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3 spécialistes (Th. Kirszbaum, J. Talpin, F. Truong) soulignent les limites de la rénovation urbaine, déjà évoquées lors de deux rencontres OZP en 2005

10 juillet 2023

Emeutes après la mort de Nahel : la politique de la ville menée dans les quartiers depuis plus de 30 ans n’a-t-elle servi à rien ?

La politique de la ville a aidé à rénover de nombreux bâtiments, sans combler l’écart entre leurs habitants et le reste des Français sur de nombreux critères sociaux. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Dans de nombreux quartiers populaires, des jeunes s’en sont pris à des bâtiments publics lors des violences urbaines. Une partie de la classe politique y a répondu en pointant la faillite des financements de l’Etat.
Le calme est finalement revenu dans les quartiers, après quasiment une semaine de violences urbaines consécutives à la mort de Nahel à Nanterre (Hauts-de-Seine). Emmanuel Macron a promis aux maires des communes touchées une reconstruction express grâce à une "loi d’urgence". Il s’est montré plus flou, en revanche, sur l’avenir du vaste chantier de la politique de la ville, cet ensemble de réformes étatiques dirigées spécifiquement vers des quartiers prioritaires en difficulté. Le président de la République ne pense pas que la solution réside dans une nouvelle enveloppe alloué au logement, a-t-il expliqué aux édiles, mardi 4 juillet.

La politique de la ville devait pourtant permettre de combler la fracture entre des quartiers déshérités et le reste du pays. "Il n’y aurait rien de pire que cette période fasse le procès de la politique de la ville", clamait lundi sur franceinfo Olivier Klein, ministre délégué en charge de ce sujet. La résurgence d’un mouvement d’une ampleur inédite depuis 2005, année de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, est-elle le signe qu’elle a échoué ?

La politique de la ville est pourtant née en réponse à des émeutes, celles de 1989 à Vaulx-en-Velin (Rhône). Après 2005, elle n’a pas connu d’évolution majeure, car elle venait déjà de connaître un tournant avec la loi Borloo de 2003, qui a notamment créé l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru). Son activité est indéniable : dans le cadre de son premier programme, entre 2004 et 2020, elle a investi 12 milliards d’euros pour rénover 600 quartiers jugés prioritaires, en réhabilitant des logements sociaux, en détruisant des tours pour reconstruire de nouvelles habitations et en installant de nouveaux équipements publics dans une volonté de désenclavement. Un second programme, lancé en 2014, doit également permettre de transformer 450 quartiers d’ici 2030.

Des coups de peinture qui ne font pas tout

"Les améliorations depuis 2005 ont concerné le logement et les transports", observe le sociologue Fabien Truong, professeur à l’université Paris 8, qui a suivi pendant dix ans un groupe de jeunes de Seine-Saint-Denis. "On a rénové et reconnecté un peu plus des quartiers très excentrés", sans faire entièrement disparaître l’insalubrité. "Ces opérations ont permis des changements au niveau de la forme urbaine, on ne peut pas dire qu’elles n’ont eu aucun effet", acquiesce Thomas Kirszbaum, sociologue spécialiste de la politique de la ville, chercheur associé à l’université de Lille.

Mais ce ne sont pas des quartiers entiers qui changent de visage. Les rénovations se font de manière progressive, "par grignotage". Ainsi, à Nanterre, le quartier où vivait Nahel fait l’objet d’un programme de l’Anru. L’une des emblématiques "tours Nuages" doit être détruite, certaines deviennent des logements privés pour encourager la mixité sociale, d’autres sont rénovées mais restent dans le parc social.

Lors des émeutes, les jeunes habitants n’ont pas pour autant épargné les bâtiments censés concrétiser l’investissement de l’Etat dans ces quartiers, leurs propres services publics, dont des écoles, des mairies ou des médiathèques. Pour le sociologue Julien Talpin, chercheur à l’université de Lille et spécialiste de la politisation dans les quartiers populaires, ces lieux sont ciblés en tant que symboles de l’Etat.

[...] Dans un rapport sur la situation de la Seine-Saint-Denis en 2018, les députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) relevaient notamment un taux particulièrement bas de remplacement des absences d’enseignants. "La profusion de moyens des établissements REP et REP+ perd de son sens si, au final, les enfants de ces établissements en zone difficile, qui en ont le plus besoin, bénéficient de moins de cours que les autres", écrivaient-ils.

Extrait de francetvinfo du 08.07.23

 

Voir aussi les comptes rendus des deux Rencontres OZP de 2005

La politique de la Ville et l’application de la loi Borloo dans les ZEP (Rencontre OZP, mars 2005)

L’Observatoire des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) (Rencontre OZP, avril 2005)

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