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Thèse. Les ZEP dans la thèse de Nathalie Mons (Université Bourgogne, 2004) : De l’école unifiée aux écoles plurielles ; évaluation internationale des politiques de différentiation et de diversification de l’offre éducative.

4 avril 2005

De l’école unifiée aux écoles plurielles ; évaluation internationale des politiques de différentiation et de diversification de l’offre éducative.
Doctorat en sciences de l’éducation,
sous la direction de Marie-Duru-Bella
Nathalie Mons
Université de Bourgogne, 2004

Le texte intégral de la thèse

 

Extrait de la thèse de Nathalie Mons publié par l’IREDU et diffusé par « L’Expresso »

Pédagogie : Décentralisation et équité

L’IREDU a publié un article de Nathalie Mons, ainsi que sa thèse, sur l’évaluation des politiques de différenciation. Se basant sur les résultats de PISA, Nathalie Mons pense que "les réformes institutionnelles touchant aux modes de gouvernance ont des effets importants sur l’efficacité et l’équité des systèmes éducatifs". Elle estime que la décentralisation sans garde-fous nationaux aggrave les inégalités de performances entre établissements et renforce les inégalités sociales.

Mais, " pour la recherche d’une meilleure efficacité, donner davantage d’initiative aux acteurs locaux peut être positif si leurs interventions sont encadrées nationalement... L’intervention de l’Etat central est primordiale. Elle semble surtout nécessaire dans les fonctions de conception et de contrôle du système éducatif. Son intervention est positivement associée à une amélioration des performances moyennes, une réduction du nombre des élèves en difficulté et la production d’une élite nombreuse. Un contrôle exercé au niveau central est également associé à des inégalités scolaires d’origine sociale plus faibles. A l’opposé, son implication paraît moins cruciale dans la fonction de gestion.".

Extraits

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Après l’égalité des chances et l’égalité de traitement, la notion d’égalité des acquis ou égalité des résultats s’impose comme une nécessité. Il ne s’agit plus seulement d’autoriser les élèves à poursuivre leurs parcours scolaires dans les mêmes conditions, il faut progresser dans une logique de la justice corrective. Puisque tous les élèves ne sont pas initialement égaux, l’institution scolaire doit compenser ces différences par des politiques de discrimination positive, avec pour objectif final une égalisation des acquis. Le principe d’éducabilité est sous-jacent à cette nouvelle conception de la justice scolaire. Tout élève peut réussir, si il lui en est donné les moyens. Bloom (1979, cité par Crahay 2000) refuse de voir dans les caractéristiques de départ de l’enfant des prédispositions qui ne pourraient pas être affectées positivement par les apprentissages. Le rôle des politiques éducatives est alors de cerner les publics défavorisés et de mettre en .uvre des dispositifs institutionnels permettant de compenser ces handicaps initiaux. Le développement de Zones Educatives Prioritaires participent de cette logique (Meuret, 1999, van Zanten, 2004).

Alors que l’égalité de traitement prévoyait une égalité de droit, la notion d’égalité d’acquis, parce qu’elle induit des politiques éducatives qui doivent définir qui sont les élèves défavorisés et comment l’égalité de droit peut être contournée en leur faveur, se réfère davantage à des notions de justice et d’équité (Meuret, 1999 ; Crahay, 2000 ; Duru-Bellat, 2002 ; van Zanten, 2004). L’équité est, en effet, définie comme « la notion de la justice naturelle dans l’appréciation de ce qui est dû à chacun. ». Puisque les repères ne sont plus seulement juridiques, il devient indispensable, selon Meuret (1999), d’ancrer la nouvelle réflexion sur l’égalité dans les théories de la justice produites, depuis une vingtaine d’années, par la philosophie politique (Rawls (1987) par exemple, cité par Meuret (1999)). C’est dans cette perspective d’égalité de résultats que se situe notre analyse. Avant de la décrire, dans le détail, nous exposons le second concept mobilisé ici : l’efficacité.

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La remise en cause progressive de l’école unique
Si l’école « comprehensive » est clairement le modèle dominant des systèmes éducatifs développés de la fin du XXème siècle, les dix dernières années ont vu se multiplier les remises en cause de cette institution. L’attaque n’est jamais frontale. Aucun pays n’est totalement revenu en arrière en rétablissant son traditionnel système dual. C’est la multiplication des traitements d’élèves dérogatoires à la norme commune qui progressivement lézarde le système « compréhensif ».

Car l’école « comprehensive » est accusée d’avoir failli à son objectif. Ses détracteurs dressent un double constat d’échec : l’école unique aurait entraîné un nivellement par le bas des acquis des élèves, l’hétérogénéité des publics scolaires se révélant un contexte peu favorable aux apprentissages. Elle n’aurait, de plus, pas tenu sa promesse d’une démocratisation de l’école : les carrières scolaires continueraient à être socialement inégales. Résultat, les attaques contre cette institution de l’après-guerre se sont récemment multipliées sous des formes diverses.

Première remise en cause de l’école unique : la création d’écoles parallèles ou d’un label d’ « excellence » décerné à une partie seulement des établissements. En effet, face à l’école unifiée censée réunir l’ensemble des élèves sous un même toit, certains pays mettent en place des structures complémentaires ou des labels scolaires distinctifs, qui visent souvent à orienter les « bons éléments » vers des écoles sélectives, surtout dans les zones défavorisées. C’est une tactique principalement développée dans les pays anglo-saxons qui connaissent déjà un paysage scolaire bigarré.

Le cas anglais est à ce titre exemplaire. Initiée par les conservateurs au début des années 90, la création d’écoles parallèles a débuté avec les « City Technology Colleges » (CTC), établissements d’« excellence » développés autour d’une formation très pointue, financée par un partenariat public-privé. Ces City Technology Colleges ont été rejoints en 2001 par un nouveau modèle créé par les travaillistes, les City Academies, gratuites, financées à 100% par des fonds publics et développant une spécialisation plus large que celle offerte par les CTC. Au-delà de la création des City Academies, la stratégie du gouvernement Blair a surtout consisté à renforcer le programme des « écoles spécialisées ». Ce label d.excellence peut être décerné à toute école secondaire publique92, qui suit le programme scolaire national mais décide également de se consacrer plus particulièrement à un domaine de formation : les technologies, les langues étrangères, les humanités, le sport, l.ingénierie. Pour recevoir le label d.« écoles spécialisées », les établissements candidats doivent réunir environ 50 000 £ de financement privé et préparer un plan de développement scolaire montrant les objectifs précis de la formation. En retour, si leur dossier est accepté, ils reçoivent, en sus des fonds normaux, un prêt conséquent (150 000 euros environ) et des ressources supplémentaires par élève pendant quatre ans. Le développement de ce concept a été encouragé du fait des résultats positifs de cette politique : les « écoles spécialisées » présentent, aux tests nationaux, des scores plus élevés que les écoles traditionnelles. En 2003, un tiers des collèges anglais a reçu ce label, l’objectif étant de spécialiser la moitié des établissements secondaires d’ici 2005. Si cette politique a le soutien des milieux économiques et des conservateurs, elle est cependant remise en cause par une partie de l’opinion publique qui y voit la création d’unsystème à deux vitesses. Le même concept a donné lieu au Canada à des « magnet schools » qui couplent également sélection et enseignement de qualité. D’autres pays remettent également en cause l’école unique par une différenciation accrue des contenus enseignés au sein du tronc commun.

Ces stratégies peuvent, tout d’abord, concerner les élèves les plus faibles, à qui un parcours spécial est offert. Ainsi, en 1996, en Angleterre, une certification spéciale - le « entry-level awards » - et un programme d’étude destiné à sa préparation ont été instaurés pour les élèves en difficulté, à leur entrée en Key Stage 4, à 14 ans. De même, au Portugal, l’établissement en 1997, d’un curriculum alternatif visant les élèves les plus faibles a été perçu comme « une stratégie douce d’exclusion ». En France, en classe de troisième, une option « découverte professionnelle » pour les « élèves en grande difficulté » a été instaurée à raison de 6 heures hebdomadaires à la rentrée 2004. Même si des passerelles futures sont annoncées, le fait que cette option remplace l’étude d’une discipline indispensable au suivi de la voie générale dans le secondaire supérieur oriente, de fait, ces élèves prioritairement vers l’enseignement professionnel. Les classes proposant cette option seront, d’ailleurs, développées dans les lycées professionnels et non pas dans les collèges. Cette réforme a été dénoncée par certains syndicats enseignants comme une forme de pré-orientation.

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L’expansion des politiques de choix dans l’enseignement public

C’est l’arrivée au pouvoir des conservateurs au Royaume-Uni qui marque le début de la vague de politiques de choix dans les pays de l’OCDE.

En Angleterre, le mouvement va, tout d’abord, être progressif (cf. encadré). Il faut attendre 1988 pour que la libéralisation des règles d’inscription dans les écoles soit effective : à partir de cette date, tout élève est désormais censé pouvoir s’inscrire dans l’école de son choix. La réforme d’essence libérale vise à instaurer une nouvelle concurrence entre les écoles, afin de stimuler celles dont les performances laissent à désirer. Elle présente une cohérence d’instruments qui se produira rarement dans les autres pays. En effet, les parents qui disposent désormais d’une liberté totale de choix en matière d’établissements scolaires sont aidés dans l’exercice de cette nouvelle responsabilité par la publication des « League Tables » qui permettent de comparer les performances académiques des établissements.

Les écoles bénéficient également de nouvelles libertés. Grâce au système d’ « open enrollment », ce sont elles - et non plus les autorités locales en charge de l’éducation (les LEA) - qui décident du niveau de leurs effectifs en fonction des demandes des familles. Les meilleurs établissements sont incités à recruter de nouveaux élèves : les écoles reçoivent en effet 85% de leur financement sur la base du nombre d’élèves scolarisés. Logiquement, les établissements de qualité moindre doivent réagir fortement à la désaffection des élèves puisqu’ils voient leur budget fondre en fonction des départs. Ces mouvements négatifs d’élèves doivent être un signal pour une restructuration de l’établissement.

Politique de choix au Royaume-Uni : un ensemble d’instruments cohérents qui visent à instaurer une nouvelle concurrence entre les écoles La libéralisation des règles d’inscription des écoles dans le réseau public anglais fut au départ un mouvement progressif (Meuret, Broccolichi, Duru-Bellat, 2000). Traditionnellement, ce sont les LEA - les autorités locales en charge de l’éducation - qui étaient responsables de l’affectation des élèves dans les divers établissements. L’ »Education Act » de 1980 fait un premier pas vers la libéralisation en reconnaissant le principe de la liberté de choix de l’école. A partir de 1982, les LEA sont légalement obligées de justifier leur refus quand elles ne répondent pas positivement aux demandes des parents. Il faut cependant attendre l’ »Education Act » de 1988 pour que la libéralisation des règles d’inscription dans les écoles soit totale Les parents peuvent désormais inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix.

Pour guider leur décision, les familles sont informées des résultats des écoles aux examens nationaux par la publication des League Tables. Il ne s’agit pas de mesures d’efficacité mais des scores bruts des établissements, par définition, dépendants des caractéristiques académiques des élèves qu’ils accueillent. Si les parents émettent des vœux que les autorités officielles souhaitent éclairés, ce sont les écoles qui, au final, décident en toute autonomie d’y répondre favorablement ou non. Le système de l. « open enrollment » leur permet en effet de décider seules de leurs effectifs en fonction des demandes des familles. Dans un contexte de régression démographique, ces recrutements sont limités par un seul plafond : le niveau des effectifs observé en 1979-80.

Avant la réforme de 1988, les LEA étaient responsables de la régulation des flux scolaires les écoles avaient le droit d’inscrire un nombre d’élèves fixé par référence au chiffre maximum enregistré en 1979-80, les LEA pouvant autoriser les écoles à accueillir moins d’élèves (dans la limite de 20%) ou, au contraire, fixer des limites supérieures en fonction des variations des effectifs de la communauté. Depuis l’ »Education Act » de 1988, les établissements sont désormais seuls maîtres de leurs flux scolaires. Le mode de financement mis en place en 1988 les incite à recruter un maximum d’élèves. 85% de leur dotation dépend en effet des effectifs qu’ils accueillent, les 15% restant sont alloués à chaque établissement par les LEA en fonction de programmes éducatifs locaux. Face au pouvoir considérable des écoles, les parents disposent de voies de recours. Une commission spéciale a été créée pour répondre à leurs plaintes. Entre 1990 et 1995, les recours devant cette commission ont doublé.

Au-delà de ces procédures d’appel, depuis 1998, les décisions des écoles en matière d’inscription sont davantage contrôlées en amont. Le gouvernement central a en effet imposé un « code de procédure des sélections » qui oblige les établissements à adopter des politiques d’inscription plus transparentes. Les procédures de sélection sont également plus régulées. Certains critères de sélection . ou plutôt de non sélection . sont désormais imposés aux établissements. Par exemple, les écoles primaires ne peuvent choisir leurs élèves sur la base des résultats académiques. De même, dans le secondaire, certains établissements se voient imposer l’obligation de recruter des élèves de niveaux académiques contrastés. Les pratiques de sélection des écoles sont, de plus, contrôlées par des experts indépendants. Au-delà de la libéralisation des règles d’inscription, l’offre éducative offerte aux familles a également été élargie grâce à la création de nouvelles écoles secondaires portant des signes éducatifs distinctifs.

C’est le cas des « City Technology Colleges » créés en 1986 par les conservateurs. Alliant financement public et privé, ces écoles secondaires doivent, tout en respectant le programme scolaire national, présenter une offre pédagogique diversifiée orientée sur les nouvelles technologies. Sous le nom de « City Academies », le concept a été repris par les Travaillistes. Plus particulièrement développées dans les zones défavorisées, ces écoles doivent apporter, au-delà du programme national, une qualité d’enseignement supérieure dans des domaines spécifiques (langues étrangères, sport, humanités, activités artistiques.). Le gouvernement Blair a annoncé en 2004 la création de 200 établissements de ce type d.ici 2010.

Est-ce que les familles anglaises ont exploité ces nouvelles opportunités de choix ? Deux études semblent concorder pour montrer que les parents sont le plus souvent restés fidèles aux écoles de leur quartier. D’après Smedley (1995, cité dans Meuret, Broccolichi et Duru-Bellat, 2001), 75% des parents n’ont jamais considéré qu’une seule école et ont même fait leur choix sans la visiter. Les observations de Gorard (2002) vont dans le même sens : « la plupart des parents (.) choisissent l’établissement de leur zone scolaire. Les autres familles n’auraient de toute façon pas utilisé l’école de leur quartier même si une autre politique avait été mise en œuvre. Accroître le choix des parents n’a pas permis de réduire les effectifs des écoles privées ou confessionnelles ».

(...)

En définitive, le privé ne paraît pas constituer un réseau d’enseignement homogène, ni au sein des pays, ni entre les pays. Ce secteur éducatif ne serait donc pas ni globalement efficace ni totalement sous-performant. Les résultats contradictoires des différentes recherches empiriques semblent surtout montrer que l’efficacité de certaines familles d’écoles privées dans des contextes spécifiques tient moins à leur nature privée qu’à un management spécifique de ces institutions, à leur implantation dans des zones particulières et au recrutement qu’elles y opèrent. Ainsi, parmi les écoles privées américaines, ce sont les institutions catholiques qui font particulièrement la différence et ce d’autant plus qu’elles sont implantées dans des secteurs urbains défavorisés et que l’on considère la situation d’élèves des minorités noires et hispaniques. Ces mêmes écoles catholiques ne présentent pas de surperformances dans les zones rurales (Neal, 1997).

On peut donc se demander si ces résultats ne révèlent pas surtout, en creux, les défaillances du public américain face à des populations à risques dans des zones urbaines difficiles. Pour le chercheur américain Neal, les performances positives localisées des établissements religieux révèlent moins des différences entre le privé et le public qu’entre les écoles publiques des zones déshéritées et celles des quartiers favorisés.

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Nota : ces extraits ne reflètent qu’une infime partie de cette thèse à lire dès lors qu’on souhaite replacer le système scolaire français parmi l’ensemble des systèmes scolaires mondiaux. De nombreuses autres parties auraient pu être l’objet d’extraits sur ce site. Le rapport est disponible en ligne

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