen des conseilleurs fait que la plupart d’entre eux, j’en fais partie, ne les ont pas connues. Il est important de faire l’inventaire de ces difficultés, mais aussi de réaffirmer l’idée, et de tout faire pour l’encourager, de l’importance du savoir, de son rôle libérateur. Idéal qui doit être guidé par celui d’égalité, au sens où nul ne peut être dispensé, pour une raison, fût-elle religieuse, de l’apprentissage des savoirs communs. Il existe des principes universalisables, le plus important sans doute étant celui d’égalité entre les sexes. Et, dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

On doit néanmoins rester lucide sur l’influence que ce Conseil peut avoir. Certes, il rend des avis. Mais leur sort est lié à la façon dont le pouvoir politique jugera de leur utilité. Peut-être le fait que le Conseil voie son action strictement définie par le ministre donnera-t-il une plus grande chance à ces avis d’être suivis ?

Mais votre question dépasse très largement ce cas particulier : quel rôle nos écrits, lorsqu’il ne s’agit pas de sciences expérimentales, peuvent avoir sur les comportements. Comme l’écrivait Pascal, nous sommes, en tant qu’humains, « perdus dans un canton de l’univers ».

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

Extrait de café pédagogique.net du 17.94.23

 

Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la république : Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nomme 5 nouveaux membres et élargit le périmètre de l’instance

Le conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République (CSLVR) a été créé en 2018 et officialisé en 2021 pour exercer auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse une mission de conseil, d’expertise et d’étude relative à la mise en œuvre du principe de laïcité et à la promotion des valeurs de la République dans les politiques publiques de l’éducation, de la jeunesse et des sports. Il est présidé par la sociologue Dominique Schnapper.

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Fort de son expertise, le conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République accompagne l’éducation nationale sur des enjeux essentiels. Son travail a notamment contribué à la production d’outils donnant aux acteurs de l’éducation et aux professionnels du secteur de la jeunesse, ainsi qu’aux étudiants qui préparent les concours de recrutement, des instruments indispensables à la promotion des principes républicains au sein de l’école, en particulier la laïcité.

Deux ans après la création officielle du conseil, Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, nomme cinq nouveaux membres : Gwenaële Calves, Christine Darnault, Jacques Fredj, Thomas Hochmann et Alain Policar. Il élargit le périmètre de leur réflexion à tout ce qui renforce l’adhésion des élèves aux valeurs de la République : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations, l’égalité femme-homme, la promotion du principe de fraternité à l’école.

Cette nomination est officialisée par un arrêté en date du jeudi 13 avril 2023. Les membres sont nommés pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois.

Le conseil est donc désormais composé de :

Dominique Schnapper (Présidente)
Jean Louis Auduc
Ghaleb Bencheikh
Catherine Biaggi
Abdennour Bidar
Médéric Chapitaux
Monique Dagnaud
Delphine Girard
Olivier Galland
Patrick Kessel
Catherine Kintzler
Isabelle de Mecquenem
Frédérique de la Morena
Jean Eric Schoettl
Michèle Narvaez (rapporteure)
Gwenaële Calves
Christine Darnault
Jacques Fredj
Thomas Hochmann
Alain Policar
Comme précédemment, le secrétariat général du conseil est assuré par Alain Seksig et le secrétaire général-adjoint est Iannis Roder.

Éléments biographiques des nouveaux membres :

Gwenaële Calvès
Gwénaële Calvès est professeure de droit public à l’université de Cergy-Pontoise, où elle dirige le diplôme d’université « Laïcité et principes de la République ». Ses recherches portent sur le droit de la non-discrimination, sur la liberté d’expression et sur la laïcité. Elle a notamment publié Envoyer les racistes en prison ? Le procès des insulteurs de Christiane Taubira (LGDJ, 2015), La discrimination positive (PUF, coll Que-sais-je ?, 4e éd., 2016), Territoires disputés de la laïcité. 44 questions (plus ou moins) disputées (PUF, 2018), et La laïcité (La Découverte, coll. Repères, 2022). Elle coanime depuis 2001 le groupe de recherche Politiques antidiscriminatoires (CERI-Sciences Po). Elle est membre de l’Observatoire parisien de la laïcité (depuis 2012) et du collège Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité du Défenseur des droits (depuis 2014). Entre 2015 et 2018, elle a siégé à la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Christine Darnault
Christine Darnault, agrégée de lettres classiques, a été professeure de collège puis de lycée dans la région parisienne où elle a enseigné pendant quinze ans le français, le latin et le grec. Elle a été formatrice, notamment en langues anciennes, puis inspectrice d’académie, inspectrice pédagogique régionale (IA-IPR) de lettres à partir de 2017. Chargée par le recteur de la mission Laïcité valeurs de la République dans l’académie de Créteil de 2019 à 2020, elle y a coordonné la réponse aux atteintes à la laïcité, aux actes à caractère raciste ou antisémite, aux actes ou propos discriminatoires et aux dérives sectaires dans les écoles et les établissements, et a organisé l’offre de formation en matière de citoyenneté et de promotion des valeurs de la République pour les élèves et les personnels. Elle est depuis 2020 directrice de cabinet adjointe du recteur, en charge de la pédagogie et des politiques éducatives. Référente déontologue pour l’académie de Créteil, elle anime, aux côtés de Jean-Louis Auduc son président, les débats du comité académique de déontologie.

Jacques Fredj
Historien de formation, Jacques Fredj prend la direction en 1992 du Centre de documentation juive contemporaine, créé en 1943 et situé à Paris au sein du Mémorial du martyr juif inconnu. En 1996, il devient directeur du Mémorial du martyr juif inconnu et insuffle dès l’année suivante un plan d’agrandissement et de remodelage de ces deux institutions, qui donnera lieu à l’ouverture du Mémorial de la Shoah en 2005.
Il porte aussi le projet de création en 2012 du Mémorial de la Shoah de Drancy. Complémentaire du Mémorial de Paris, ce nouveau lieu d’histoire et de transmission permet de mieux connaître le rôle central du camp de Drancy dans la déportation des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Jacques Fredj a notamment publié Les Juifs de France dans la Shoah (coédition Gallimard / Mémorial de la Shoah) ainsi que Drancy, un camp d’internement aux portes de Paris (Privat).

Thomas Hochmann
Thomas Hochmann est professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre, membre du centre de théorie et analyse du droit, co-titulaire de la chaire France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression. Ses recherches portent sur les libertés fondamentales, en particulier la liberté d’expression, et sur la théorie du droit. Il a notamment publié Le négationnisme face aux limites de la liberté d’expression. Étude de droit comparé (Pedone, 2013), et co-dirigé Les anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. Un bilan (Presses Universitaires de Reims, 2018), L’effet horizontal des droits fondamentaux (Pedone, 2018), L’extension du délit de négationnisme (LGDJ, 2019), Un classique méconnu : Hans Kelsen (Marre et Martin, 2019). Parmi ses articles publiés dans des revues, on peut signaler "Le Christ, le père Noël et la laïcité, en France et aux États-Unis", Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel (2016) ; "L’inéligibilité des auteurs de propos racistes", Légipresse (2021) ; et "Islamophobe ! Antisioniste ! Islamo-gauchiste ! Les mots piégés de l’antiracisme", Pouvoirs (2022).

Alain Policar
Alain Policar est agrégé de sciences sociales et docteur en science politique. Il a enseigné seize ans dans le secondaire, puis, de 1988 à 2014, à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges. Il est, depuis 2008, chercheur associé au Cevipof (Sciences Po). Ses recherches portent principalement sur la théorie politique et la philosophie contemporaine avec comme principales thématiques le racisme et l’antiracisme, la justice sociale, le libéralisme politique, le cosmopolitisme et l’universalisme. Parmi ses récentes publications, Comment peut-on être cosmopolite ? (Le Bord de l’eau, 2018), Le cosmopolitisme sauvera-t-il la démocratie ? (dir.), Classiques Garnier, 2019, Le libéralisme politique expliqué aux jeunes gens, Le Bord de l’eau, 2019 ; Cosmopolitisme ou barbarie, Editions rue d’Ulm, 2020 ; L’inquiétante familiarité de la race. Décolonialisme, intersectionnalité et universalisme, Le Bord de l’eau, 2020 ; Le monde selon Francis Wolff. Ontologie, éthique et anthropologie, Classiques Garnier, 2021 ; L’universalisme en procès, Le Bord de l’eau, 2021 ; Les mots qui fâchent (dir. avec Nonna Mayer et Philippe Corcuff), Editions de l’Aube, 2022 ; Haine de l’antiracisme. Dialogue avec Régis Meyran, Textuel, 2023. Paraîtront à la rentrée prochaine, L’universalisme en débat(s) (dir. avec Stéphane Dufoix), Le Bord de l’eau et La République contre elle-même (dialogue avec Isabelle Barbéris), Mialet-Barrault.

Mise à jour : avril 2023

Extrait de education.gouv.fr d’avril 2023

 

Pap Ndiaye élargit les missions du conseil des sages de la laïcité à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
L’instance créée par Jean-Michel Blanquer devra s’investir plus fortement contre les discriminations et voit son collège augmenté de cinq membres. Ces nouvelles personnalités « apportent une diversité de points de vue » qui « semble nécessaire à la vie intellectuelle d’une instance comme celle-ci », explique le ministre au « Monde ».

On l’appelle « conseil des sages » ou « conseil des sages de la laïcité », mais son intitulé complet est Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République. Pour imprimer sa marque et se différencier de Jean-Michel Blanquer, son prédécesseur et créateur de cette instance, Pap Ndiaye a décidé de prendre au pied de la lettre cette dénomination officielle et d’insister sur toutes les « valeurs de la République ». Celles-ci recouvrent « des champs plus larges que le principe de laïcité stricto sensu », fait savoir le ministre de l’éducation nationale au Monde. L’organe consultatif, une première fois installé en janvier 2018, doit voir ses missions et sa composition élargies, lors d’une deuxième installation solennelle, vendredi 14 avril.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires
Jean-Michel Blanquer avait instauré ce conseil pour « préciser la position de l’institution scolaire en matière de laïcité », alors qu’il se positionnait lui-même fortement sur ces questions dans le champ politique. Il l’avait fait « pour réinstituer la laïcité de manière combative là où elle était malmenée ou ignorée », explicite un des membres du conseil sous couvert d’anonymat. Cinq ans plus tard, les « sages » – intellectuels et personnalités reconnues – ont publié une série de textes de référence, dont le vade-mecum « La laïcité à l’école », et participent en parallèle à des actions de formation auprès des cadres et des personnels de l’éducation nationale.

Extrait de lemonde.fr du 14.04.23

 

Pap Ndiaye contrôle le Conseil des sages de la laïcité

Après la publication d’une circulaire sur la laïcité fin 2022, P Ndiaye recadre le conseil des sages de la laïcité, un organisme créé par JM Blanquer en 2018. Un arrêté, publié au BO, limite la capacité d’expression et d’action du conseil et prépare le renouvellement de ses membres. Pap Ndiaye tourne enfin la page Blanquer sur ce sujet.

Un arrêté publié au BO du 13 avril revoit les pouvoirs du Conseil à la baisse. Le texte limite fortement l’action du conseil qui n’agit dorénavant que « sur saisine du ministre » et rend ses avis « au ministre« . Il participe à la formation des cadres et enseignants que « à la demande des recteurs » et n’intervient dans les établissements « que sur sollicitation des recteurs« . Pour que ce soit bien clair, l’arrêté se répète : « les avis du Conseil ne peuvent être rendus publics que sur décision du ministre« .

Le mandat des membres du conseil est réduit d’un an (de 5 à 4 ans) avec effet immédiat pour le conseil actuel (c’est précisé dans l’arrêté). En clair, les membres voient leur mandat échu. Il n’est plus renouvelable sans limite mais qu’une seule fois. Le poste de secrétaire général adjoint, occupé par I. Roder, devient facultatif, ce qui n’est pas bon signe pour son détenteur…

On s’attendait à ce que Pap Ndiaye revoit le fonctionnement de cet organisme, laissé par son prédécesseur, bien que le ministre prenne un réel risque politique avec cette réforme du conseil. C’est particulièrement le cas au moment où la majorité se cherche à droite et où la droite exploite le thème de la laïcité. On a encore pu constater la différence de position entre la droite sénatoriale et le ministre sur ce point lors du débat sur la loi Brisson le 11 avril.

Mais le Conseil a pris des positions qui étaient loin de faire l’unanimité dans l’Ecole et qui n’apaisaient pas le débat éducatif. La position de Pap Ndiaye, qui consiste à appliquer la loi de 2004 « fermement« , entre en conflit avec celle des ultras qui veulent aller au-delà de la loi. Le ministre avait dû, en novembre 2022, rappeler par des circulaires le contenu de la loi, par exemple sur les tenues des élèves. Il a du démonter la surenchère populiste sur les « atteintes à la laïcité« . Le conseil des sages de la laïcité avait porté les thèses de JP Obin dont les « rapports » sont pourtant peu étayés. En recadrant le conseil des sages de la laïcité, le ministre se situe dans la fidélité à la loi de 2004. Il choisit l’apaisement dans les établissements et l’éducation plutôt que la répression.

Le conseil ne compte plus que 14 membres sur les 20 prévus. Sa nouvelle composition devrait être annoncée vendredi 14 par le ministre.

François Jarraud

Le nouvel arrêté

L’arrêté initial

Nomination du conseil en 2018

Circulaire de P Ndiaye sur la laïcité

Sur le dernier rapport Obin

Sur la conception excluante de la laïcité

F Lorcerie : à propos de la réunion des référents laïcité

Extrait de cafepedagogique.net du 14.04.23

 

Conseil des sages de la laïcité : comment Pap Ndiaye a tordu le bras des "blanquéristes"
L’organe ministériel s’apprête à accueillir cinq nouveaux membres, dont le politologue Alain Policar, qui a souvent critiqué… les positions de ses futurs collègues.

Une bataille feutrée se livrait depuis plusieurs mois dans les coulisses du ministère de l’Education nationale autour des questions de laïcité. Un article du quotidien Le Monde a dévoilé ce 8 avril les noms des cinq nouvelles personnalités qui rejoindront très prochainement le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République : Gwénaële Calvès, professeure de droit public à l’université de Cergy-Pontoise ; Christine Darnault, professeure agrégée de lettres et inspectrice d’académie, directrice de cabinet adjointe du recteur de Créteil ; Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah ; Thomas Hochmann, professeur de droit public à l’université de Paris-Nanterre ; et enfin Alain Policar, sociologue et politiste, chercheur associé au Cevipof. L’instance, créée par l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer en 2018, et dont la mission consiste, entre autres, à "préciser la position de l’institution scolaire en matière de laïcité et d’enseignement laïque des faits religieux", s’apprête donc à passer de 15 à 20 membres. Lors d’un entretien accordé à L’Express le 11 mars dernier, la présidente Dominique Schnapper y voyait là "une bonne nouvelle" et le signe d’un réchauffement des relations avec le cabinet du ministre qui, pendant longtemps, avait [...]

Extrait de lexpress.fr du 13.04.23

 

Voir aussi :

Alain Seksig : "En matière de laïcité, le ’en même temps’ de Macron n’est pas tenable"
Entretien

Après la publication, le 8 mars dernier, d’une enquête sur les atteintes à la laïcité par le premier syndicat des personnels de direction de l’Éducation nationale, Alain Seksig, inspecteur d’académie honoraire et membre du Conseil des sages de la laïcité, demande à la majorité parlementaire d’afficher « cohésion et cohérence ». Rencontre.

Marianne : Selon une enquête du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN)-Unsa, les principaux et les proviseurs ne font pas systématiquement remonter à l’institution les atteintes à la laïcité. Quelque 26 % d’entre eux ont été confrontés à des contestations d’enseignement au nom d’une « vérité religieuse ». Et 37 % ne les ont pas signalées à l’institution*. Ces données vous surprennent-elles ?

Alain Seksig : Je n’ai pas été surpris, car les conclusions vont dans le sens des précédentes études réalisées par l’Ifop ces dernières années pour le Comité national d’action laïque ou la Fondation Jean-Jaurès. Nous sommes confrontés à une réalité que tout le monde doit regarder en face. J’ai été chagriné de voir qu’un pourcentage important de chefs d’établissement ne signale pas les atteintes à la laïcité dont ils sont les témoins. Certains craignent qu’un tel signalement ne vienne ternir l’estime que l’institution porte à leur établissement et à la qualité de leur travail.

Extrait de marianne.net du 18.03.23

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