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Un prof de collège ZEP refusera de lire la lettre de Guy Môquet

21 mai 2007

Extrait du « Figaro », le 19.05.07 : Pourquoi je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet

Par Michel Ségal, Professeur de collège en ZEP.

Je suis enseignant de collège et je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves.

Je ne leur lirai pas parce qu’ils seraient bien incapables d’en comprendre le sens profond, et même d’en comprendre les mots qui la composent ; parce que notre école demande aux enfants de réinventer eux-mêmes les règles d’écriture ou de syntaxe. Je ne la lirai pas parce que depuis une trentaine d’années, l’école leur apprend le mépris du patrimoine et la méfiance du passé. Je ne la lirai pas parce que cette lettre me fait honte, honte de la maturité d’un adolescent il y a plus de soixante ans face à l’infantilisation construite par notre école de ceux du même âge aujourd’hui. Je ne la lirai pas parce que nos enfants ignorent les événements auxquels elle se réfère ; parce que notre école préfère par exemple demander à des enfants d’analyser des « documents » plutôt que de leur enseigner des dates et des événements. Je ne la lirai pas parce qu’il y a longtemps que l’école refuse de transmettre aucun modèle ; parce que notre école n’envisage plus les textes d’auteurs comme des exemples mais comme des thèmes d’entraînement à la critique. Je ne la lirai pas tout simplement parce que notre école a délibérément détruit l’autorité qui pourrait permettre une lecture et une écoute attentives.

Je ne la lirai pas parce que, même âgés de 16 ans, mes élèves ne sont que de petits enfants bien incapables d’appréhender son contenu et resteront sans doute ainsi toute leur vie : ainsi en a décidé notre école. Peut-être ne me croyez-vous pas car l’école que connaissent vos enfants ne ressemble en rien à celle que j’évoque ? En effet, j’ai peut-être oublié de vous préciser l’essentiel : je travaille dans une ZEP, c’est-à-dire là où peuvent être appliquées à la lettre et sans risque de plainte toutes les directives ministérielles, là où se préfigurent l’horreur et la misère du monde construit par notre école.

Non, Monsieur le Président, je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet tant que n’auront pas été engagées les réformes structurelles du ministère de l’Éducation nationale qui mettront fin à la démence toute puissante des instances coupables des mesures les plus destructrices de tout espoir de justice sociale, tant que n’auront pas été engagées les réformes pour que l’école cesse de conforter les enfants dans leur nature d’enfants, pour que l’école accepte enfin de remplir sa seule mission : instruire.

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5 Messages de forum

  • Sans vouloir polémiquer sur la récupération de Guy Môquet par notre président, ce que je remarque, c’est que ce type d’initiative a encore une fois le mérite de diviser la communauté enseignante. Encore une fois, on nous relance le fameux débat sur les modernes et les anciens...

    ... encore une fois, nous entendons le débat (stérile ?) sur " l’école d’antan" (qui formait mieux) et " l’école de maintenant" (qui forme moins bien, forcément)

    Depuis que les ZEP existent, on a pu essayer pas mal de choses, je pense. Pour aboutir au même constat : malgré la bonne volonté et le professionnalisme de l’énorme majorité du corps enseignant, "ça" ne marche pas.

    Le retour aux méthode d’antan ne sera pas forcément plus efficace...

    Lire la lettre de Guy Môquet... drôle d’idée, en effet, pour des jeunes qui n’en comprendront pas forcément la portée d’emblée.
    Pour ma part, ce qui me gêne, c’est de lire cette lettre "comme ça"... sans exploitation pédagogique préalable... sans objectif précis.

    C’est peut-être là que devrait se trouver le point central des réactions à l’article de M. Ségal. Personnellement, je ne lirai pas non plus la lettre de Guy Môquet à mes élèves à la rentrée... ce n’est pas pour autant que je ne la leur proposerai pas, comme je le fais (presque) chaque année, au sein d’une séquence de travail adaptée.

    Par ailleurs, pour M. Sarkozy & M. Darcos... si vous voulez marquer les esprits et faire en sorte que les élèves soient "comme il faut" en classe, pourquoi pas proposer le visionnage des 20 premières minutes du film Battle Royale (avec Takeshi Kitano) ?

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  • Mon cher collègue,

    Mieux vaudrait changer de lieu d’enseignement ou, probablement même, changer de métier. Que vous soyez dans cette situation dépressive affolante n’est pas exceptionnel, hélas ! Il en existe quelques autres comme vous, ici ou là, en ZEP ou ailleurs. Mon interrogation porte sur la raison pour laquelle "le Figaro" a publié votre lettre.

    Prenez du repos : la seule lecture de cet article suffira à tout médecin pour vous mettre en congé immédiatement.

    Avec ma cordiale sollicitude.

    Votre collègue solidaire

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    • Tes élèves ne sont que des petits enfants incapables et cela sera vrai toute leur vie !

      Pourquoi restes-tu dans ta ZEP alors ? Pour la prime ? Non, parce que là, dis-tu, « on ne risque pas de plainte » si on détruit ses élèves.

      L’école avec toi est bien un lieu d’horreur et de misère.

      Espérons que tu seras déplacé par l’Education nationale sinon tu le seras pas tes élèves car le mépris engendre la violence

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      • En effet, mieux vaut ne pas lire un texte à des élèves s’ils n’en "comprennent pas le sens profond et les mots qui le compose" : hors de question, donc, d’enseigner les fables de La Fontaine en primaire et les classiques dans le secondaire. Attendons l’enseignement supérieur pour aborder ces textes complexes.

        Quand on pense de telles idioties mieux vaut faire autre chose qu’enseigner, en ZEP ou hors ZEP.

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        • mieux vaudrait ne pas lire ce texte indigne (je parle de ce "témoignage" publié par le Figaro. quel mépris pour les élèves ! Chaque fois que j’ai des troisième, dans mon collège ZEP, on travaille sur la poésie engagée et on lit des lettres de fusillés. pas facile, mais on peut expliquer l’engagement de Manouchian en lien avec l’admirable poème de Aragon, etc.
          Il faut lire le roman très fort de louis Calaferte "c’est la guerre" pour voir ce que pouvait être le niveau de conscience de jeunes écoliers sous Pétain en province profonde. Guy Moquet n’était certainement pas représentatif de la jeunesse française (d’autant que son père était député communiste et dans la famille, on pouvait être à la fois héroïque et probablement approuver les procès de Moscou quatre ans avant)
          Alors, le niveau lamentable d’aujourd’hui, il est plutôt à trouver dasn la lettre de cet enseignant dont on espère qu’il ne restera pas en zep longtemps. IL fera moins de mal ailleurs
          JM Zakhartchouk

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