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Le secrétaire général de la FSU : l’égalité entre les collèges demandera un effort considérable

19 juin 2007

Extrait de « L’Humanité » du 16.06.07 : Le libre marché scolaire aggravera les inégalités

Par Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire).

La façon dont la question de la carte scolaire a été posée dans le débat présidentiel a occulté les véritables enjeux. On l’a abordée uniquement en termes de liberté pour les familles de choisir leur établissement alors que l’enjeu essentiel est celui d’une école de la réussite pour tous. La question de la mixité sociale se pose d’abord dans cette perspective : aller à l’école, au collège ou au lycée avec des enfants et des adolescents différents - socialement mais aussi culturellement ou physiquement - est un facteur d’enrichissement de tous ; il est un apprentissage du « vivre ensemble », mais apprendre ensemble est aussi un facteur de réussite.

Inversement, la « ghettoïsation » de certains établissements qui concentrent les difficultés génère une spirale d’échec en dépit de l’investissement collectif de leurs équipes. Dans ce cadre, la question du contournement de la carte scolaire par un certain nombre de familles ne joue qu’un rôle collatéral : même s’il s’agit d’une circonstance aggravante, elle n’est pas au centre du problème. Le problème vient d’abord de ces inégalités qui fracturent notre tissu urbain avec des quartiers où la notion galvaudée de « non-droit » renvoie en réalité au fait que ceux qui y habitent ont moins qu’ailleurs l’accès effectif à un certain nombre de droits. Et il vient en même temps de la fracture scolaire qui recoupe cette fracture sociale, voire l’accentue, avec, d’un côté, des établissements qui offrent des formations diversifiées et le sentiment que chacun peut y réussir, et d’autres perçus comme condamnés à remonter perpétuellement la pente d’un échec scolaire corrélé aux difficultés sociales.

Qui, dans ce contexte, peut reprocher aux familles qui le peuvent d’avoir des stratégies de réussite pour leurs enfants ? Mais qui peut penser qu’il suffirait de donner à chacun la liberté de choix pour résoudre le problème et rétablir de l’égalité là où les inégalités sont si fortes et si profondément ancrées ? De fait, si la quasi-totalité des organisations syndicales et des principales associations de parents sont, soit opposées, soit inquiètes et réservées sur cette démarche, c’est que l’expérience de chacun leur permet d’en imaginer les conséquences.

Le libre marché scolaire, même tempéré et partiellement régulé, non seulement ne peut permettre de réduire ces inégalités mais il fait courir un risque réel d’aggravation. En effet, ces inégalités proviennent à la fois d’une attribution de moyens insuffisante pour faire face aux difficultés de certaines zones, mais aussi de l’autonomie actuelle donnée aux établissements de second degré, qui a permis à certains des stratégies implicites ou explicites pour attirer les « bons » élèves (projets innovants, options attractives), tandis que d’autres, confrontés à des difficultés accrues, ne pouvaient compter que sur les « options de base », tout cela amplifié par des réputations qui se font et se défont au gré d’absurdes classements parus dans la presse ou simplement d’un bouche-à-oreille digne de Bartolo.

Dans ce contexte, la liberté prétendument donnée aux familles serait d’abord une liberté donnée à certains établissements de choisir entre les élèves et ainsi d’accroître encore leur « succès » au détriment des autres. Qui peut croire que les familles des quartiers les plus défavorisés auraient une chance autre qu’homéopathique d’y accéder ou que, dans un contexte d’inégalités scolaires, la pression d’un certain nombre de familles pour échapper aux zones à mauvaise réputation ne soit pas toujours aussi forte ?

En fait, il n’y a pas de vraie solution si on ne fait pas un effort considérable pour rétablir de l’égalité entre les établissements, pour que chaque enfant, où qu’il habite, ait une vraie chance de réussite et perçoive que cette chance existe. Cela passe par une politique économique, sociale, urbaine qui vise à rétablir partout l’accès effectif à tous les droits. Et par une politique scolaire ambitieuse qui implique beaucoup de moyens mais doit aussi se préoccuper du « qualitatif » : formation et évolution du travail des personnels, scolarisation en maternelle, options attractives, accès à l’enseignement supérieur... Ce nécessaire travail ne signifie pas qu’il ne faille rien faire dans l’immédiat pour offrir plus de justice et de mixité. Mais les solutions sont souvent à trouver au plan local car les situations ne sont pas uniformes : on peut tantôt redécouper les secteurs, tantôt supprimer ou fusionner ou redécouper des collèges ou des lycées, voire rechercher des solutions de régulation adaptées et originales... Mais une condition s’impose : ne pas céder à l’illusion que la solution réside dans la concurrence ou l’autonomie accrues

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