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Les territoires des émeutes. La ségrégation urbaine au cœur des violences (La Vie des idées)

15 avril

Les territoires des émeutes
La ségrégation urbaine au cœur des violences

par Maela Guillaume-Le Gall & Marco Oberti , le 12 avril

jeunesse , banlieue , révolte , urbanisme , ségrégation , gilets jaunes
Le haut niveau de ségrégation urbaine constitue le meilleur prédicteur des violences. La différence la plus marquante entre 2023 et 2005 est l’entrée en scène des villes petites et moyennes, où les adolescents de cités d’habitat social s’identifient aux jeunes des banlieues de grandes métropoles.

Dix-huit ans après celles de 2005, la France a été touchée fin juin-début juillet 2023 par une vague d’émeutes qui a frappé les esprits à la fois par l’élément déclencheur, l’intensité des violences et des dégradations, et le nombre de villes concernées. Dans la plupart des cas les émeutes éclatent à la suite d’un incident, souvent grave, impliquant la police, et conduit à placer au centre de l’analyse la question des violences policières et des discriminations (Kokoreff, 2008 ; Lagrange et Oberti, 2006). Sans nier l’importance cruciale de ces éléments, nous proposons de nous intéresser davantage aux contextes socio-territoriaux dans lesquels ces événements s’enracinent, et moins aux caractéristiques individuelles des protagonistes. Notre approche suggère que c’est moins la pauvreté, la précarité, le mal-logement, les difficultés scolaires et l’immigration en tant que telles qui sont associées aux émeutes que leur concentration dans des quartiers bien spécifiques de certaines communes.

La ségrégation, résidentielle et scolaire, joue un rôle essentiel dans l’apparition des émeutes, et agit de trois manières : d’une part, elle exacerbe, consolide et catalyse des inégalités de différentes natures ; d’autre part, elle contribue à associer durablement les désordres urbains aux habitants des quartiers défavorisés, accentuant leur stigmatisation ; et enfin elle favorise des discriminations qui suscitent colère et ressentiment. Cette dernière dimension est fondamentale et agit à son tour de deux manières. Puisque les stéréotypes envers les minorités s’intensifient lorsque celles-ci sont concentrées dans des quartiers spécifiques, les pratiques discriminatoires de la part de la police se trouvent accentuées sur une base à la fois spatiale et ethno-raciale. Enfin, cela contribue à forger et diffuser, auprès des catégories les plus concernées, une grille de lecture du monde social où l’intentionnalité d’un traitement différentiel, potentiellement raciste, devient centrale (Oberti, 2007).

Dans un premier temps, nous proposons de revenir sur les émeutes de 2005, et nous interroger sur leurs ressemblances et leurs différences avec celles de 2023, du point de vue des territoires concernés. Si la logique de diffusion apparaît identique dans les deux cas, avec un embrasement dans des quartiers populaires de la banlieue parisienne dans un premier temps, suivis des métropoles et de leurs banlieues dans un deuxième temps, puis des petites villes et des villes moyennes ; c’est bien le nombre nettement plus important de ces dernières qui, associé à une plus forte intensité des violences, distinguent les émeutes de 2023. Plus brèves, elles ont connu une diffusion territoriale beaucoup plus large.

Dans un deuxième temps, étant donné les différences structurelles entre la métropole parisienne et les petites villes et villes moyennes, nous traiterons séparément ces deux contextes afin d’interroger leurs spécificités. La comparaison aux émeutes de 2005 dans le premier cas, et au mouvement des Gilets jaunes dans le second cas, apportent un éclairage intéressant, tant sur les effets de long terme des émeutes et de la politique de la ville, que sur les logiques spatiales de la relégation et son ressenti.

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Extrait de laviedesidees.fr du 12.04.24

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