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Un débat ouvert sur les neurosciences au sein même du conseil scientifique (par ToutEduc, J.-M. Zakhartchouk, Roland Goigoux...). L’expérimentation du projet Lemon (Lecture, Mathématiques, Outil Numerique) en éducation prioritaire

7 février 2018

La Lettre de ToutEduc, du 31 janvier au 7 février
EDITORIAL. Jean-Michel Blanquer et les chercheurs du CSEN qu’il a nommés il y a moins d’un mois sont-ils "sur la même longueur d’onde" ? Le ministre, qui accompagnait le président en Tunisie, ne pouvant être physiquement présent, avait envoyé une vidéo pour l’ouverture de la "Conférence internationale" qu’organisait le "Conseil scientifique de l’Education nationale". Celle-ci avait pour titre "le rôle de l’expérimentation dans le domaine éducatif", et Jean-Michel Blanquer a salué "la démarche expérimentale" qu’il place "au coeur de ce que nous voulons faire ensemble" pour "améliorer les pédagogies", construire "une école résolument moderne" qui constitue "un modèle regardé dans le monde".

Son enthousiasme contrastait avec la modestie des chercheurs : "Les résultats en sciences cognitives ne justifient pas de changement dans un programme scolaire" (Elizabeth Spelke, Harvard). "Il est difficile de mettre en œuvre les implications [de la recherche] dans les classes" (Marc Gurgand, Ecole d’économie de Paris). "Le passage du labo à la salle de classe [constitue] une épreuve redoutable" du fait de la multiplicité des variables (Stanislas Dehaene, Collège de France). De plus, les logiciels d’aide aux apprentissage conçus par Stanislas Dehaene ont des effets "pas énormes", "modestes"... (les vidéos des allocutions sont ici)

Les chercheurs n’en défendent pas moins la nécessité de la recherche, d’autant que "tout enseignant doit connaître le fonctionnement du cerveau des élèves", affirme Ghislaine Dehaene-Lambertz, sans d’ailleurs justifier cette assertion, mais leur modestie (qui les honore) nous oblige à nous interroger sur la pertinence de leurs outils d’évaluation. Le logiciel "attrape nombres" apprend aux élèves à jouer à attraper les nombres, et il est évident qu’ils acquièrent la compétence "attraper les nombres", mais si on mesure leurs progrès en mathématiques, on a toutes les chances d’être déçu. Le processus de "métabolisation" d’une compétence dans un autre contexte est lent, mystérieux, et très dépendant de facteurs multiples, qui échappent aux précautions méthodologiques des études randomisées (en double aveugle). On peut, sans doute, être plus optimiste que ne le sont les chercheurs, mais il faudrait faire intervenir d’autres chercheurs, en sciences de l’éducation notamment, qui travaillent sur les conditions de mise en oeuvre des acquis.

Il serait absurde de prétendre que les travaux scientifiques sollicités par Jean-Michel Blanquer pour fonder sa politique ne sont pas solides. Mais leur base est étroite. C’est donc un véritable pari que tente le ministre. Malgré une question en ce sens posée par ToutEduc, le dédoublement des classes de CP et de CE1 n’a pas été évoqué lors de cette conférence. Qu’adviendra-t-il si les évaluations promises sont moins positives qu’espérées, et ne justifient pas une telle mobilisation de moyens, ni un engagement aussi fort ?

Extrait de touteduc.fr du 07.02.18 : La Lettre de ToutEduc (en clair)

 

Conseil scientifique de l’Éducation nationale
La complexité contre la « preuve »
Jean-Michel Zakhartchouk

De nombreuses craintes se sont fait jour au moment de la nomination du conseil scientifique de l’Éducation nationale, présidé par Stanislas Dehaene. Et si c’était moins inquiétant que cela ? Et si la question était plutôt l’utilisation politique faite des travaux de la recherche, en particulier dans le domaine des neurosciences ?

Du labo à la salle de classe, la route est longue et pleine d’obstacles. C’est sans doute une idée forte qui est ressortie du colloque international organisé au Collège de France le 1er février par le nouveau Conseil scientifique de l’éducation nationale [1]. Son président, Stanislas Dehaene, après avoir présenté le logiciel d’entrainement au calcul et à la lecture expérimenté dans l’académie de Poitiers [2] avec vocation à la généralisation, le reconnaissait d’ailleurs honnêtement : les premiers résultats montrent seulement de légères progressions des élèves ; beaucoup d’enseignants se sont retirés de l’expérience tandis que restent sans doute les plus motivés, ce qui introduit un biais ; enfin, la question de l’effet durable dans le temps reste posé. Cette expérimentation échappera-t-elle à ce constat un peu désabusé fait par Marc Grugand, économiste de l’éducation : sur soixante-dix-sept expérimentations « randomisées » (c’est-à-dire reproductibles, généralisables) entre 2002 et 2011, seulement sept ont produit des effets positifs, dès lors qu’on se situe dans un temps relativement long.

En fait, on était loin du scientisme et de l’applicationnisme dans la plupart des interventions de ce colloque, ce qui dissipe un peu les craintes que beaucoup ont émises sur le rôle que va jouer le nouveau Conseil. Cela met aussi en lumière bien des contradictions de la politique éducative actuelle, qui utilise hâtivement certaines conclusions, parfois provisoires, de recherches pour bâtir des « progressions structurées » qui prennent assez peu en compte la mise en œuvre réelle et le débat scientifique qui doit se poursuivre. Le ministre, qui devait conclure le colloque, était absent (en Afrique avec le président) et de ce fait, nous n’avons pas eu droit à sa « lecture » du colloque.

Pour ma part, j’ai surtout entendu des chercheurs montrer combien il est difficile de « prouver » l’efficacité d’un dispositif ou de méthodes.

Extrait de cahierspedagogiques.net du 07.02.18 : La complexité contre la preuve

 

[...] Enseigner n’est pas une science. C’est une pratique sociale, l’exercice d’un métier fondé sur une relation humaine entre des élèves et des professeurs qui transmettent des connaissances et des valeurs.Cette pratique est en constante évolution sous de multiples influences : les programmes, les manuels, les caractéristiques des publics d’élèves, les contextes d’exercice, la formation… Pour l’influencer positivement, autrement dit pour améliorer l’enseignement, il faut tenir compte de toutes ces dimensions. C’est probablement ce que le Conseil scientifique de l’Education nationale (CSEN) aura du mal à faire en raison de sa composition.

Extrait de liberation.fr du 04.02.18 : Roland Goigoux : Enseigner n’est pas une science

 

Comment les sciences cognitives peuvent contribuer à améliorer l’enseignement
par Cyril Couffe, Directeur de la chaire "Talents de la transformation digitale", Grenoble École de Management (GEM)

[...] Expérimentations, tests et transmissions
Comment le conseil souhaite-t-il passer des mots aux actes ? Dès le début, celui-ci a affiché sa volonté très forte de mettre en place des expérimentations afin de développer des nouveaux outils d’évaluation physiques et numériques des performances de écoliers, ceux disponibles actuellement n’étant pas toujours satisfaisant sur le plan des délais et des mesures. Il s’agira par exemple d’aider les professeurs des écoles à évaluer par des tests éprouvés, tout au long du CP, le niveau de chaque élève.

Dans un second volet, il s’agira également de passer rapidement à la mise en place de test des nouveaux protocoles pédagogiques afin de mesurer leur efficacité sur le terrain. En revanche, les moyens associés à ces expérimentations devront être conséquents afin de mettre en place des études directement en classe, au moyen notamment de réseaux d’écoles à même de les accueillir et de chercheurs et jeunes chercheurs capables de porter ces projets.

Dans un troisième volet, il faudra impérativement sensibiliser et former les professeurs des écoles à la pratique pédagogique nourries des recherches en sciences cognitives. Cela risque d’être malheureusement complexe sans repenser les temps de formation des enseignants et futurs enseignants. Pourtant, nombreux sont ceux qui aimeraient bénéficier de ces connaissances, qui se révèlent être un réel appui au quotidien.

Trois défis à relever
Ainsi, ce projet répond à des ambitions très fortes en lien avec la réussite des générations futures en se basant sur le constat actuel plutôt inquiétant de la baisse du niveau scolaire en France. Seulement, les moyens investis devront être à la hauteur des défis et écarter plusieurs dangers en lien avec le fonctionnement des réformes d’état, les ressources ou encore nos choix de société.

Premièrement, Il faut à tout prix éviter un mode de fonctionnement vertical qui n’inclurait pas les enseignants. Ainsi, les professeurs des écoles devront être impliqués de façon précoce aux différents groupes de travail qui sélectionneront et piloteront les projets. En plus d’enrichir les débats grâce à leur vision irremplaçable du terrain, cette association permettra d’augmenter la légitimité des propositions de cette instance et les chances qu’elles puissent ultimement nourrir les pratiques pédagogiques actuelles.

Il ne faudra pas nous plus négliger la montée en compétence du personnel enseignant, et bannir l’idée d’un système qui ne ferait qu’ajouter des préconisations sur la formation des profs sans dégager les moyens financiers et temporels nécessaires.

Enfin, il a déjà été souligné combien il est essentiel que le modèle éducatif soit relié à l’évolution du travail et de la société, notamment au regard de la transformation digitale. Néanmoins, il convient de réfléchir ensemble à un modèle pédagogique lucide et à même de faire grandir nos écoliers tant sur le plan des compétences que de la connaissance de soi, des autres, et de la culture.

Extrait theconversation.com du 02.02.18 : Comment les sciences cognitives peuvent contribuer à améliorer l’enseignement

 

Le projet LEMON passe en classe
LEMON propose la première expérimentation à grande échelle sur l’efficacité du numérique comme outil pédagogique pour accompagner l’apprentissage de la lecture et des mathématiques à l’école primaire, notamment pour les enfants en difficultés d’apprentissage dans les réseaux d’éducation prioritaires (REP, REP+).

Le dispositif consiste à former et accompagner des enseignants à utiliser des entraînements numériques sur tablette au cours du CP.

L’ambition du projet est de proposer des solutions numériques de « première intention » au sein de l’école portant sur des entraînements individualisés et adaptés afin de réduire les difficultés d’apprentissage, la disparité entre les élèves, le décrochage et l’échec scolaire.

Le partenariat entre les laboratoires de recherche en psychologie, sciences du langage et informatique d’un côté, et l’ESPE, Canopé et le rectorat de l’autre permettent la mise en place d’une nouvelle dynamique entre terrain, formation et recherche avec des retombées concrètes pour améliorer la prise en charge des élèves en difficultés.

Vidéo de présentation du projet LEMON sur AMUPOD

Plaquette de présentation

Le premier outil de l’expérimentation, un logiciel pour la lecture, Grapholearn :

GraphoLearn est un jeu sérieux qui renforce l’apprentissage du décodage élémentaire (lettres, phonèmes, syllabes, mots, phrases) et l’automatisation des processus de la lecture grâce à un entrainement audiovisuel ludique.

La version française a été adaptée par Johannes Ziegler et Liliane Sprenger-Charolles du Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC). Cette version propose une progression optimale qui travaille aussi bien le renforcement du décodage élémentaire (le b-a/ba) que les compétences en orthographe, la fluidité, les mots irréguliers et la lecture de phrases. Sa conception est en accord avec les grands principes scientifiques du domaine de l’apprentissage de la lecture qui préconisent l’enseignement systématique du décodage au cours du CP pour permettre à l’enfant de rentrer dans la boucle de l’auto-apprentissage.

Le site web de Grapholearn

L’expérimentation a déjà commencé dans les classes marseillaises de CP, plusieurs médias se sont intéressés au sujet :

La suite du projet :
L’utilisation des logiciels sur tablettes a commencé début janvier et dure pendant 16 semaines (hors vacances scolaires).

Des mesures qualitatives et quantitatives sont réalisées tout au long de l’intervention et permettront de quantifier la progression des élèves dans chaque domaine. Ces évaluations sont réalisées par les étudiants de Master 2 de l’ESPE dans le cadre de leur stage et de leur sujet de mémoire.

Les post-tests se dérouleront la première semaine de juin 2018.

En janvier 2019, c’est l’outil mathématique, Number Catcher, qui sera testé.

Extrait de espe.univ-amu.fr du 25.01.18 : Le projet Lemon passe en classe

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