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PISA et inégalités : - The Conversation propose de mesurer l’efficacité en combinant équité et excellence - Un entretien du Café avec Mathieu Ichou, chercheur à l’INA

18 décembre 2023

Enquête PISA : derrière la baisse de niveau, une hausse des inégalités scolaires ?

auteurs
Nadir Altinok
Maître de conférences, UMR BETA, Université de Lorraine

Claude Diebolt
Directeur de Recherche au CNRS, UMR BETA, Université de Strasbourg

[...] Pour bien situer et comprendre ces résultats, se focaliser uniquement sur les classements publiés pour 2022 s’avère réducteur. Nous en proposons une grille de lecture autour d’un groupe de pays formant un ensemble homogène et similaire à la France, réunissant 18 pays européens, dont l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Danemark ou la Suède, et trois pays asiatiques, dont le Japon (la liste complète des pays pris en compte figure en note dans le Tableau 1), afin de voir dans quelle mesure la France aurait une performance déviante.

[...] Des politiques éducatives à interroger
Cette analyse des seuils de compétences s’avère particulièrement utile pour questionner l’efficacité d’un système éducatif en termes d’équité et d’excellence. En toute logique, un pays avec un système éducatif efficace devrait être capable de faire atteindre la majorité de sa population au seuil minimum de compétence (au maximum 100 %), sans compromettre les chances de succès des plus performants : nous pouvons supposer, par hypothèse, qu’un système performant est celui où la moitié de la population au moins atteint le niveau avancé.

Il est alors possible de calculer un indice d’efficacité des systèmes éducatifs qui combine ces deux seuils. Forts de cela et pour le cas de la France, nous constatons une double évolution inquiétante : moins d’élèves parviennent à atteindre le seuil minimum de compétences, mais sans observer parallèlement une hausse de ceux qui accèdent à celui de l’excellence. À sa manière, l’observation de cette réalité nous conduit à questionner le maintien des inégalités.

[...] Dans cette perspective, quelles conclusions pouvons-nous tirer des résultats de PISA 2022, mais aussi des enquêtes précédentes ? Le premier résultat renvoie, à nos yeux, à l’absence de « choc PISA » dans l’Hexagone durant la décennie passée. La baisse observée récemment découle pourtant de problèmes structurels, qui plus est, elle concerne finalement la plupart des pays européens. Elle ne peut donc pas être traitée de manière hâtive par telle ou telle politique de rapiéçage. Elle demande des changements de politique éducative majeurs, de long terme, qui se comptent en années, voire en décennies.

Extrait de theconversation.fr du 12.12.23

 

Les inégalités, la France en tête de palmarès

Mathieu Ichou est chercheur à l’Ined – Institut National d’Études Démographiques. Il travaille sur la sociologie de l’immigration, de l’éducation et de la stratification sociale. À la lumière de son expertise, il analyse les résultats de l’enquête PISA en matière d’inégalités.

Encore une fois, les résultats de l’enquête PISA montrent que la France est un des pays de l’OCDE où le lien entre l’origine social et la performance sont les plus corrélés. Comment interpréter vous ces résultats ?

[...]

Ce constat n’est pas évident à expliquer. Il est probable que la ségrégation sociale et scolaire, c’est-à-dire l’inégale répartition des élèves entre les établissements selon leurs caractéristiques sociales et leur niveau scolaire, constitue un facteur majeur de renforcement du lien entre origine sociale et résultats scolaires. Plus généralement, dans tous les pays de l’OCDE, mais peut-être en France plus qu’ailleurs, la réussite scolaire, puis le diplôme, est considérée comme une ressource essentielle pour la réussite sociale, notamment professionnelle. Les parents des classes moyennes et supérieures déploient donc, plus ou moins consciemment, des stratégies pour favoriser la réussite de leurs enfants.

Depuis 2012, il y a pourtant eu des politiques en faveur des élèves scolarisés dans des établissements classés REP. Cela signifie-t-il que cela ne fonctionne pas ?

Vous avez probablement raison. Les recherches existantes montrent les effets ambivalents et limités des politiques d’éducation prioritaire menées en France, entre autres du fait de la non adéquation des objectifs visés et des moyens mis en œuvre. Au contraire, l’assouplissement, déjà ancien, de la carte scolaire a eu des effets négatifs prévisibles sur l’aggravation de la ségrégation scolaire, dont les politiques d’éducation prioritaire ne peuvent, à elles seules, compenser les effets inégalitaires.

Quelles solutions alors ?

Je ne suis pas spécialiste des politiques scolaires et il n’y a pas de solution miracle malheureusement – et surtout pas si on isole les politiques scolaires. Ce qui est clair, c’est qu’on ne peut rendre l’école exclusivement responsable des inégalités scolaires. Par exemple, la ségrégation scolaire est pour partie le produit de la ségrégation résidentielle – extérieure à l’école et aux politiques scolaires. De façon générale, du fait du lien entre origine sociale et résultats scolaires, une solution pour réduire les inégalités scolaires serait de s’attaquer aux inégalités sociales qui les produisent…

Sur la question des élèves issus de l’immigration, on note une différence significative de la performance avec les élèves autochtones. Comme l’expliquer ?

Effectivement, les élèves issus de l’immigration ont des performances moyennes inférieures, notamment ceux qui sont arrivés en France en cours de scolarité – les écarts sont moindres pour les élèves nés en France de parents immigrés. Les derniers résultats de PISA concordent avec l’ensemble des recherches sur le sujet : la cause principale de la moindre réussite des élèves issus de l’immigration est leur origine sociale défavorisée. Quand on compare des élèves de même origine sociale, les différences se réduisent fortement et, dans certains cas, cessent d’être statistiquement significatives. Quelques facteurs sont néanmoins spécifiques aux élèves issus de l’immigration : c’est notamment le cas des effets néfastes de la ségrégation ethno-raciale, qui concentre dans certains quartiers et certains établissements les plus défavorisés les élèves issus des minorités, ce qui est défavorable à leur réussite scolaire.

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

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