Classes uniques en ZEP (école Balard Montpellier)

24 avril 2006

Extrait du site « écoles de proximité », le 24.04.06 : Ecole Balard, quartier de La Paillade à Montpellier

Des classes uniques en zones d’éducation prioritaires
Par Sylvain CONNAC, 17 novembre 2005
Docteur en sciences de l’éducation
Enseignant à l’école coopérative Antoine BALARD

Depuis la rentrée 2004, l’école coopérative Antoine BALARD voit sa structure enrichie de classes uniques. L’école, comportant dix classes, est située dans un quartier populaire de la ville, est classée depuis leur création en ZEP et accueille un public d’enfants d’origine maghrébine. Plus de la moitié des parents perçoit le RMI ou les ASSEDIC, les quelques pères qui travaillent sont ouvriers dans le bâtiment. En dehors des horaires scolaires, les enfants considèrent comme quotidiennes les scènes de courses poursuites en voiture sur les rails du tramway, les rixes, les cris, les deals, les agressions et tout ce qui constitue la réalité des zones sensibles.
Les classes uniques regroupent des enfants de 5 à 11 ans, du CP au CM2. Cette organisation veut leur permettre d’apprendre de manière personnelle, avec le soutien de l’enseignant mais aussi celui des camarades et de tous les outils à disposition.

Les raisons pédagogiques, contextuelles et conjoncturelles qui ont conduit à ce projet sont doubles. Plusieurs classes de cycle III (CE2, CM1 et CM2) existaient dans l’école depuis plusieurs années et, dans la logique de la politique des cycles introduite par la loi d’orientation de 1989, les enfants y apprenaient autour des compétences relatives à ce cycle de manière personnalisée, coopérative et différenciée. Les diverses évaluations menées ont toutes montré le bien-fondé de ce dispositif sur les résultats scolaires des élèves. Il est même apparu une amélioration considérable du climat relationnel, due en partie à la disparition des classes de CM qui concentraient les enfants les plus âgés de l’école et à l’introduction de dispositifs pédagogiques comme la médiation par les pairs. Ces premières années d’expérience de classes hétérogènes ont pu montrer aux enfants, parents et enseignants de l’école la pertinence et la faisabilité de ce choix.

En parallèle avec ces classes de cycle III existaient des classes de CP et de CE1. Il s’est avéré que pour diverses raisons, un nombre important d’enfants entrant en CE2 ne maîtrisait pas suffisamment les compétences en lecture et écriture. Les enseignants se sont aussi rendu compte que la personnalisation des apprentissages dans ces classes de « petits » était entravée par l’absence d’un nombre suffisant d’enfants autonomes dans le monde de l’écrit, d’éventuels relais pour les situations d’entraide.
A l’image également de la réussite des classes uniques rurales , c’est ainsi qu’a germé l’idée d’une innovation autour de classes uniques, prolongement des classes de cycle III et accueillant des enfants sortant de la maternelle.

Ce projet de classes uniques répond à diverses intentions susceptibles d’optimiser la progression scolaire et humaine des enfants. D’abord, il s’appuie sur le phénomène de coopération, exacerbé par le caractère multi-âges de ces groupes. Ainsi, lors des nombreux moments de travail personnalisé, chacun est en mesure d’entrer dans un rôle de demandeur ou d’expert lors des situations d’entraide. Du fait de la multiplicité des domaines de coopération, chacun peut occuper ces deux rôles, quel que soit son âge.

Un deuxième facteur à la source du projet de ces classes est celui du rapport à la complexité. Dans les situations de recherche, les enfants ne sont pas mis en face de problèmes didactiques, visant le développement d’une compétence particulière. Au contraire, le choix a été de leur permettre une rencontre au réel tel qu’il se présente à quiconque souhaite faire de son environnement son milieu d’existence. Pas de manuels ni d’exercices décontextualisés mais plutôt des situations de communications où, par le truchement de la construction de divers langages, les enfants vont être amenés à interagir avec d’autres au sujet de domaines épars. C’est notamment le cas par l’intermédiaire du réseau « Marelle » permettant de la correspondance scolaire muticlasses ou à travers l’investissement de divers lieux d’ateliers qui vont progressivement conduire les enfants à monter des projets, les faire vivre et tenter de les mener à terme. Lors de toutes ces situations de communications, ils apprennent en particulier ce qui fait l’objet des programmes de l’école primaire (lecture, écriture, résolution de problèmes, expérimentations scientifiques, etc.) mais aussi des conduites sociales et culturelles qu’ils auront tout loisir de réinvestir lors de la suite de leur existence.

Enfin, le troisième pilier de ce projet est le phénomène de dissipation par lequel les enfants vont être amenés à apprendre de manière durable. Ce phénomène induit l’ensemble des actions engagées par les enfants sans le contrôle de l’enseignant, traditionnellement réprimandées par l’école, mais ici espérées dans le sens où elles vont entraîner des événements féconds en terme de sollicitations, de projets engagés et donc d’apprentissages.

Dans ces classes, le rôle de l’enseignant est donc bien différent de celui que l’on peut rencontrer dans des classes conventionnelles puisque, bien qu’étranger au non-interventionnisme, il tend à s’intéresser à l’enrichissement de la structure du milieu vivant et ainsi adopter une posture de guetteur pédagogique au service des éventuels besoins des enfants en cours de constructions de langages. « Le maître ne fait plus écran ou filtre au flux des informations ; elles ne convergeront plus vers lui. Ces informations sont plus ou moins brutes, telles qu’elles sont dans la vie. [...] Les apprenants sont dans l’action, l’enseignant lui est derrière eux, parfois avec eux. C’est là seulement qu’il pourra favoriser l’auto-structuration, aider à dénouer des blocages. Lui aussi doit se déplacer. Le précepteur était à côté, l’enseignant traditionnel était devant, le nouvel enseignant est derrière et avec. Dans la structure il est un véritable médiateur. »

Plusieurs équipes de recherche (l’équipe du CERFFE de l’Université Paul Valéry, celle du LIRDEFF de l’IUFM de Montpellier, celle du Ministère de l’Education Nationale par l’intermédiaire des conseillers pédagogiques de circonscription) tentent d’évaluer l’impact éducatif et pédagogique que ces structures hétérogènes peuvent avoir sur les réussites scolaires des enfants. Il est bien évidemment trop tôt pour disposer de données effectives et fiables.

En revanche et avec toute la relativité de la faible durée des études, les premiers résultats montrent clairement que les enfants inscrits dans ces classes à forte hétérogénéité obtiennent des résultats aux évaluations nationales (CE2 et 6ème) au moins égaux à ceux des enfants des écoles à profil semblable. De plus, la sérénité de travail dans les classes uniques apparaît de manière encore plus frappante qu’avec les classes de cycle III, ce qui est une condition optimisant considérablement les apprentissages. Enfin, le travail des enseignants étant dégagé des soucis de gestion de la discipline, leur action est facilitée donc colorée de plaisir et orientée vers une attention plus grande à chaque enfant.

L’hétérogénéité dans la classe qui apparaissait au départ comme une contrainte à surmonter est donc devenue avec ces classes uniques un critère de facilitation de la tâche éducative et gageons-le, un critère de réussite scolaire.
Novembre 2005

Autres documents :
Compilation Collectif pour la Défense de l’Ecole Publique de Proximité, juin 2005

Présentation

L’équipe éducative s’est engagée depuis 2004 dans la mise en place de classes uniques en milieu urbain, avec l’accompagnement de la mission Innovation de l’Académie,
5 classes uniques avec chacune un effectif de 22 enfants étaient prévues à la rentrée 2004.

Un CP fonctionnant en MNLE et des classes de cycle III.
L’équipe éducative s’appuie d’une part sur ce qui a déjà été construit avec les classes de cycle III, en particulier la référence à des institutions et à la démarche PIDAPI*, et d’autre part sur les apports de Bernard COLLOT et de ses théories sur l’école du 3ème type.
*démarche PIDAPI (Parcours Individualisé et Différencié des Apprentissages et Pédagogie Institutionnelle)

Biblio :

« La formation d’enfants médiateurs - L’exercice de la non-violence au service de la coopération à l’école », Institut Coopératif de l’Ecole Moderne de l’Hérault, Octobre 2004, 20 euros, port compris à demander à l’école Balard - 123, rue de Salamanque - 34 080 MONTPELLIER
(Fascicule sur la médiation par les pairs dans les écoles élémentaires et en particulier sur le programme de formation des enfants volontaires.)

Contacts :

Sylvain CONNAC
Ecole coopérative Antoine BALARD
123, rue de Salamanque
34 080 MONTPELLIER

Joindre Sylvain Connac

Association PIDAPI
13, rue des coteaux
34 830 CLAPIERS

Collectif pour la Défense de l’Ecole Publique de Proximité

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