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Eric Debarbieux (dir), "L’Impasse de la punition à l’école. Des solutions alternatives en classe". Armand Colin. 2018. Entretiens du Café avec l’auteur sur l’ouvrage et après l’agression à Créteil

23 octobre 2018

Additif du 17.09.19
L’impasse de la punition à l’école. Des solutions alternatives en classe
Sous la direction d’Eric Debarbieux, Armand Colin, 2018

(...) Cependant, il existe de nombreuses pistes pour prévenir la violence à l’école et améliorer la situation dans les classes et les établissements. Ce livre en présente 7, portées chacune par des associations.

La discipline coopérative
La discipline positive
Le développement des compétences psychosociales
L’approche systémique et stratégique de l’école de Palo Alto
La communication non violente et les systèmes et Cercles restauratifs
La justice restaurative.

Extrait de cahiers-pedagogiques.com du 11.09.19

 

Eric Debarbieux : L’impasse de la punition à l’école
"Notre approche n’a rien d’idéologique. La question n’est pas d’être pour ou contre la punition, mais d’en montrer les difficultés et les insuffisances en ce qui concerne la question de la violence à l’école et du climat scolaire". Spécialiste de la violence à l’école, délégué ministériel à la lutte contre les violences scolaires sous deux présidents, Eric Debarbieux apporte dans son nouveau livre "L’impasse de la punition, Armand Colin) des données uniques (et surprenantes !) sur la réalité des punitions dans l’école française.
A contre courant des dénonciations du laxisme qui sévirait à l’école, il en montre l’importance. Il établit aussi leurs retombées négatives sur la vie quotidienne dans les écoles. Il en tire la conclusion : il y a d’autres façons de gérer les relations dans les écoles dont certaines ont déjà été évaluées et expérimentées à grande échelle. La seconde partie de son ouvrage propose des contributions pour d’autres façons de gérer la vie quotidienne de l’école, de Freinet aux pratiques de justice restaurative.

"Comment s’étonner... du découragement qui monte chez les personnels... quand la discipline, qui est une base de la pédagogie, quand la dynamique des groupes, qui est une base des rapports humains, quand le geste banal de sanctionner un enfant ou un élève, quand la gestion des conflits ne font l’objet d’aucune formation ; lorsque seule la formation disciplinaire importerait pour faire de bons enseignants d’après une idéologie qui a pignon sur rue et qui détruit profondément l’école et ses élèves ?"

Il faut lire le livre d’E Debarbieux déjà pour découvrir ses statistiques sur les punitions à l’école. C’est un sujet qu’il travaille depuis 30 ans. En s’appuyant sur quelques enquêtes récentes, il dévoile la réalité de l’ordre scolaire du quotidien. L’école "est loin d’être ce grand foutoir que l’on se plait à décrire", dit-il. A l’école 12% des élèves sont punis 3 ou 4 fois dans l’année, 16% plus de 4 fois. On collège c’est pire : 12 et 26%. Les deux tiers des collégiens sont punis au moins une fois.

Il y a aussi les types de punition. A l’école, la privation de récréation reste la punition la plus répandue (28%). Les lignes (16%), la mise au coin (11%) n’ont pas disparu. D’ailleurs les lignes sont encore très présentes au collège (20%) tout comme les punitions collectives (7%). L’exclusion temporaire est aussi massive (8% des punitions).

Ses enquêtes montrent aussi que cela crée fort sentiment d’injustice. Ainsi dans les collèges de l’éducation prioritaire 45% des élèves jugent les punitions injustes ou très injustes. Un taux moyen qui varie selon les établissements , tout comme le taux de punitions (de 7 à 64% pour des collèges identiques !).

Le livre montre comment les punitions contribuent à "la fabrique des garçons" et encouragent les transgressions plus qu’elles ne les découragent. Comment aussi se construit coté adulte l’identité du "mauvais élève" qui reste à peu près indécollable.

D’où la recherche de solutions menées dans le cadre d’un projet d’action contre le décrochage et le harcèlement dans 3 académies, le projet Adhere. L’ouvrage nous offre un vaste panorama, écrit à plusieurs mains, qui vont de la discipline coopérative à la communication non violente en passant par la discipline positive, le développement des compétences psychosociales ou l’école de Palo Alto.

On adhèrera ou pas à l’une ou à l’autre. Le livre aura toujours apporté une information précieuse sur le volume des punitions et leur inefficacité dès qu’elles cessent , dans tous les sens, d’être exemplaires. A vrai dire les enseignants savent cela. Mais ils restent désarmés. L’ouvrage leur fait découvrir des propositions pour gérer les élèves sans naïveté dans une perspective éducative.

Eric Debarbieux : "Les punitions ne font ni apprendre ni former des individus épanouis"

Eric Debarbieux revient sur quelques points du livre, notamment l’importance des punitions et les problèmes qu’elles génèrent. Mais que faire ?

Dès le début du livre, vous dites : "on n’est pas en mai 68". L’école n’est pas laxiste ?
Dès le début des années 1970, un sociologue avait travaillé sur les punitions dans les années qui ont suivi mai 68 et montré qu’elles avaient augmenté , notamment les colles. Ce qui se jouait en fait c’était l’ajustement du secondaire à un nouveau public, celui de la massification.

L’idée du livre n’est pas de dire que la punition c’est mal. C’est de montrer qu’elle est contreproductive.

On voit se perpétuer des punitions que je croyais disparues : la mise au coin, les lignes. Elles sont pourtant interdites.

Les lignes sont en principe interdites depuis 1895 ! On était encore dans "l’instruction publique" et dans l’école de Ferry que certains présentent en modèle d’autorité. Dans les années 1990, elles représentaient 38% des punitions. Elles sont tombées à 20%. On est dans la baisse de certaines punitions. Par exemple les châtiments corporels. Ils baissent d’ailleurs dans le monde entier. Dans les années 1990 la moitié des élèves disaient avoir vu frapper un camarade.

Mais il y a une grande hypocrisie du système. Officiellement au primaire la seule punition c’est l’isolement de l’élève avec le maître. Sauf que pendant ce temps il faut bien s’occuper des autres élèves ! Alors on se débrouille et généralement on fait comme on a été traité petit. On n’est ni dans le laxisme ni dans le sadisme. Mais il est temps de réfléchir à d’autres solutions.

Vous montrez que les punitions sont inégales donc injustes ?
Faire de la justice avec des punitions mal pensées c’est aller dans le mur. Les chiffres montrent par exemple une grande différence entre garçons et filles. Au collège 40% des filles ne sont jamais punies contre 24% des garçons. Cela développe un sentiment d’injustice et participe de la construction de la violence d’un certain nombre de garçons. Le problème n’est pas de supprimer les punitions. Le problème c’est qu’on punit mal. Le trop plein de punitions nuit à l’ordre dans la classe et augmente le ressentiment. On entre dans un cycle transgression - répression que beaucoup d’enseignants connaissent. Tous les travaux montrent que les punitions ne font ni apprendre ni former des individus épanouis.

Il faut aussi souligner l’importance des exclusions temporaires au collège. Benjamin Moignard a pu montrer que dans un département cela représente un "collège fantôme" tous les jours ! Cela a un impact sérieux en terme de sécurité et aussi de santé publique.

Vous dites que ces exclusions sont devenues "un outil de régulation interne" du système. Que voulez vous dire ?
On ne sait pas trop quoi faire avec les élèves difficiles notamment ceux qui ont des troubles du comportement. On ne sait pas les aider et on laisse les établissements se débrouiller. L’application de la loi de 2005 pose ce genre de problème. Tout le monde le dit sur le terrain. Il y a de grands besoins de formation à ce sujet. La réforme des Espe avec un recentrage sur le français et les maths ne va pas résoudre le problème. Il en faut pas seulement des savoirs disciplinaires pour enseigner. Toutes les enquêtes montrent que les professeurs ont besoin de savoirs comment gérer les élèves difficiles.

Aujourd’hui on voit la montée des conflits d’équipe autour de ces questions de discipline. Elles tournent parfois en conflits de personnes envers les principaux ou les CPE, ou entre un directeur et ses adjoints. Il y a beaucoup de souffrance.

Comment rétablir l’autorité des maîtres ?
Le problème n’est pas de rétablir car c’est une conception du pouvoir. On individualise les difficultés et de fait l’institution n’institue pas assez. Pour une réponse efficace il faut un collectif. Quand il n’y a pas d’équipe d’adultes ou quand elle est conflictuelle, l’enseignant reste isolé dans sa classe. Que peut-il faire ?

C’est pour répondre à cette question que le livre propose des solution qui viennent de la pratique , comme Freinet ou la classe coopérative ou la discipline positive. Toutes font du groupe classe un appui et non un obstacle. Ce sont de vraies réflexions pédagogiques , des formes de prévention très construites qui évitent de recourir à des punitions non productives.

Ce livre veut être un carrefour qui propose différentes directions venues du terrain. Il n’y a pas de solution miracle. Mais on peut améliorer les choses en puisant dans ces boites à outils et en posant les questions de la formation et du travail en commun.
Propos recueillis par François Jarraud

Eric Debarbieux (dir), L’Impasse de la punition à l’école. Des solutions alternatives en classe. Armand Colin. 2018. ISBN 978-2-200-62214-5.

Debarbieux, L’oppression viriliste

Extrait de cafepedagogique.net du 19.10.18 : Eric Debarbieux : L’impasse de la punition à l’école

 

Exclusif : Eric Debarbieux : Les enseignants se sentent méprisés
Que faire après Créteil ? Alors que le pouvoir politique s’agite, dit vouloir "rétablir l’ordre", déscolariser les élèves auteurs de violences et interdire le portable dans les lycées, que nous disent les recherches ? Expert reconnu internationalement, Eric Debarbieux, ancien délégué ministériel chargé de la prévention de la lutte contre les violences en milieu scolaire, pointe déjà l’inefficacité de l’interdiction des portables. Il rappelle ce qui a été fait. Il pointe aussi dans cet entretien accordé au Café pédagogique ce qui reste à faire.

L’affaire de Créteil a suscité une vague d’émotion. Le ministre s’exprime. Quelle est votre première réaction ?
Evidemment sur un fait divers on reste sur des généralisations : la "perte de sens", la disparition du respect, l’ensauvagement des jeunes... Et on avance de fausses solutions comme la vidéosurveillance. L’essentiel de la violence n’est pas là. C’est aussi un problème de pédagogie.

Déjà il faut prendre en compte sérieusement l’agression avec un suivi à long terme de cette professeure. Ce n’est pas la respecter que dire qu’elle est une victime parmi tant d’autres. Les agressions physiques de ce type sont rares. Il faut les prendre au sérieux. Mais on ne peut pas baser une politique publique sur un incident.

Le ministre invite les lycées à interdire les portables pour réduire la violence. Qu’en pensez vous ?
L’interdiction du portable au lycée, par exemple, que brandit JM Blanquer, n’apportera pas d’amélioration au climat scolaire. Une étude de G Steffgen , sur échantillons témoins, montre que c’est dans l’établissement où on a interdit le portable qu’il y a eu le plus de cyberviolence. Lutter contre elles c’est plus compliqué que cela. Souvent l’interdit devient objet de désir...

Le ministre évoque "des structures spécialisées d’accueil des enfants et adolescents qui ne respectent pas les règles". Qu’en pensez vous ?
Pour des enfants très perturbés psychologiquement elles peuvent être nécessaires. Mais ce n’est pas une solution à la violence scolaire. Le coût de telles structures est énorme : environ 550€ par jour par enfant en centre éducatif fermé ! Avec cet argent on pourrait installer des psychologues dans les établissements scolaires. On devrait y réfléchir.

Le ministre évoque le laxisme qui aurait précédé son arrivée au ministère. IL y a eu des choses faites avant ?
JM Blanquer a assisté aux Etats généraux de 2010 puis aux Assises contre le harcèlement de 2011. Il doit s’en souvenir. On a tenté déjà sous Chatel de s’appuyer sur la recherche internationale. J’ai travaillé avec lui et j’ai continué sous les ministres suivants jusqu’à mon départ sous Vallaud Belkacem.

Depuis 2010 on a des enquêtes de victimation auprès des élèves et j’en ai fait aussi auprès des enseignants. J’ai mis en place des formations à la gestion de crise pour les chefs d’établissement en partenariat avec la gendarmerie et la police, cela avant la crise terroriste. Il n’y a plus un seul chef d’établissement qui n’ait pas un partenariat avec les forces de police locales. On a créé des conseils de prévention de la délinquance qui sont très actifs. On a aussi créé les EMS. Beaucoup de choses ont été faites.

Mais les réalités sont complexes. Par exemple on se heurte dans l’éducation nationale à un turn over très rapide des personnels dans les zones difficiles. Et c’est aussi le cas dans la police et chez les travailleurs sociaux.

Comment évolue la violence scolaire ?
Les enquêtes ministérielles et aussi les autres montrent qu’il n’y a pas de hausse des agressions sur les personnels. Les problèmes d’incivilité restent difficiles à gérer. Mais forme-t-on les enseignants à le faire ?

On avance des solutions techniques comme des tourniquets à l’entrée des établissements ou la vidéosurveillance. Qu’en pensez vous ?
Moins de 5% des faits de violence scolaire viennent de l’extérieur. Donc ce n’est pas en isolant l’école qu’on règle le problème. Il faut agir en interne pour améliorer le climat scolaire et le travail en équipe. Le problème n’est pas de punir des coupables qui doivent être sanctionnés. Mais d’éviter des victimes. On n’est pas allé trop loin du coté du laxisme. Par contre on n’a pas été assez loin vers la prévention.

Que faire ?
Il faut dépasser l’émotionnel. Et écouter les enseignants. L’enquête de 2017 auprès de 12 000 profs des 1er et 2d degré montre qu’il demandent des formations pour gérer les élèves difficiles. Ce n’est pas un problème de gestion de crise ou de conflits. Mais un problème de gestion de classe. Un facteur essentiel de la violence scolaire c’est le sentiment d’injustice.

Comment expliquez vous le ressentiment des enseignants envers l’institution ?
Relisez mon livre "Ne tirez pas sur l’école". J’y parle du ras le bol des personnels. Les enseignants sont blessés de ne pas être au coeur des mesures prises. Ils ont le sentiment d’être méprisés. Par exemple ils voient qu’on dit du mal de la façon dont ils enseignent. Ils voient les exagérations ministérielles par exemple sur la soi disant méthode globale à l’école. L’enquête de 2016 montre que 64% des enseignants ne se sentent pas respectés par leur hiérarchie en général. C’est le fonctionnement pyramidal de l’Education nationale qui génère ce sentiment.
Propos recueillis par François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 23.10.18 : Exclusif : Eric Debarbieux : Les enseignants se sentent méprisés

 

Les réactions à l’agression
Créteil : Les réactions à l’agression
Dans Le Parisien, JM Blanquer promet qu’il va "rétablir l’ordre". Les syndicats et les parents s’expriment également. La Peep, la Fcpe arrivent à des propositions opposées. La Fsu et le Sgen Cfdt réagissent au mouvement #Pasdevagues.

Extrait de cafepedagogique.net du 23.10.18 : Les réactions à l’agression

 

Des alternatives aux punitions

En classe, les punitions, bien que répétées, ne parviennent pas à enrayer les difficultés. Dans le livre « L’impasse de la punition à l’école », dirigé par Eric Debarbieux, des solutions alternatives sont abordées.

Lignes à copier, mot dans le carnet, heure de colle, exclusion… Les punitions sont toujours d’actualité dans le milieu scolaire mais loin de porter leurs fruits. C’est ce que démontre le livre « L’impasse de la punition à l’école », paru chez Armand Colin, sous la direction d’Eric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation à l’université Paris Est Créteil et président de l’Observatoire Européen de la Violence à l’école.
Dans le cadre du projet ADHERE (Action contre le décrochage et le harcèlement : éducation et régulation par l’environnement) mené pendant trois ans, ses équipes et lui ont entendu 7945 élèves du CE2 au CM2 et 8921 collégiens dans 35 REP. Près de 6 élèves sur 10 avouaient avoir été punis depuis le début de l’année scolaire, dont plus d’un quart au moins trois fois. 72,5% des garçons ont été punis au moins une fois (dont 24,1% plus de 4 fois) contre 49,2% des filles (dont 8,3% plus de 4 fois). Au collège, les deux tiers des élèves admettent également avoir été punis depuis le début de l’année et plus du quart l’a été au moins 4 fois. Or ces punitions sont vécues comme « injustes » par 44% des collégiens des REP (contre 32,8% hors

Extrait de vousnousils.fr du 20.03.19 : Ecoles : des alternatives aux punitions

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