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- Une pétition contre les groupes de niveau signée en majorité par des parents d’élèves et enseignants en REP et REP+ - Un dossier de Libération sur les opérations "Collège mort"

13 mars

Non aux groupes de niveau ! Défendons une école publique inclusive et démocratique !
Lancée le 8 mars 2024
Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par
COLLECTIF DE PARENTS, ENSEIGNANTS ET SOUTIENS DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC
[cette pétition a été publiée sous forme de tribune dans le journal Le Monde du 5 mars 2024]

Dans cette 5ème, M. est un très bon élève. Y. ne maîtrise pas la lecture. Arrivé en France à 8 ans, A rencontre encore des difficultés de compréhension. Ce jour-là, quand M. se met à pleurer et confie à son enseignante ses problèmes familiaux, ses deux copains A. et Y. restent avec lui pour le soutenir. Quand l’un d’eux a besoin d’aide, M. est là pour lui. Aucun d’eux ne songe ni à s’enorgueillir ni à avoir honte de son niveau scolaire. Ils sont amis.

S. est agressive, perturbatrice. En guise de retenue, l’enseignante l’envoie dans le dispositif d’accueil des élèves migrants primo-arrivants et lui demande d’aider une élève allophone et non lectrice. En quelques secondes, S. est métamorphosée. Elle engage dans cette relation d’étayage son intelligence, ses facultés de concentration, sa gentillesse qu’elle cachait. Ces "travaux d’intérêt général" ont sur elle des effets bénéfiques qui se prolongeront toute l’année. S. s’est réconciliée avec l’école en rencontrant cette petite si fragile, en devenant pour elle quelqu’un qui compte.

Quant à cette petite élève que S. a aidée, arrivée en France à 11 ans sans scolarisation antérieure, elle est aujourd’hui au lycée général. Soutenue par les enseignants, placée dans des classes d’élèves de niveaux différents mais plutôt calmes et motivés (il y en a bien plus que ce que certains prétendent), elle a construit ses fondamentaux, rattrapé l’essentiel de son retard et est devenue une jeune fille épanouie.

Lorsqu’on est enseignant, parent dans le public, en REP, en REP+, on rencontre avant tout des enfants et l’on voit souvent de belles histoires où l’humanité s’épanouit, où grandir ensemble a du sens.

Pourtant, l’ambition d’accueillir ensemble les élèves en offrant à chacun une chance de réussir est aujourd’hui reniée comme illusoire. La hiérarchisation de nos enfants est justifiée par les arguments les plus fallacieux. Les élèves fragiles empêcheraient les meilleurs de "s’envoler". On confond difficulté scolaire et comportements perturbateurs. Les "bons" et les "faibles" seraient adversaires, rivaux dans le partage des ressources attentionnelles et pédagogiques des enseignants. En "libérant" les meilleurs élèves, on aiderait les plus faibles. Pourtant la réforme prévoit pour eux les mêmes programmes, les mêmes méthodes, les mêmes enseignants livrés à eux-mêmes.

On connaît les effets délétères des groupes de niveau : assignation à une identité dévalorisée ou survalorisée, rivalités exacerbées, compétition entre les meilleurs, fragilisation accrue des autres. Une dégradation du climat scolaire est à prévoir. Le ressentiment lié au sentiment de relégation présent chez bon nombre d’adultes n’épargnera pas les plus jeunes. Les groupes de niveau risquent à terme de renforcer la fracture sociale, de nourrir des logiques électorales dévastatrices. Pourquoi créer de nouveaux clivages dans une société déjà malade de son archipellisation ?

Les slogans démagogiques ne doivent pas faire oublier les enjeux qui fondent l’école publique.

Deux modèles d’école publique coexistent dès la IIIe république. Pour le modèle républicain, l’école est un espace de formation générale et de sélection sociale, où les meilleurs éléments sont orientés vers les carrières de cadres administratifs. Le modèle démocratique, lui, voit dans l’école un lieu d’ensemencement du progrès social fondé sur l’hétérogénéité. Les enfants apprennent à vivre ensemble, à respecter les différents caractères et milieux, à coopérer. Surtout ils apprennent à réfléchir et agir ensemble en traitant lors de conseils d’élèves les questions du quotidien, en tenant compte de la loi, des contraintes locales et de la pluralité des points de vue – en construisant une pensée complexe et une conflictualité régulée. Dans cette école, les enfants apprennent à s’écouter mutuellement pour agir dans l’intérêt collectif.

Or que constatons-nous ? Nos "élites" politiques issues de parcours similaires, élevées dans l’entre-soi, semblent trop souvent incapables (ou peu désireuses) d’écouter, d’intégrer la diversité des situations, d’instaurer des débats complexes en respectant l’intelligence des citoyens, d’innover face aux enjeux contemporains. La violence de leurs querelles et de leurs décisions n’a rien à envier à celle qu’ils dénoncent quand elle touche les cours de récréation. Ils sont impuissants face à la prédation qui ruine l’environnement, les solidarités et jusqu’à l’idée de vérité. Ils n’écoutent pas les scientifiques, autre élite, formée pour éclairer l’action publique.

À rebours, les conventions citoyennes montrent que si l’on donne à des individus très divers réunis par le hasard une formation de qualité et des outils pour réfléchir ensemble, ils font des propositions pertinentes, utiles au plus grand nombre.

Le collège unique devait concrétiser le modèle démocratique. Dans les faits, on a pérennisé le modèle républicain reproducteur d’inégalités scolaires, dans un marché du travail détérioré, attisant la compétition autour des grandes écoles et du privé. Jamais on n’a créé les conditions de réussite d’un collège ouvert à une hétérogénéité croissante et à un nombre exponentiel d’élèves à besoins éducatifs particuliers. L’école inclusive demande un renforcement de la formation, des pôles médicosociaux et des Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées. Lorsque un problème de santé dépasse le généraliste, on sollicite un spécialiste : plus un élève est fragile, plus on a besoin de compétences !

Des choix inverses ont mené aux impasses actuelles : suppression de postes, diminution des dotations horaires ; ghettoïsation ; formation insuffisante, rejet des pédagogies actives plébiscitées par de nombreux enseignants spécialisés, la psychanalyse et les neurosciences ; démantèlement de la pédopsychiatrie ; destruction de l’enseignement spécialisé au profit d’une « inclusion » sans moyens, qui laisse trop d’enfants fragiles en souffrance et leurs enseignants débordés ; maintien d’un enseignement privé qui sape le creuset républicain. Et pourtant ces échecs sont imputés... aux élèves.

La réforme des groupes de niveau n’apportera que des effets délétères dont les enfants seront les premières victimes.

Accepter le tri des élèves, c’est accepter que dans toute la vie sociale on abandonne les plus fragiles, qu’on habitue les plus forts à les négliger ou à les mépriser. C’est étendre à l’école des logiques de relégation qui font déjà souffrir de nombreux citoyens, avec les conséquences politiques que l’on sait. Aldous Huxley a bien montré les liens entre dictature et gémellité. Rejeter l’hétérogénéité, c’est rejeter la vie. Priver les « meilleurs » de la société des autres conduit à former une « élite » borgne, incapable d’ouverture intellectuelle, d’empathie, de souplesse dans une société diverse... une élite inadaptée.

Dans un contexte anxiogène, il est tentant de développer des stratégies individuelles pour que son enfant réussisse. Mais qu’appelle-t-on "réussir" ? Accéder aux premières places en perpétuant l’élitisme dans un monde à 50°C ? Ou, face aux menaces du réchauffement, du fascisme et des "alternative facts", donner du sens à sa vie d’adulte en devenir, cultiver l’intelligence collective dans un microcosme vivant, se projeter dans un avenir fondé sur le lien et le respect de chacun, se sentir capable d’agir avec ses concitoyens en vue du progrès pour tous ?

Nous, parents, enseignants et soutiens de l’école publique, pensons qu’il est temps de défendre le projet démocratique de l’école et appelons les parents à lutter collectivement pour que les moyens nécessaires lui soient attribués. Face aux angoisses de nombreux enfants et adolescents devant leur avenir, seul ce projet humaniste est porteur de sens et d’espoir.

Premiers signataires : [...]

La pétition et la liste des signataires (change.org du 08.03.24)

 

« La réforme des groupes de niveau n’apportera que des effets délétères dont les enfants seront les premières victimes »
TRIBUNE
Collectif

Accepter le tri des élèves, c’est accepter que dans toute la vie sociale, on abandonne les plus fragiles, dénonce, dans une tribune au « Monde », un collectif de plus de trois cents personnes, essentiellement des professeurs et des parents d’élèves.

Extrait de lemonde.fr du 05.03.24

 

Mobilisation
« Opérations collège mort » : que sont ces mouvements organisés contre la création des groupes de niveaux ?

Pour lutter contre cette future évolution dans le cadre la réforme dite « du choc des savoirs » portée par Gabriel Attal, parents et enseignants se mobilisent dans plusieurs établissements.

La fin des vacances d’hiver pour les trois zones sonne la reprise des mobilisations dans les collèges de France. Pour s’opposer à la réforme dite « du choc des savoirs » du gouvernement, visant notamment à introduire des groupes de niveaux, les professeurs font cette fois appel aux parents, avec des opérations « collège mort ». Des initiatives de ce type ont eu lieu ce lundi 11 mars dans plusieurs villes de France, avant un appel concernant plusieurs établissements à travers Paris pour mardi 12 mars.

Qu’est-ce qu’une opération « collège mort » ?
Dans le cadre de ces actions, les enseignants demandent aux parents qui le peuvent de garder leurs enfants chez eux, afin de montrer leur soutien au mouvement. Les profs sont toutefois présents dans les collèges – ils ne font pas grève – et peuvent donc accueillir les élèves qui ne peuvent être gardés par leurs parents. « Nous, on ne nous écoute pas, les parents ont un pouvoir que l’on n’a pas », martèle Juliette (son prénom a été modifié), une enseignante de collège mobilisée à Paris.

Ce lundi matin, 97 % des élèves du collège Raoul-Rebout de Montlouis-sur-Loire, en Indre-et-Loire, étaient absents, rapportait France Bleu. Ils étaient 50 présents sur 627 au collège Jacques-Prévert de Bourg (Gironde), le 8 mars, selon Sud Ouest ou encore 30 sur 650 au collège George-Sand de Châtellerault (Vienne), le 16 février, selon la Nouvelle république. [...]

Extrait de liberation.fr du 11.03.24

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