> V- ACTEURS (la plupart en EP) > Enseignants : Identité > Enseignants : Identité (Témoignages d’) > ZEP de Carcassonne : témoignage d’un prof des écoles

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

ZEP de Carcassonne : témoignage d’un prof des écoles

7 avril 2007

Extrait du « Nouvel Obs », le 06.04.07 : Chef d’équipe

Le « Nouvel Obs » publie un numéro dont le dossier principal est « Qu’est-ce qu’un bon prof ? ». Nous en extrayons l’un des articles :

Ben Aïda, professeur des écoles

Il dirige sa classe de CM1 comme un pilote conduit son avion. Un oeil sur l’ordinateur de bord, pour dérouler en rythme chacune des séquences prévues. Un oeil sur chaque enfant, comme sur des indicateurs ultrasensibles : celui-là qui s’énerve, celle-ci qui somnole. Une remontrance, « Yacine, tu n’es pas concentré », une main sur l’épaule, présence chaleureuse mais ferme, un compliment. Chaque enfant est suivi, individuellement. Chacun le sait. Ben Aïda, professeur des écoles depuis treize ans, tient le cap au milieu des turbulences. Il connaît l’histoire de chacun, ses difficultés, mais aussi ses possibilités, ses progrès. Précis, professionnel.

« Je passe mes soirées en ligne, à préparer mes cours. J’échange des méthodes avec des instituteurs du monde entier, grâce à des listes de diffusion », explique-t-il. Depuis deux ans, une musicienne intervient chaque semaine à l’école La Gravette pour initier les élèves aux rythmes, au chant. Il prend des notes pendant tout le cours. « Si un jour, je devais prendre le relais, je serais perdu. Je ne connais pas grand-chose à l’enseignement de la musique. Je me forme », dit-il. Il travaille sans relâche. « J’ai trouvé sur le Net un collègue qui entraînait les élèves à la conjugaison grâce à un jeu de dés. J’ai repris l’idée.

C’est efficace. Moi-même, j’ai conçu un livret, « Mes progrès », pour que les enfants comprennent bien où ils en sont, par rapport à ce qu’on attend d’eux. » Ben Aïda, fils d’un ouvrier analphabète, arrivé d’Algérie en France peu de temps avant sa naissance, connaît bien le milieu social dont sont issus les enfants qu’il a mission d’éduquer et d’instruire. « Notre quartier de Carcassonne est très défavorisé. Les familles qui le peuvent quittent la cité rapidement. Mes élèves ont besoin d’un exemple, d’un repère, et en même temps d’un regard bienveillant », explique-t-il.

Un pilotage tout en finesse. « Nous avons fait l’an dernier une recherche sur le parcours scolaire des parents. Lorsque je leur ai dit que les miens ne savaient pas lire, pour certains, ça a été un déclic. Mes origines montrent qu’on peut s’en sortir. Je ne dois pas leur donner de faux espoirs mais leur montrer précisément où se trouve l’ascenseur social », observe-t-il. L’apprentissage de l’autonomie est une des clés de la réussite.

Chaque élève, dans la classe, a donc un « métier » à sa mesure : chef de rang, gardien de la lumière... Lors des conseils hebdomadaires, ceux qui se sont inscrits ont droit à la parole, pour féliciter, informer ou critiquer. Le maître est aux manettes, chaque membre de l’équipage a sa place. Pour qu’un jour Yacine et les autres puissent prendre leur envol.

Agnès Klarsfeld, Le Nouvel Observateur

Répondre à cet article