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La Cour des comptes juge "péremptoires et contradictoires" les conclusions des évaluations de l’éducation prioritaire du Cnesco (déc. 2017)

21 février 2018

L’Education nationale : organiser son évaluation pour améliorer sa performance

Enquête demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Décembre 2017
EXTRAITS
(pp 55.57)

[...] D - L’éducation prioritaire : des conclusions péremptoires et contradictoires.
Sur une politique éducative majeure, relativement ancienne, qui emporte de forts enjeux de cohésion et d’insertion sociales, d’amélioration du classement de la performance de la France par une résorption de l’échec scolaire des élèves défavorisés, d’adaptation de l’action publique aux territoires, et dont le coût est élevé (de l’ordre d’un milliard), il serait attendu que le MEN disposât d’évaluations aux fondements et conclusions robustes.

Or les études produites par les entités publiques chargées de l’évaluation, ont une valeur fragile car mal étayée par des travaux spécifiques, fondés sur les résultats des élèves ou la mesure de l’impact de certains dispositifs sur la performance du dispositif (par exemple la création d’un régime indemnitaire spécifique garantie-t-elle la stabilité des équipes enseignantes ? réduit-elle l’affectation des primo-enseignants ?). Elles emportent de surcroît des conclusions contradictoires.

Comme évoqué, les travaux du SGMAP de mai 2014 ne comportaient aucune appréciation sur l’efficacité de l’éducation prioritaire. Faisant état de constats très généraux, qui ne relèvent pas d’une méthodologie précise, l’orientation générale du propos était plutôt positive sur l’impact d’une telle politique, en appelant à sa poursuite au prix de certains aménagements (40 recommandations) qui selon le ministère « ont constitué les axes principaux
de la réforme de la refondation de l’éducation prioritaire en 2015 ».

A contrario les travaux du CNESCO 44 publiés en septembre 2016 ont conclu de façon négative sur l’efficacité de cette politique pour réduire les inégalités de réussite et de destins scolaires, en termes très sévères « Faire de l’éducation prioritaire aujourd’hui, c’est accepter la ségrégation scolaire, au lieu de lutter contre, on essaie d’agir sur ses effets. On met plus de moyens, on sait que ça ne marche pas et on continue » (Conférence de presse du 24 septembre
2016).
Le rapport du CNESCO porte sur le rôle joué par l’école dans la formation des inégalités de réussite scolaire S’il s’appuie sur 22 études pour formuler ses observations et recommandations, seule une petite partie d’entre elles (deux exactement) sont explicitement et entièrement consacrées à l’éducation prioritaire. La première résume les principaux résultats des évaluations menées sur ce sujet au cours des quinze dernières années. La seconde retrace les principales évolutions de la politique d’éducation prioritaire depuis 1981 et interroge la conception même de cette politique. Si les contributions citées sont utiles pour prendre
rapidement connaissance de la littérature scientifique consacrée à l’éducation prioritaire, il ressort de l’examen des différents articles publiés par le CNESCO qu’aucun d’entre eux n’apporte d’enseignements véritablement nouveaux.
Il est écrit par exemple que la politique d’éducation prioritaire « est de moins en moins efficace » sans qu’aucune étude particulière sur les résultats des élèves ne retrace les impacts de cette politique depuis 1981 jusqu’à aujourd’hui. Sans évaluation quantitative des réformes de l’éducation prioritaire (au moins celle de 2011), se prononcer sur la tendance à la baisse ou à la hausse de l’efficacité de la politique d’éducation prioritaire manque de fondements.

Quant au ministère, il reconnaît que « Le sujet de l’éducation prioritaire est complexe et ne peut être traité succinctement... La difficulté ne tient pas tant à un problème de rigueur méthodologique, - la Depp et des chercheurs de haut niveau s’y sont confrontés-, qu’à l’impossibilité de disposer d’un contrefactuel ». Les mêmes obstacles que pour le suivi individualisé des élèves sont mis en avant : « il ne s’agit pas d’expérience aléatoire où l’on pourrait comparer la situation d’un élève qui aurait dû être en EP et qui n’y est pas pour une raison aléatoire et un autre qui y est, car le dispositif touche tous les établissements présentant les mêmes caractéristiques ». Interrogée par la Cour, la DGESCO a précisé que « la politique d’éducation prioritaire au travers des dispositifs successifs, RAR (Réseau Ambition Réussite à partir de 2006) puis ECLAIR (à partir de 2011), n’a pas réussi à démontrer un effet global permettant de réduire le poids des origines sociales sur la réussite ».

En conclusion, au-delà d’approches évaluatives perfectibles qui ont plus relevé jusqu’à présent du registre de l’évaluation des politiques publiques au sens large, que de la mesure de l’impact de l’éducation prioritaire, il est regrettable qu’un tel enjeu d’efficacité et d’équité n’ait pas donné lieu à la construction d’outils méthodologiques solides et constants. Le ministère se contente d’une appréciation générale plutôt mitigée, alors qu’il lui serait très utile de savoir si cette absence éventuelle d’impact est la conséquence d’efforts budgétaires insuffisants, de modalités pédagogiques inappropriées, voire d’une impossibilité de réduire significativement ce phénomène.

Les obstacles méthodologiques (absence de « contrefactuels » par exemple) relevés à plusieurs reprises sont pourtant surmontables si une impulsion politique est donnée, comme en témoigne l’évaluation lancée sur les dédoublements de classe.

Evaluation prévue à partir de la rentrée 2017 pour le dispositif CP dédoublés
Le ministère a mis en place en amont une évaluation du dispositif « Cours Primaires dédoublés en REP+ » afin d’étudier l’impact de cette mesure comparé à celui du dispositif « Plus de maîtres que de classes » (PMQDC) qui continuera d’exister dans certaines classes. La DEPP a constitué, dès la phase de préparation de l’évaluation, un groupe consultatif de chercheurs pour en concevoir les différents
volets.
Il s’agit d’évaluer l’impact immédiat du dédoublement des classes de CP par rapport à des CP « ordinaires », et selon les différentes modalités : CP à 12 élèves, CP dédoublés, PDMQDC. Il s’agit aussi d’évaluer l’impact à moyen terme (N+1 et N+2) des CP dédoublés par la mise en place d’évaluations standardisées en cours élémentaires dans les mêmes écoles que celles de l’échantillon pour disposer d’une mesure des performances des élèves avant et après la mise en place du dispositif.

 

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