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Des lycéens de ZEP dans des grandes écoles d’ingénieurs

24 novembre 2005

Extrait de « Nouvel Obs » du 23.11.05 : Vive les lycéens de ZEP !

Depuis peu, quelques écoles d’ingénieurs aménagent leurs concours ou organisent des tutorats dans les quartiers pour intégrer des élèves défavorisés

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Fouad (prénom modifié) est l’un de ceux qui a traversé le miroir. Fils d’un métreur de chantier d’origine algérienne et d’une éducatrice, ce « bon élève » estimait le métier d’ingénieur « difficilement accessible ». Il est vrai que personne autour de lui n’était en mesure de lui expliquer le cursus. Depuis trois mois, il vit un rêve. Il est étudiant dans la prestigieuse école d’ingénieurs Insa, (Institut national des Sciences appliquées) de Lyon, qu’on intègre directement après le bac. Il découvre avec ravissement, et un peu d’étonnement, les singularités du brassage social : « J’ai croisé des gens vraiment... différents. On sent qu’ils viennent de l’enseignement privé, ils s’habillent différemment et rigolent de choses différentes. » Fouad sait surtout qu’il y a peu il aurait été conduit à livrer ses considérations ethnologiques ailleurs que dans une grande école : au mieux, à la fac.

Mais l’année dernière, pour la première fois, l’Insa Lyon, soucieuse, comme beaucoup de grandes écoles et à l’instar de Sciences-Po Paris, d’ouverture sociale, a organisé à titre expérimental un recrutement spécifique avec trois lycées partenaires classés en ZEP : Doisneau, Brel et Sembat. Le personnel de l’école n’a pas attendu que les terminales se déplacent pour une journée portes ouvertes : il est allé les convaincre chez eux. « Nous avons simplement expliqué quelles étaient les carrières possibles pour devenir ingénieur et invité les volontaires à venir rencontrer nos étudiants », rappelle Martin Raynaud, directeur de la formation à l’Insa. Ensuite, les élèves de la ZEP souhaitant être candidats ont subi une mini-sélection par leurs profs. Puis, contrairement à des bacheliers classiques dont les dossiers scolaires sont épluchés par l’Insa, eux ont été autorisés à passer directement au « deuxième tour » : l’entretien oral. « Là, ils ont été jugés avec la même sévérité que n’importe quel élève », assure Martin Raynaud. Résultat : parmi les 150 élèves de ZEP informés cette année de l’existence de l’Insa, 11 l’ont intégré ! Pas mal, pour trois lycées qui, jusqu’ici, n’avaient pas fourni le moindre poulain à la prestigieuse école.

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Ce genre de « favoritisme » est plus difficile à mettre en place dans les écoles qui ne sont accessibles qu’après une classe préparatoire. Car, pour que les bonnes intentions débouchent vraiment sur des actes, il faudrait imiter Sciences-Po Paris et créer un concours spécial. Une action qui n’est pas facile à mener. « Cela heurterait trop ! Tout ce toutim pour quelques ZEP, vous n’y pensez pas ! », ironise un directeur d’école. Il est vrai aussi que beaucoup de directeurs sont convaincus qu’un « sous-concours » est un mauvais service à rendre aux intéressés... Du coup, quelques établissements comme Supélec, l’INT Télécom d’Evry ou Polytech’Lille ont décidé d’envoyer des tuteurs (c’est-à-dire des étudiants volontaires) au chevet des élèves de terminales de ZEP sélectionnés par leur lycée. Objectif : les faire assister à des conférences, des visites guidées, développer leur culture générale et leur aisance orale. Avec l’idée sous-jacente qu’ils pourront passer exactement le même concours que les autres. Une formule sans doute plus égalitaire que la voie dérogatoire mais qui, à l’heure actuelle, ne garantit pas que les lycéens ZEP « tutorés » feront le poids face aux fils d’énarques...

Une dernière solution consiste à s’appuyer sur des formations qui font la soudure entre le lycée et l’école d’ingénieurs - des IUT en l’occurrence. C’est le cas des Arts et Métiers, de l’EIVP (Ecole d’Ingénieurs de la Ville de Paris) ou de Supméca Saint-Ouen. Cette dernière a, par exemple, noué un partenariat avec le lycée ZEP Marcel-Cachin de sa commune et deux IUT de Saint-Denis. Du coup, son programme de suivi démarre dès la première, se poursuit en terminale, puis durant les deux années d’IUT. « Ensuite, ces étudiants devraient avoir le niveau pour être recrutés dans l’école. Nous ne leur demandons que des notes raisonnables », précise Jean-Jacques Maillard, directeur de Supméca. Une formule qui pourrait se révéler à la fois égalitaire et efficace.

Arnaud Gonzague

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