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B* Des classes médias en 4ème : le témoignage d’une professeure documentaliste au collège REP+ Vieux Port à Marseille

8 avril 2016

Des classes médias en 4ème : le témoignage d’une professeure documentaliste

Magali Bensa est professeure documentaliste dans un collège classé en REP+.

Elle a mis en place, avec l’appui de ses collègues de français, des classes médias pour le niveau 4ème. Dans cet entretien, Magali Bensa raconte la genèse du projet, sa mise en œuvre, le travail en classe... Elle évoque également les perspectives à venir.

Le mardi 8 mars 2016
Des classes médias en 4e : le témoignage d’une professeure documentaliste

Une interview de Magali Bensa, collège Vieux Port à Marseille, 2015-2016. Education aux médias, EAM, presse, 4e.

Les élèves du collège Vieux Port sur le plateau de l’émission T’as tout compris"

Magali Bensa est professeure documentaliste au collège Vieux Port situé dans le quartier du Panier en plein centre de Marseille. Dans ce collège classé en REP+, elle a mis en place, avec l’appui de ses collègues de français, des classes médias pour le niveau 4e. Le collège Vieux Port comprend 330 élèves et 17 divisions, quatre sixièmes puis trois classes par niveau, une 3e DRA, deux UP2A et un atelier relais.

Dans cet entretien, Magali Bensa raconte la genèse du projet, sa mise en œuvre, le travail en classe... Elle évoque également les perspectives à venir.

Comment est née l’idée de ces classes médias ?

Dans notre établissement, nous investissions a minima l’Education aux médias, cela se réduisait à une inscription à la Semaine de la presse et des médias à l’école avec l’installation du kiosque et à quelques séances dans le cadre des programmes (en éducation civique, par exemple). Le 7 janvier 2015 a été un électrochoc, en particulier pour l’équipe de français. Les professeurs se sont rendu compte qu’ils avaient abandonné cette éducation aux médias. Une réflexion s’est enclenchée et en mars 2015, à l’occasion de la SPME, nous avons mis en place pour chaque classe une séance de 1 à 3h minimum.

Puis la DGH est arrivée avec des moyens favorables, ce qui nous a permis de monter plusieurs dispositifs. Ainsi, depuis l’an dernier, nous avons en 4e quatre groupes de français pour trois classes, ce qui donne des groupes de 17 élèves par classe, avec un volume d’heures classique. L’alignement des horaires a généré des contraintes d’emploi du temps mais malgré cela, les profs se sont montrés satisfaits et le dispositif a été reconduit. J’ai alors proposé à l’équipe de français de rajouter une 5e heure de français estampillée Education aux médias. On a choisi les 4e parce qu’ils ont la maturité nécessaire pour aborder certains sujets, et parce que c’était le niveau avec lequel je travaillais le moins. Chaque séance a lieu en classe entière et en binôme avec le professeur de français. Nous faisons à peu près la même chose avec les quatre groupes.

Quelle organisation avez-vous trouvée dans l’établissement pour que ce projet devienne possible ?

C’est complexe à mettre en place et très contraint dès lors que le dispositif entre dans la DGH, car à partir de là, c’est la répartition des services qui prime sur tout le reste. Ainsi une professeure très motivée par le projet s’est retrouvée sans 4e et une autre a appris qu’elle aurait finalement une 4e début juillet. Il existe aussi une incertitude due aux impondérables : des profs obtiennent leur mutation et de nouveaux arrivent. La direction, qui nous soutient entièrement, a beaucoup facilité les choses. Au final, l’équipe d’arrivée n’était pas celle prévue au départ, et il a fallu construire des habitudes de travail. Mais cela se passe plutôt bien.

L’équipe d’histoire géographie a voulu également se positionner, elle a obtenu une demi-heure semaine annualisée pour l’EAM, mais que je ne pouvais pas assurer. Il existe aussi un partenariat avec la professeure d’arts plastiques, assez léger mais productif : par exemple, elle a fait une séance sur la caricature, et des dessins d’élèves vont être publiés dans le journal à paraitre bientôt.
Toutes ces difficultés nous ont amené au 1er septembre sans que rien ne soit prêt.

Comment s’organise le travail de préparation des séances avec tes collègues ?

Construire des contenus à cinq sans heure de concertation est compliqué. Après avoir testé les réunions informelles sur des heures libres des uns et des autres, nous avons défini un mode de fonctionnement : je travaille chaque nouveau contenu avec un seul professeur de français et les autres s’adaptent. Et depuis peu, sur une classe, je fais 5 heures média à la suite sur une semaine avec un professeur de français, et ensuite les élèves ont leurs heures de français. Cela permet de ne pas morceler l’activité : pour l’élève, écrire un article sur cinq semaines à raison d’une heure par semaine, ça n’a pas de sens. Les collègues de français sont entièrement d’accord. Cela donne des pistes pour un EPI l’année prochaine, avec un fonctionnement plus modulaire.

Sur quoi portent les séances, et selon quelle progression ? Appliques-tu des méthodes particulières ?

J’ai été inspirée par le MOOC EMI DIY (do it yourself) de la Sorbonne, avec les trois C : comprendre (décrypter), connaitre (rencontrer des professionnels, visiter des médias), créer (publier). Nous sommes partis de cette philosophie, et nous avons choisi trois thèmes. Nous voulions travailler sur la connaissance des médias de façon basique avec comme objectif de réaliser le journal du collège avec les élèves. Or la réalité nous a obligé à changer nos plans, car dans un projet média, il faut s’adapter aux opportunités. Par exemple, dès le début de l’année, Thierry Guibaud, coordonnateur académique du CLEMI, nous a proposé de rencontrer Plantu dans le cadre de Cartoonning for peace : nous avions trois semaines pour préparer la rencontre ! Ainsi, dès la première séance, nous avons dû bouleverser notre progression pour travailler sur le dessin de presse. Fort heureusement, nous avons pu réutiliser une séance similaire que nous avions menée l’année précédente.

Du coup, le premier thème a été « dessin de presse et caricature, liberté de la presse, liberté d’expression ». Le deuxième thème sera « l’éthique de l’information : intox, désinformation, rumeurs, diffusion de l’info par les réseaux sociaux ». Et le troisième thème, si nous y arrivons, portera sur les aspects économiques. Ce sont des questions assez pointues, ce qui soulève la question de nos besoins de formation, à nous les profs, dans ces domaines-là.

Nous comptons réaliser un journal avec deux numéros, en ligne avec des parties interactives, mais que l’on pourra imprimer. Nous nous interrogeons sur l’outil à utiliser. Madmagz par exemple pose problème car les contenus ne nous appartiendraient pas. D’un autre côté, faire tout soi-même est un gros travail.

La rencontre avec Plantu a créé une dynamique chez nos élèves, ça a été une sorte de déclencheur, car malgré tout, ce qu’on fait en classe reste du cours. Là, on a vu un élève qui avait refusé de faire la minute de silence en janvier devenir le moteur lors de cette rencontre, avec des questions intéressantes, et avec en face un professionnel qui savait lui répondre. Là, il se passe quelque chose.

Une deuxième opération d’éducation aux médias est en préparation [au moment de l’interview, NDLR] : les élèves vont participer à l’émission T’as tout compris sur France 4 (voir le lien ci-dessous), un décryptage des médias par et pour les adolescents. Ils choisissent une classe par académie.

Nous sommes en contact aussi avec France 3 pour une visite, en lien avec une émission.

On se rend compte assez vite qu’il y a un problème de temporalité entre les médias et l’Education nationale. France 4 envoie sa proposition le 7 janvier pour une échéance au 27 janvier. Pour eux c’est une éternité, pour nous c’est 20 secondes ! Il faut faire avec, et là c’est important d’avoir des collègues qui acceptent de s’adapter, de renoncer à faire cours pendant une semaine…

Quel est l’impact de ce projet sur ton organisation générale ? Peux-tu former les autres élèves dans les autres niveaux ?

Cela représente 4 heures semaine dans mon emploi du temps, ce qui est assez lourd. Le fait de travailler à cinq personnes n’est pas facile et prend du temps. Cinq personnalités différentes, cinq modes de fonctionnement, des contraintes personnelles diverses... C’est moi qui coordonne, je suis rémunérée pour cela sous forme d’IMP, laquelle prend en compte aussi tout le travail réalisé pour le projet d’établissement, quel qu’il soit.

Concernant la formation des autres élèves, on peut dire qu’en 4e, il s’agit vraiment d’éducation aux médias - on oublie le « I » de l’EMI. Pour l’info-documentation, je touche les 6e et les 3e. En 6e, nous avons un module de découverte du CDI en début d’année à raison de 5 heures concentrées sur une seule semaine, en demi-classe sur des heures de français. Le prof de français voit une demi-classe pendant une semaine puis l’autre demi-classe la semaine suivante. Je commence vers la mi-septembre et finis aux vacances de la Toussaint. C’est condensé, cela ne chamboule pas trop les emplois du temps, et cela fonctionne très bien avec les élèves.

Ensuite en 6e, j’interviens dans l’AP avec un module de 12h. Je vois six groupes d’élèves sur neuf, selon des critères… de logistique essentiellement, car ils finissent par primer lorsqu’on met en place de gros dispositifs - par exemple, les groupes de non-nageurs sont les plus contraignants pour l’AP. Là nous travaillons sur des compétences basiques : lire, comprendre, prendre des notes, restituer. Et nous avons décidé que la restitution se ferait dans l’encyclopédie Vikidia. Cela fonctionne très bien avec les élèves alors que nous sommes encore plus exigeants avec eux.

Pour les 5e, je réponds favorablement à des demandes sur la lecture pour lesquelles j’utilise le portail documentaire.

Les élèves de 3e travaillent sur santé et environnement dans le cadre de leurs recherches en SVT, et là je m‘attache à la vérification des sources (identification et fiabilité). Le travail sur ces compétences aident les élèves à préparer les années au lycée.

Et en HDA, il s’agit de réaliser certains travaux. Par exemple pour la biographie de l’artiste, les élèves utilisent la carte mentale pour apprendre à être synthétique.

Avec les classes d’accueil (UPE2A), c’est un peu plus compliqué, nous avons eu une activité de découverte du CDI. Mais ce type de séance n’est pas adapté. Donc je suis sur des actions ponctuelles. Ainsi, avec la professeure d’arts plastiques, nous avons amené les élèves visiter des expositions à l’Alcazar, puis ils ont travaillé à partir de ces expos en arts plastiques. Cette entrée par les arts plastiques et non par la langue a bien fonctionné.

Comment sont évalués les élèves ?

C’est le point faible du projet car nous n’avons pas vraiment prévu d’évaluation. Nous verrons la qualité des journaux que les élèves vont produire, et puis nous sommes attentifs à la façon dont ils réagissent.

Ressens-tu le besoin d’être formée ?

Avec les médias, pour moi il y a une espèce d’évidence car j’étais élève dans une école Freinet, et on faisait un journal, on rencontrait des journalistes, on avait le rouleau de l’AFP avec les dépêches…

Mais l’expérience que j’ai acquise ne me permet pas d’avoir un savoir construit, par exemple sur les formes médiatiques. Construire un article, faire un reportage radio, pour moi c’est de l’intuitif. La formation serait utile aussi pour gagner en crédibilité. Et puis il y a les aspects techniques, le matériel qu’il faut savoir manier, alors que nous n’avons pas de temps à perdre...

Comment vois-tu l’avenir avec la réforme du collège ? Et aimerais-tu faire évoluer le projet ?

Lors de la première réunion sur les EPI, nous avons évoqué l’idée de transformer ce projet en EPI pour les 4e, mais c’est très flou encore car nous sommes très peu avancés dans notre réflexion. Pour ma part, je préfère attendre la DGH car les moyens conditionnent le projet. Quoi qu’il en soit, la direction est d’accord pour recommencer.

Pour les évolutions, je réfléchis sur la question du temps que ça prend dans la semaine, sur les périodes… Faut-il rester sur une heure semaine ou bien annualiser pour mieux mobiliser les élèves autour du projet ? Peut-être trouver un arrangement de type modulaire, dans lequel les élèves ne feraient que du français d’abord, puis que de l’éducation aux médias avec une production au bout, ce qui permettrait de retrouver l’idée de la date butoir propre aux médias. Tel que c’est aujourd’hui, nous nous diluons.

Et puis un journal par trimestre, c’est trop long. Je réfléchis à des publications plus modestes mais plus régulières. Je n’ai pas envie de faire un blog car j’aimerais que cela ressemble davantage à un produit médiatique, un support qui serait figé dans sa forme mais avec des nouveaux contenus publiés plus souvent. Ce sera peut-être un webzine, mais très court.

J’ai un souci quant à l’articulation entre théorie et pratique. La théorie est importante, d’autant plus que nous partons de très loin avec nos élèves. Mais cela nous a pris beaucoup de temps, et du coup nous ne sommes pas assez dans le « faire », cela ressemble encore trop à des cours. J’ai moi-même besoin de faire et de refaire pour améliorer les séances - cela vient sans doute de mon passé à l’école, et donc les élèves sont un peu mes « cobayes »… Et aussi, s’occuper de la rédaction de 70 élèves, ce n’est pas simple !

Que dirais-tu pour conclure ?

En conclusion, je suis très contente de m’être lancée. C’est très intéressant, et je vois quelques évolutions chez les élèves. J’ai hâte de voir ce que donne le premier journal et comment les élèves vont réagir. Cela devrait agir comme un déclencheur chez eux. Mais déjà, c’est rentré dans leurs habitudes, ils passent me voir, ils trouvent ça plutôt normal. Du côté des parents, nous avons eu une réunion avec les parents des enfants que nous allons amener à Paris : ils sont très contents et trouvent ce projet fondamental. Voilà une forme d’évaluation pour nous !
Entretien réalisé le 20/01/2016.

Voir le journal en ligne réalisé par les élèves
du collège Vieux Port (parution : mars 2016)

Extrait de pedagogie.ac-marseille.fr du 08.04.16 : Des classes médias en 4e :
le témoignage d’une professeure documentaliste. Une interview de Magali Bensa, collège Vieux Port à Marseille, 2015-2016

Extrait de pedagogie.ac-marseille.fr du 08.04.16 : Des classes médias en 4e : le témoignage d’une professeure documentaliste

https://edubase.eduscol.education.fr/recherche?discipline[0]=Documentation

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